Mao et Pétain. Rien que ça. Main dans la main, bons copains, sortis de leur tombe un beau jour ensoleillé d’octobre. La jolie apparition ! Si Ségolène Royal a une qualité (grandissante) c’est de susciter l’émoi dans la basse-cour. Vous, je ne sais pas, mais quand dans la même journée, contre Royal, j’entends voler les insultes "Mao", "Pétain", "Pol Pot", "sans culottes de 93", que je n’avais pas vu voler aussi serrées en escadrille depuis longtemps, je me dis qu’elle a dû effleurer un point...sensible chez tous ces Messieurs.
Ce bruyant envol d’Histoire de France (et du monde) dans un grand froufroutage de battements d’ailes ne trompe pas. Et si, sans avoir l’air d’y toucher, mine de rien, sans prononcer le mot, Royal venait de faire rentrer par la fenêtre le débat sur la 6ème République, qu’elle avait semblé enterrer cet été, au grand dam (silencieux) d’Arnaud Montebourg ?
Miraculeusement, touché par la grâce, Villepin (derrière Royal, qui avait proposé son ouverture aux "citoyens", avant de sembler faire marche arrière) propose d’ouvrir le conseil des ministres aux caméras. Et en tout cas, sans attendre, le prochain conseil interministériel consacré à l’Europe.
Ce qui fait diversion, certes. Fait déjà bien rire l’ami David. Fera des gros titres dans les journaux des prochains jours. Mais ne répond pas à la question.
Car ce n’est pas seulement de transparence, qu’il s’agit. On n’en est plus là. Face à la crise de confiance de la démocratie représentative, que Royal vient de saisir à bras le corps, on n’en est déjà plus à ces gadgets de replâtrage. En agitant le spectre du contrôle des élus, en amorçant dans le plus grand désordre, dans une apparente improvisation, ce débat-là, en l’imposant aux socialistes comme à la droite, Royal, même si elle ne l’a pas fait exprès, a posé la question de la constitution. Mais oui, David. Rien que ça. Evidemment, on peut en rire, comme dans la chambre voisine. Mais on peut aussi dire : "enfin" !
Car il est évident que ces "jurys", quelle que soient leur forme et leurs compétences, devront être constitutionnalisés. Et qu’on ne trouvera pas une majorité de députés et de sénateurs actuels pour voter à Versailles cette réforme-là, en envoyant tranquillement des cartes postales à leurs petits enfants.
Certes, il ne faut pas s’en tenir à cet "effet d’effroi". Sarkozy ou Le Pen ont maintes fois provoqué d’identiques "effets d’effroi". Dans les jours qui viennent, le BBB, qui s’autoproclame à l’instant même jury-citoyen-tiré-au-sort-d’évaluation de la candidate Royal, souhaite que Royal précise la composition, les affectations exactes, les compétences, les limites du pouvoir de sanction, de cette proposition de "jurys de citoyens tirés au sort".
Avec votre aide à tous, nous serons vigilants. Et délivrerons, évidemment, notre évaluation. Pluraliste, vous l’avez compris. Et citoyenne.
Une poudre au yeux,un miroir aux alouettes, un voeu ,même pas pieux, une idée afin de séduire, je vous fais confiance à vous les français,mais j’aurais le bâton de maréchal,vous avez dit république ? bananière probablement, corruption,pots de mauvaus vin, de vinaigre, qui pour le coup n’a pas d’odeur. Il serait bien que tous les politiques soient pourvu,d’une petite diode au milieu du front :
Lumière verte s’il est sincère et honnête ... " Bleue si c’est fifty/fifty... " Rouge, s’il désire tout simplement le pouvoir,et ce qui va avec...... !
Bonjour Daniel
Et si cette élection présidentielle était la première à ne pas (entièrement) se passer à la télé ?
Et si, comme pour le référendum européen, c’était sur Internet que certaines choses allaient être dites, allaient être faites, allaient être vues, allaient être analysées, allaient être commentées, allaient être enregistrées, allaient être filmées ?
Et si les blogs politiques allaient changer une certaine donne médiatique ?
Et si ça commençait par le politic show ?
Et si, comme disait Jacques Juliard chez Guillaume Durand, Internet faisait que tout le monde se croit journaliste ?
Et si les journalistes allaient rater le rendez-vous technologique de cette élection ?
Et si Internet était un vide juridique du CSA ?
Et si je m’arrêtais là ?
si niais
fm
Je trouvais que c’était une illustration parfaite de plus, de ce qui a été discuté sur ce fil avec Sam, Etienne, et d’autres...
"Les trois questions que les médias classiques ne poseront pas aux candidats PS..."
Pascale Fourier,animatrice de Des Sous... et des Hommes, AligreFM
Lire la suite à l’adresse Là
Oui, vive l’internet et pourvu que ça dure...
Il faut aussi écouter (presque) tous les enregistrements de cette émission, tous archivés. C’est un bonheur, un bol d’air pur et de lumières.
Il y a peut-être des questions encore plus fâcheuses... J’en vois notamment une, essentielle : je suis surpris, je n’y ai toujours pas trouvé d’émission sur la création monétaire, et ses tenants et aboutissants... humains. (seul J.M Harribey a donné deux interviews sur le thème, que je trouve désespérement pauvres - deux fois n’est pas coutume.) Voir le site passionant et plutôt accessible de l’écosociétalisme :
Je ne veux pas d’un « jury » pour deux raisons :
un « jury » se
contente précisément de répondre à des questions qui ne proviennent pas de
lui, et c’est exactement ce qu’il ne faut pas s’agissant de "juger" l’action
des élus
un jury tranche sur
une sentence, or pour cela c’est, suivant la nature de ce qui est reproché,
soit aux organes dédiés (justice) soit à tous les citoyens de le faire
(promesses reniées sans raison valable ni explications). Le
« pouvoir de ne pas réélire », je veux bien y croire... pourvu
justement qu’on apporte dans le débat les questions qui fâchent.
On peut croire que cette société individualiste a au moins le
mérite de protèger la vie privée contre l’invasion de la sphère politique.
Mais la pensée unique (idéologie) est martelée désormais au citoyen jusque
chez lui :
qu’il ne
fasse "pas de politique" (les flots de marchandises qui lui prennent de plus
en plus son temps libre, de réflexion et d’investissement personnel ; la
peur du chômage et des soucis financiers qui ne touchent pas que le militant,
mais le travailleur et plus globalement l’individu dans son entier, comme
lorsqu’il songe simplement à ses gosses, à sa maison ou à sa retraite ;
la pub pour des chaînes de magasins qui pressent des millons de gens pour
casser les prix... des mêmes consommateurs, les émissions cucul ou les pubs
dévalorisant les images et les symboles humains, tout ça, c’est de la
"politique" néolibérale, une idéologie ne rentre que par l’action)
ou qu’il en fasse - tant de gens ont
de la volonté et de l’empathie, et se sentent investis de ce devoir - sans
cultiver un véritable regard critique, qui refuse de se limiter aux questions
verrouillées qu’on lui impose, dans un contexte mental de marchandisation de
tout ce qui bouge et ne bouge pas, de peur rabâchée des mêmes menaces
économiques et d’invariables logiques marchandes, et le tiennent éloigné de la
vraie politique, celle où, comme sujet libre, il peut développer sa critique,
choisir lui-même de questionner les questions...
Un système totalisant n’admet surtout pas le véritable individualisme, celui ou l’individu préserve une personnalité qui échappe au joug de sa logique idéologique. En cela, il faut arrêter de confondre "société individualiste bourgeoise" et notre "société individualiste" actuelle.
Si la « meute » citoyenne en est réduite à faire ce que Chazal, Chabot, El-Kabbach ou tout autre « interrogateur institutionnel » fait à longueur de temps, à savoir à la fois déployer un énorme pouvoir de questionnement et taire toutes les questions qui fâchent la pensée unique, alors oui, cette meute est un danger.
Quand vous discutez de politique "sur un coin de table", avec
des amis ou collègues, en pleine semaine, sans recul sur les évennements, que
se passe-t-il ?
au
pire, vous trouvez 5 ou 10 personnes qui commentent les propos de Sarkozy pour
dire presque toujours qu’ils sont tous d’accord (contre)... mais ça prend tout
l’espace ;
au mieux,
pour discuter comment il faut résorber "la dette" ou le chômage, en déployant
les diverses fausses recettes qu’on nous apporte déjà sur une question
vérouillée (voyez comme elles marchent), si justement vous ne faites
qu’accepter de répondre par « comment » (les résorber) au lieu de
prendre la liberté de se demander « pourquoi » (ils existent et
perdurent). Prenez la question d’un TCE formulée comme un « oui ou
merde », un « soit tu signes soit c’est à toi qu’on doit cette
saleté de Nice »... Prenez la question de la Constituante
européenne : qui s’imagine qu’on va la lui apporter à la TV ?
Un bon moyen de reconnaître une « question conne » (verrouillée, orientée, qui restreint le champ des possibles) : c’est celle qui fait s’étriper les gens. Questionner la question, et seulement alors vous comprenez pourquoi, et pourquoi les gens peuvent devenir esclaves d’une idéologie.
Mais attention, je ne parle pas d’un cirque lui même orchestré d’en haut, car il est évident que le gros du spectacle dans lequel on fait aujourd’hui danser les politiques, traités comme de purs gestionnaires dans les médias, consiste justement à simuler (ou à mettre en œuvre souvent de bonne foi, même) une impertinence donnant le change. Une bonne propagande ne fonctionne justement qu’en apportant en permanence un bon simulacre de contradiction.
Je parle du temps que chacun devrait prendre pour lire, pour réfléchir, loin du tapage, et pour chercher lui-même le fil des informations : rien de plus salvateur que de sortir d’un "calendrier" qui vous place de fait dans une situation permanente de véritable interrogatoire où, si votre esprit critique est mis en branle, parfois fortement, il est tourné vers les questions que vous vous laissez imposer. Pour avoir grandi dans une "secte" évangélique, je peux vous assurer qu’il est possible de concentrer en permanence l’esprit critique des gens sur des réfexions qui ne laissent pas libre de s’éloigner longtemps du cadre, de sorte que l’esprit critique peut être canalisé entièrement pour renforcer un système mental qui soumet l’individu à un dogme. Les exemples affluent. Combien de scientifiques, à une époque où l’athéisme n’avait pas d’existence officielle, et où l’égalité des femmes et des hommes était aussi inconcevable (dans l’espace public, toujours) ont déployé des merveilles de réflexions pour s’en tenir à renforcer un dogme dans lequel la recherche de la connaissance est le péché originel, et les femmes la propriété des hommes (I-Chorinthiens, 11) ? Voir le Traité d’athéologie de M. Onfray (où le psychopathe Saint Paul prend une rouste qui l’attend depuis 2000 ans...)
Qui pose les questions ?... Le progrès décisif qu’apporterait un jury de citoyen tiré au sort, comme un référendum d’initiative citoyenne, c’est celui de faire naître les questions qui fâchent (les pouvoirs établis) dans le débat public, celles là mêmes qu’on tait le plus.
Ce jury devrait être préservé de la présence d’animateurs extérieurs, de gestionnaires de temps de parole ou de la communication, qu’on tentera sans doute de lui imposer sous couvert d’encourager la démocratie interne (de protéger le peuple toujours suspect de penchant naturel à l’anarchie) et externe ("on" exigera bien vite des caméras pour ces "dangereux", bien plus vite qu’on n’en exige pour ces multiples organes de pouvoir que sont un conseil des ministres, une commission européenne, une OMC.)
Il faut que les questions ne soit amenées que par les membres du jury, bien qu’elles relaieront celles de bien d’autres citoyens. Il faut que chaque membre puisse les proposer aux autres, et en argumenter la pertinence et l’importance, en laissant aux autres la possibilité de s’approprier une connaissance qu’ils n’auront pas nécessairement. Chose qui se passe couramment à l’Assemblée nationale.
Ce sont des véritables conférences de citoyens qu’il faut, dans lesquelles on combine un respect soigneux des principes démocratiques - le tirage au sort, mais également une séparation interne des pouvoirs : une partie questionnement, une partie débats et synthèses (des questions qui seront retenues, formulées, et amenées au dehors, pour déclencher un RIC ; pour être posées publiquement à un élu forcé de rendre des comptes sur son programme, et ses promesses reniées, notamment ; le respect d’une loi qui n’appartient à aucune de ces parties, ni à cette assemblée, comme dans un tribunal - tout en laissant le "jury" mener lui même les débats sur des questions qu’il apporte lui-même, librement, et dont il appartient à chaque membre d’argumenter la pertinence, l’importance, la priorité, ... Que ce "jury" soit filmé, ce serait une bonne chose pour la démocratie, mais que cela n’implique pas le droit d’individus, à l’extérieur, d’interroger l’Assemblée, sinon on tombe dans l’anarchie actuelle d’un calendrier et de problématiques imposées : cette "retraite" (même filmée) du "jury" est essentielle pour le laisser construire un vrai débat, et dégager les questions essentielles. Et cela n’empêche pas les citoyens de contacter ses membres, comme il peut le faire avec ses députés, l’important est que c’est au "député" que revient la liberté de choisir les questions.
La plus grande force d’institutions démocratiques d’initiative citoyenne comme ce "jury" ou le RIC (mieux, les deux combinées), c’est qu’elles ne feront pas que soulever quelques questions : pour peu qu’on ne muselle pas les premières et les débats qui s’en suivent, elles en soulèveront en cascades, et à chaque étape, alors qu’elles seront essentielles pour éclairer le débat public, elles souligneront le caractère décisif de l’opacité des pouvoirs réels, et la nécessité désormais criante de la lisibilité de l’activité économique. Pourquoi cette législation sur les OGM alors que les Français sont contre tel ou tel point ? D’où vient « la dette », à qui profite-t-elle ? Pourquoi le chômage massif aujourd’hui et pas auparavant ? Pourquoi l’option de la Constituante européenne est privée de débat public alors qu’elle est évidente ? Pourquoi notre Etat soutient (indirectement du moins) des dictateurs, pourquoi tolère-t-il qu’entre du fric venu de paradis fiscaux, pourquoi ses propres banques ont des activités là-bas, pourquoi l’Etat est-il complice d’une fuite fiscale qui le pille et repose sur les plus pauvres et ceux qui maintiennent des activités loyales, et encourage au final chacun à cette fuite légale ? ... Pourquoi tant de questions déjà posées, souvent même par des instances très sérieuses de la société civile ou même de responsables politiques, n’ont pas obtenu de réponses ?
On enclencherait ainsi assurément une « contre maladie positive », face au cancer de l’idéologie et des pouvoirs qui la portent, qui se propagent dans les têtes / se développent dans les faits, implacablement, dans l’ignorance et l’opacité de structures qui laissent en émerger d’autres en leur sein, toujours plus opaques et antidémocratiques.
Quand les citoyens auront rejeté la législation sur les OGM, par exemple, qui s’imagine que la France sera encore contrainte de se plier à celle de l’UE qui se plie à celle de l’OMC (qu’elle a grandement installée elle-même, comme nos exécutifs nationaux l’ont fait à l’échelon européen, en tant que législateurs) ? L’Etat français refusera de payer car il aura sa loi nationale et sa volonté nationale derrière lui. Parce qu’il n’y aurait plus de pouvoirs qui serait imposés à la nation tout en étant émancipés de son contrôle, de juridictions qui seraient supérieures à sa constitution et impossibles à atteindre pour y imposer des contre pouvoirs, un contrôle et un débat publics, un devoir pour leurs membres de rendre des comptes et la menace d’être démis par la volonté des peuples, nous retrouverions enfin par cette voie un véritable régime constitutionnel, où les pouvoirs sont définis, et les droits humains garantis.
Bien sûr, s’agissant de l’échelon mondial (voire européen) on me répondra qu’il faut que l’idée soit contagieuse à travers les nations : ne l’est elle pas ? Quand un pays se sera donné la capacité de conditionner sa reconnaissance des pouvoirs supranationaux à des garanties légitimes, pourquoi les autres peuples ne suivraient-ils pas, eux que seule la division actuelle qui règne entre-eux (au profit des quelques pourcents qui ont avantage à cette situation) dans cet "état mondial de non droit" muselle dans leurs aspirations légitimes (reconnues par l’ONU) ?
Pourquoi tant de pays du Sud continuent à rembourser une dette qu’ils ont réglé 7 fois, et qu’ils "doivent" encore rembourser 4 fois à de riches rentiers du Nord (pas à "nous") ? Pourquoi acceptent-ils des "aides" qui n’en sont pas (lisez donc les écrits du CADTM), alors que c’est le Sud qui finance le Nord, dans l’équilibre, alors qu’il s’agit d’enrichir des corrompus et/ou de riches privés du Sud pour continuer d’y surendetter des pauvres et d’y liquider les (empêcher le développement des) services publics... qui alimentent la logique de l’endettement, ... Parce qu’il n’y a ni débat de citoyen ni volonté nationale reconnus, ni loi adoptée qui appuyent... le dictateur de service. Ca peut durer longtemps...
Pourquoi une Banque mondiale dégage-t-elle des profits (8 milliards de dollars de solde dans ses coffres) alors que c’est contraire à son rôle (je vous épargne ce qu’est devenu son rôle), elle qui dépend (encore) de l’ONU ? La seule chose qui le justifierait, c’est précisément qu’elle doive garder ces réserves pour les "aides" qu’elle apporte. Or, depuis l’origine, l’idée de Keynes et de H. White de la doter d’une monnaie propre et de lui faire prêter sur fonds propres a été écartée, sous la pression de Wall Street, et on l’a contraint à devoir emprunter le pognon (les dollars) sur les marchés financiers !
Il a suffit que des Etats très peu démocratiques décident de s’unir pour que le FMI prenne la claque qui l’attend depuis trop longtemps. Songez à ce qui arriverait quand la maladie démocratique prendra les peuples...
Pourquoi n’y a-t-il pas une réelle interrogation qui remonte au plan mondial, et qui s’imposerait dans notre propre débat public ? Parce que si ces pays arrêtaient enfin de rembourser et refusaient enfin des fausses aides qui ne font que les asservir, les piller d’avantage et assoir leurs inégalités comme "leurs" dictateurs, soit on se rendrait compte à quel point c’était facile, puisque personne ne broncherait, puisque les éventuelles "punitions" de nos Etats impérialistes serait alors faites dans un climat où le débat public aurait déjà réveillé les consciences et la désapprobation générale des citoyens du Nord (pour peu que nous ayons ces conférences de citoyens ce RIC tant attendu), ou bien encore, nous verrions enfin sortir du bois ces affreux rentiers qui se gavent sur le dos de ces pays, laissent habilement confondre depuis des lustres une rhétorique qui suppose "notre" intérêt en l’associant au leur, et ... encouragent indirectement un dumping social qui alimente la notre, de Dette.
Bonjour Sam,
Toujours intéressant pour moi de lire vos réflexions. Je risque un peu de dévier de votre sujet, tout simplement parce que j’ai du mal à trouver prise sur les propositions, mais pas sur les questions.
Les conférences de citoyens doivent elles être institutionnalisées ? Elles existent déjà en tout cas . Les réseaux, coordinations, associations sont nombreuses et partagent de la réflexion sur des tas de sujets divers, que ne traitent pas les grands médias. (La CCOMC par exemple a donné à connaître l’ACGS, Attac a fait le relais ) Nos concitoyens y exercent souvent leur esprit critique et investissent des questions de fond accompagnées de recherches necessaires. Votre question me semble manquer son but. Je n’arrive pas trop à savoir pourquoi, sauf que je peux faire le lien avec le nombre de personnes qui n’aiment pas se questionner, préférant laisser loin d’elle la curiosité de la chose publique (ou même des autres simplement) , au profit du consumérisme des plaisirs . Comme si le monde était un miroir dans lequel elles ne voient que des personnes qui profitent et qu’il faut donc faire la même chose pour ne pas avoir le sentiment de rater la réussite que l’on peut ensuite montrer aux autres . Regardez tout ce que j’ai ou tout ce que je fais, je ne suis pas un perdant....mais si je devais réfléchir à ce que c’est d’être, je ne serais plus conforme au modèle de réussite et je me sentirais bien isolé... Je crois qu’il y a à revoir profondément notre regard sur le monde , sur nous même en premier, et sur les autres. C’est l’empathie dont vous parlez qui fait cruellement défaut. L’empathie pour soi et pour les autres. Trouver plus de sens à penser le monde qu’à le consommer, voilà un temps comme vous dites, qui ferait que les personnes n’estiment pas le perdre à lire, discuter, questionner. C’est cela qu’il faut mettre en valeur comme une véritable richesse.
"Les conférences de citoyens doivent elles être institutionnalisées ? Elles existent déjà en tout cas."
Oui, elles doivent être "instituées".
J’ai la manie de poster des messages longs, parce que j’ai celle de vouloir mettre en lumière des enchaînements de points que je trouve importants (les points et les enchaînements). Du coup, j’ai peut-être un peu noyé une chose que je juge essentielle.
J’ai décrit un organe qui est à l’opposé
d’un "jury" :
il ne
reçoit pas les questions, il les pose, les sélectionne et les
formule ;
il ne
répond pas aux questions, il les place dans le débat public et, suivant la
nature des questions, soit il impose aux organes institutionnels d’y
répondre (mise à l’ordre du jour du Parlement ; saisie de la
justice), soit il permet aux citoyens d’y répondre (par
référendum) : pour une loi nouvelle, l’abrogation d’une loi
existante, et la proposition de démission d’un élu, ce qui impose une
demande préalable de reddition de comptes publique sur telle promesse
reniée ou telle décision prise hors du programme annoncé.
Les conférences de citoyens existent déjà, évidemment, puisque c’est une liberté évidente de la société civile (*). Mais elle ne sont pas reconnues comme des institutions, au sens où ce que la CCOMC a pu faire de mieux a été d’alerter les associations et les citoyens par leur biais, une chose essentielle, mais certainement pas de contraindre les organes institués de répondre à ses interrogations.
Comparez le "droit de pétition" et le "RIC", vous voyez précisément où se situe la différence capitale. La pétition initiale requiert le même nombre de signatures, mais dans le second cas seulement le déclenchement du référendum est automatique, et se passe de l’avis (veto) de tout élu quel qu’il soit.
Sauf qu’il y a nécessité de vérifier la constitutionnalité de la proposition, s’il s’agit d’une loi nouvelle, ou la nécessité d’évaluer le vide juridique éventuel que suivrait le retrait d’une loi par RIC, donc celle d’apposer une autre loi dans la proposition (citoyenne). Dans ce cas, je suis favorable à l’idée que les délibérations d’un conseil constitutionnel de même statut que celui qu’on a (statut que je désapprouve nettement), soit rendues intégralement publiques : pas question de laisser se déplacer à ce niveau le véto, en l’espèce celui des têtes des autres pouvoirs institués, lesquels sont sans doute enclins à filtrer ce qu’ils n’ont pas décidé eux-mêmes de proposer, et n’ont pas de raison de souhaiter garantir la transparence.
Le RIC ne signifie pas non plus absence de débat
parlementaire (celui-ci est important pour que le débat public s’établisse
au niveau des (autres) pouvoirs institués. Comme l’Assemblée ne doit
jamais débattre sans délibérer ensuite, il y a quand même un vote. Mais
l’important est que :
sur le choix des questions, la mise à l’ordre du jour
de la proposition ne dépend ni du Parlement ni de l’exécutif ;
sur les réponses, le
vote du Parlement n’implique pas que son choix s’impose au citoyens. Il y
a quand même référendum. C’est ce qui s’est passé pour le TCE, en quelque
sorte (approuvé par le PE et le conseil). Avec avis divergents, dans notre
cas, et surtout, avis décisif laissé aux citoyens.
(*) Le droit de résistance à l’oppression est l’un des trois droits fondamentaux reconnus par la DDHC de 1789. Il n’est pas inintéressant de noter qu’au niveau de l’ONU, on ne le reconnaît pas de la même manière : on a posé que les Etats devaient faire de leur mieux pour garantir l’état de droit, afin que les citoyens n’en soient pas réduits à résister... En quelque sorte, on a prétentieusement négligé la maladie congénitale des démocraties, qui les force à se repenser constamment, et suppose que les Etats auront toujours à céder devant les nations, et on a dit : désormais, les Etats se chargeront de rendre la résistance inutile, de résister à la place des citoyens... C’est très grave, ce parti pris.
Dès les années suivantes, l’ONU, tandis qu’elle parlait de droit des peuples à disposer d’eux mêmes, a été incapable de garder la main sur des IFI supposées en dépendre. Et elle (donc les représentants des Etats) porte la responsabilité première de la machinerie néolibérale. Deux extraits de "Banque mondiale, le coup d’Etat permanent" (E. Toussain, CADTM).
[p 49-51] "En mars 1946, lors de la première réunion des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI, le président du Conseil économique et social de l’ONU (connu sous l’abréviation anglaise ECOSOC [tiens, ça me rappelle un autre petit nom, ça...]) [leur demande] d’établir les mécanismes de liaison avec son organisation. [S’en suit un an et demi de traînage de pieds et de gain de temps.] Mason et Asher [historiens de la BM] : "La Banque craignait très fort qu’en devenant [de fait, elle s’était déjà auto-établie indépendante] une agence spécialisée de l’ONU, elle soit soumise à un contrôle ou à une influence politique indésirable et que cela fasse du tort à sa notation (credit rating) à Wall Street..."
Lors de la cession de 1947 d’ECOSOC [...] le représentant de la Norvège déclare que la Norvège ne peut accepter que de tels privilèges soient accordés à la Banque et au Fonds car cela minerait l’autorité des Nations unies. A quoi le représentant des Etats-unis rétorque que rien ne minerait plus l’autorité des Nations unies qu’une incapacité à se mettre d’accord avec la Banque et le Fonds.
[...] projet qui est ratifié en septembre 1947 par le conseil des gouverneurs de la Banque [et qui] fut approuvé par l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 1947. Cet accord ratifie le statut d’organisation spécialisée de l’ONU mais, à la demande de la Banque, lui permet de fonctionner comme une "organisation internationale indépendante". Dans le même temps, il autorise la Banque à juger elle-même quelles sont les informations utiles à communiquer à ECOSOC, ce qui est de fait une dérogation à l’article 17 alinéa 3 et à l’article 64 de la Charte des Nations unies."
[p 46]. Juin 1946, discussion des dirigeants de la BM d’un
prêt à l’Equateur :
M. Schmidt : [...] Les indiens
dans la montagne sont encore tranquilles, bien que le gouvernement n’ait
pas fait grand’ chose pour eux.
M. Demuth : Si l’on regarde les pays féodaux
d’Amérique latine [...] il faut être réaliste et se rendre compte que des
révolutions vont avoir lieu. On ne peut qu’espérer que les [nouveaux
gouvernements] vont honorer les obligations de leurs prédécesseurs.
M. Alderwerodl : [...] Il va se passer
quelque chose violent [...] je crois que nos projets doivent servir à
réduire les pressions internes. [...] On pourrait accorder plus de crédits
de l’AID pour pallier les risques politiques.
M. Knapp : [...] les risques politiques
conduisent à des défauts de paiement."
Merci Sam,
Je comprends mieux votre idée de conférence citoyennes instituées. Par contre, je ne vois pas comment ce nouvel organe pourrait être institué par voie légale, car ce n’est absolument pas l’intérêt du pouvoir en place ou des pouvoirs à venir de le voir naître. Par quel biais pensez vous que cette question puisse être portée , avec le support dont vous disposez pour faire avancer cette idée ?
Là, GéDé, je crains qu’il n’y ait que la voie du débat d’idées, ce qui nécessite... les conditions d’un vrai débat public... pour faire cette avancée visant justement à permettre avant tout les conditions d’un vrai débat public...
Je change d’exemple, d’abord :
j’avais parlé du cas de la réforme des statuts du Président de la République française... qui n’est possible que par la volonté de lui-même, un type qui a bataillé comme un diable pour se hisser à un pouvoir si énorme... Sauf "révolution" : nouvelle constitution non provoquée par recours à l’article 11 de l’actuelle... par le Président de la République.
le RIC : ce n’est pas son invention qui serait une progression, mais plutôt son absence qui est une aberration : notre constitution reconnaît le droit de tout citoyen a participer "soit par le bias de ses représentants, soit directement", à l’écriture des lois. Mais dans les faits, le déclenchement d’un référendum reste le privilège du Président de la République. Les partis le présentent tous comme une promesse aujourd’hui, depuis 25 ans et l’arrivée au pouvoir de Mitterand. C’était annoncé par Chirac comme sa seconde priorité... Promesses toutes reniées. Et Le Pen aussi promet...
La constitution de l’UE. Depuis le départ, ce sont des gens non élus pour ça qui se sont arrogé le droit de définir des transferts de souveraineté et de nouveaux pouvoirs, la forme juridique du super-Etat et sa constitution. Le moyen était simple : ils l’ont fait par la voie des traités. D’où le concept de traité constitutionnel, qu’Etienne Chouard décrit comme une oxymore (apposition de deux concepts antagonistes) en vertu de "sa" règle : ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir.
Un concept de traité constitutionnel qui correspond bien en fait à la cause et à la conséquence de l’état de l’Europe, état antidémocratique dès le départ et condamné à le devenir de plus en plus, un "Etat sans peuples" condamné à devenir un "Etat contre ses peuples". Il répond assez à l’idée ("belle idée de Delors" si admirée d’en haut) d’ "Union d’Etats(-nations)" et non de nations.
Un système avec des exécutifs nationaux qui sont un "sénat" (...) européen, et les seuls parlementaires qui d’ailleurs ont un pouvoir. Situation inacceptable, sauf pour des gens en place qui ont choisi eux-mêmes la forme juridique de l’ "Etat" Europe : un empire artificiel, sans pouvoirs parlementaires et sans appui populaire, bref, sans contrôle, instituant des pouvoirs incontrôlables et opaques (lesquels en reconnaissent d’autres incontrôlables et opaques qui ont la capacité eux-mêmes d’en créer ou d’en reconnaître d’autres... les circuits du marché libre et non faussé (total) impliquant de toutes manières eux seuls des myriades de pouvoirs imbriqués et en mouvement permanent - cf. mon dernier message de la discussion "Vous avez dit totalitaire ?") Un système sans fondements nationaux, sans parlement réel et sans place pour les parlements nationaux (qui eux représentent encore à peu près les peuples... sauf que : en France, il n’y a pas de proportionnelle ; ils sont de plus en plus impuissants, l’UE est déjà à l’origine de 75-80% de nos lois). Le Parlement européen n’ayant lui pas plus de légitimité que de pouvoir (pas d’initiative législative, une compétence de décision très limitée et ciblée, pas de contrôle de l’exécutif), puisque personne ne connaît le nom de ses députés, puisqu’il n’y a aucune continuité dans les discours des partis entre le national et l’Européen, schizophrénie devenue criante au possible, et parce qu’il n’y a pas d’espace public européen (commun) pour les citoyens, pas de lieu pour mettre en jeu les conflits réels et les ententes, donc pas de peuple, donc pas de représentant d’un peuple.
La règle des traités veut qu’ils soient ratifiés par chaque Etat suivant son propre mode de consultation. En France, c’est non une obligation mais un "droit" du Président de la République que de consulter le peuple par référendum dans le cas de traités impliquant un transfert de souveraineté ou une mise à jour de la constitution nationale (article 11, clause qui encore, a été apportée il y a une dizaine d’années seulement, je crois). En Allemagne, on a supprimé le référendum (héritage de la culpabilité d’avoir élu Hitler.. à 33% dans des conditions dramatiques, tant au niveau économique qu’idéologique : le mouvement totalitaire était déjà en plein boom). Mais quel rapport ? Il s’agit là non pas de lois et de pouvoirs nationaux, mais de transférer une grande part de souveraineté, d’une part, et d’adopter de nouveaux pouvoirs... "légitimes", d’autre part.
Voilà d’autres grands exemples d’une situation DEJA antidémocratique, dont vous pouvez demander de la même manière comment se sortir... et de la même manière je répondrais "je crains qu’il n’y ait que la voie du débat d’idées, ce qui nécessite... les conditions d’un vrai débat public... pour faire cette avancée visant justement à permettre un vrai débat public..." Dans ces cas là, on rentrer dans la lutte, l’action symbolique, la désobéissance civile (qu’est-ce qu’une communauté qui se déclare zone hors AGCS, dans une "République une et indivisible" qui elle-même est supposée reconnaître, du fait de pouvoirs non habilités à le faire, des règles internationales ?)
Posez la question aux Français, après quelques explications : "voulez vous d’un référendum d’initiative citoyenne" ? Ce fut fait il y a moins de dix ans : 82% de Oui. Parlez-en autour de vous : la plupart ignoreront sans doute ce qu’est cet oiseau. Expliquez leur brièvement, vous verrez le résultat, s’ils n’adhèrent pas en masse.
Combien de Français connaissent leur propre constitution ? Combien croient que le Président a très peu de pouvoirs, ou ignorent les déficits en matière parlementaire ? Combien savent même qu’en démocratie on peut solliciter son député, que le Parlement est supposé avoir un contrôle de l’exécutif, ou qu’il est injustifiable que des promesses électorales soient reniées sans explication ?
Suffirait d’un vrai débat public laissant monter les questions essentielles...
Comment sortir de la boucle infernale des traités autrement que par une constituante ? Ne serait-ce que parce que c’est désormais, à mon avis, le seul moyen de débloquer l’UE... Mais surtout, pour retrouver une base démocratique. Vous avez vu de la publicité et des discours pour cette option dans les médias ? Essayez aussi de lancer ce sujet sur certains "forums libres". Je ne sais pas, mais sur celui du Nouvel Obs, j’ai essayé deux fois, sans succès : la discussion ne s’est pas créée (modération de la question ? ...)
Je pense que ça suffira pour montrer le "cercle de fer" dans lequel nous sommes. Mais il y a des raisons d’espérer un brin : voyez, le père Chouard est devenu plus célèbre qu’un tas de personnes plus autorisées... et d’ailleurs son action et sa réflexion sont reconnus par certains qui ne manquent pas de diplômes ni de relations (pas souvent autorisées, c’est vrai...), je crois. Essentiellement, à mon avis, parce qu’il est de ce ceux qui ne se résignent pas et ne rechignent pas à la tâche. Qu’il en prenne aussi plein la figure n’est pas étonnant, mais ces situations donnent un bel exemple des divisions énormes que peuvent apporter une situation antidémocratique maintenue trop longtemps, et l’ignorance massive des gens, sans parler de règne d’une idéologie.
Il y a aussi le pavé dans la mare de Ségolène Royal. Je ne soutiens pas cette femme, j’ai peu d’espoir en elle, et je suis outré de voir qu’elle n’a pas su ou voulu expliquer que le principe de sa proposition ne datait pas d’aujourd’hui et de sa bonne idée, et plus encore, du fait qu’elle n’ait pas du tout précisé le rôle qu’elle attribuerait à ce "jury", ce qui permet à l’auditeur de conclure par tout et n’importe quoi, par "Mao" ou par "renouveau démocratique". Mais reste que ce qui n’est sans doute qu’une manœuvre (lancée deux jours avant le débat interne des candidats du PS sur le thème de la démocratie), a abouti brutalement et largement dans le débat public - justement parce qu’elle comptait sur des médias qui se sont donné ce plaisir de relayer l’évènement... - ce qui est en soi un évènement inespéré.
Dans le même genre, le RIC, les gens en ont surtout pris connaissance parce que les commanditaires du TCE ont commis la manœuvre de proposer ce fameux "droit de pétition", de sorte que l’argument de la pâle copie du RIC s’imposait, en contre...
Dans tous ces cas - il y en a d’autres - on peut voir que les principales résistances aux avancées démocratiques enterrées depuis des lustres ne se situent pas tant en haut lieu, mais bien parmi les simples citoyens, qu’ils soient désimpliqués, résignés à la tyrannie éternelle, serviteurs volontaires, indécrottables chercheurs d’intérêts cachés dans l’action de quiconque se retrousse les manches, ... (là haut, là où on ne va pas spontanément s’imposer des contrôles et réduire ses pouvoirs, comme de tous temps, on compte dessus).
Le pire, dans cet éternel sujet, c’est qu’on ne peut pas porter la faute sur les élus et les pouvoirs en place, nous avons un blocage qui ressemble à un cercle, les blocages d’un côté entraînant ceux de l’autre, ... Or, quand le régime est en crise, le réflexe de la plupart des gens est de condamner le cynisme et la manipulation d’élus qui somme toute, font le boulot qu’on leur a donné de faire, sont irresponsables parce que l’ordre de mission est ainsi défini, créent ou reconnaissent eux-même de nouveaux pouvoirs publics parce que rien ne les en empêche et, parce que rendus impuissants et privés d’autorité, ils compensent par la force... là où rien ne les empêche de la mettre en oeuvre (et tant veulent bien faire, avec la poursuite dans la fuite de l’UE ou leurs "réformes" : la guerre économique c’est la paix, je vous dis...)
Voilà pourquoi la seule solution me semble passer par l’éducation populaire, sur le mode de la résistance, de l’action symbolique (non violente) ou de la désobéissance civile, ... Merci l’Internet, quand-même...
Mais s’agissant de la boucle infernale de l’impuissance et de l’irresponsabilité qui emporte les élus, un point d’éducation populaire consiste à expliquer ce qu’est et implique le règne d’une idéologie. Parce que taper sur les élus, maheureusement, ne fait souvent qu’aggraver les choses. Il me semble capital que les gens prennent conscience des mécanismes et des blocages qui sont en jeu plus largement, relativisent le pouvoir et la responsabilité des élus, mais aussi l’autorité de ces gens qui se débattent pour maintenir le régime qui les a mis en place, qu’ils comprennent d’eux-mêmes qu’en pareil contexte, la révolution, n’est pas nécessairement ni l’ennemie de la démocratie, ni la condamnation en bloc d’une floppée d’élus, ni même la recherche d’un complot, et qu’il y a des voies prometteuses et propres à fédérer bien des couleurs... pourvu qu’on puisse en discuter publiquement...
J’ai encore été long...
Sam,
C’est vrai que c’est long, mais je ne vois pas comment cela peut être autrement pour fouiller les questions soulevées.
Dans la constitution de 1946 on peut lire ceci en matière de traités :
"Article 27. - Les traités relatifs à l’organisation internationale, les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes et au droit de propriété des Français à l’étranger, ceux qui modifient les lois internes françaises, ainsi que ceux qui comportent cession, échange, adjonction de territoire, ne sont définitifs qu’après avoir été ratifiés en vertu d’une loi."
Et dans celle de 58 on peut trouver ceci :
Article 53. - "Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement les populations intéressées."
A l’identique reste l’idée que les traités sont supérieurs à la loi interne, mais non à la constitution . En cela je me réfère à l’arrêt Sarran dont on trouve le commentaire à l’adresse http://www.conseil-constitutionnel.fr/cahiers/ccc7/maugue.htm qui determine l’ordre des normes constitutionnelles supérieures au accords internationaux "" La suprématie conférée aux engagements internationaux (par l’art. 55 de la Constitution) ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle ". "Par cette énonciation particulièrement nette, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État a jugé que la hiérarchie des normes juridiques qui découle en France des articles 54 et 55 de la Constitution fait de la Constitution la norme suprême et des normes internationales des normes subordonnées."
C’est déjà cela que l’on pourrait maîtriser en connaissant pour chaque citoyen la constitution de son propre pays et sa supériorité dans les normes. Si ce n’était plus le cas, il y aurait renoncement à penser la légitimité symbolique d’une nation et la légitimité du peuple à s’auto-déterminer, si je peux utiliser cette expression. Ce qui ne semble pas être si éloigné des possibles devant le désintérêt de ces questions de bon nombre de personnes, qui comme vous le dites, font plus la critique des élus qu’elles ne demandent à ce qu’ils appliquent les règles fondamentales. Ce désintérêt permet tout.
Je crois ainsi que l’ignorance de ce sujet fondamental n’est qu’une manière de laisser s’installer une idéologie, à partir du moment ou personne ne réfléchit en connaissance de cause sur la base de ce qui fait sens depuis plus de 200 ans
Alors la question qui reste selon moi est le fait que les personnes de bonne volonté s’approprient à minima cette question fondamentale afin de la répercuter autant que necessaire, au plus infime niveau de ses relations sociales , politiques , professionnelles. Et d’expliquer sans penser perdre son temps, car ce que l’on explique est ce qui prend existence. Il n’y a pas de référence supérieure autre que celle que je viens de citer en matière de règle. Et je trouve dommageable, par exemple, que les lieux d’éducation populaire, vitaux, passent trop souvent sous silence la connaissance des institutions. Si Monsieur Chouard a pris sa carte à Attac, j’espère au moins qu’il pourra de sa place , inviter cette question de la connaissance des institutions à la table des discussions. Cela permettrait de sortir des discours vains et sans effets , car idéologiques, qui ne procèdent qu’au niveau du combat d’idées et non de l’action sur la base du droit. C’est le reproche que je peux faire à L’association Attac et à nombre de personnes qui s’y inscrivent , d’ invalider toute forme de réflexion qui ne procède pas de l’idéologie , mais de la connaissance en matière de droit, de philosophie, des savoirs d’une manière générale. De la même manière, je fais le même reproche au parti socialiste, de n’avoir pas d’hommes ou de femmes mis en avant par la supériorité de connaissances humanistes , tout comme je suis désemparée de voir que cela ne se peut que parce que le peuple ne s’y interesse pas lui même. Il faut dire que c’est le aussi le courant de gauche depuis les années 70 qui a renoncé à l’instruction du peuple dans les institutions scolaires , alors que c’est bien la gauche de la 3ème République qui en a conçu le sens.
Merci beaucoup pour ce message très riche.
Dans les articles que vous citez, même si on voit une garantie essentielle (qui protège la souveraineté de la "nation", du moins, prise comme entité globale, par opposition aux autres nations et aux instances supranationales, et comme entité potentiellement paternée par son parlement et se trouvant en pleine crise de régime...), une chose me saute aux yeux : c’est la loi qui détermine les transferts de souveraineté (et les modalités de l’accord). Donc :
1) sauf précision (garantie) supplémentaire, c’est le Parlement qui délibère et signe (et en l’espèce, nécessairement à l’initiative de l’exécutif).
Mais la souveraineté appartient au peuple. Et s’il peut la déléguer, au sens de la prêter, pour l’écriture des lois, il ne peut pas le faire pour celle d’une constitution. Constitution au sens large, c’est à dire y compris dans la reconnaissance de pouvoirs supranationaux : les institutions établies par traités sont des pouvoirs qui, dans l’action, priment sur celui des instances nationales. Le fait de les avoir reconnues par loi n’empêche pas que par la suite, et dans la pratique, ces instances supranationales font partie de la constitution, car elles définissent les pouvoirs qui garantissent l’application de droits (dans la définition, on peut déjà écarter les IFI émancipées de l’ONU). En ce sens, je vous contredis dans votre interprétation.
La différence essentielle est que si en démocratie, on peut toujours défaire une loi qu’on a adoptée précédemment, il n’en va pas de même pour les traités, qu’on ne peut pas rompre sans remettre en causes d’autres équilibres, et passer par d’autres processus de négociation, non parlementaires (d’ailleurs on trouvera sans doute justement des moyens de s’écarter de la garantie en question et du contrôle parlementaire par des accords moins transparents relevant de je ne sais quelle chasse gardée).
2) C’est déjà une chose essentielle que ce soit une loi qui se trouve à l’articulation : comme c’est une loi, cela permet qu’elle soit un jour abrogée, ce qui débloque le problème de la quasi irréversibilité de la ratification de traités : si la loi est supprimée, cela annule la reconnaissance du traité, et cela force l’exécutif en place à prendre les mesures nécessaires pour régulariser la situation au plan international.
Mais un parlement n’est pas "incorruptible" (défaillant). Combien de lois proposées par l’exécutif passent sans appui populaire (et je ne parle pas de lois un peu en avance sur leur temps, qui ont tendance ensuite à tirer l’opinion vers elles, mais de lois qui restent longtemps contre la volonté populaire) : soit parce que le gouvernement est issu de la majorité parlementaire ; soit même parce que des accords sont passés entre partis (tu me donnes ça, je te donne ça). On a aussi les multiples feintes du calendrier. On sait encore par expérience (l’UE est une caricature en la matière) qu’un immense défaut de laisser trop d’initiative législative à l’exécutif est qu’il suffit largement d’empêcher un réel débat et les conditions d’une vraie négociation parlementaire, d’accord sur des amendements, pour que le seul moyen d’en découdre soit d’avaliser les propositions de loi en l’état. Le député est comme tout le monde, passé un stade, sous la pression et sans assez d’appui au dessous, il faut qu’il privilégie l’efficacité (ce maudit pragmatisme qui devient souvent cession à l’idéologie en place, et sa légitimité apparente qui est celle qu’il lit sur son miroir : ses pairs, ses "collègues" de parti ou de profession - la solidarité de parti voire de "classe" s’instrumentalise quand on arrive à s’allier la tête d’un parti ou quelques députés influents par leurs réseaux) au dépends du consensus populaire et de sa légitimité réelle.
Je ne vais pas plus m’étendre sur ce point, et je finirais en rappelant l’énorme distorsion entre les élus, députés compris, et le peuple, survenue il y a un an et demi (est-il étonnant que dans les domaines où les politiques sont à la fois impuissants et pressés de trouver un débouché, ils compensent d’autant plus par la force et la "raison" (fuite en avant) du processus idéologique en place ?)... avant de conclure : je suis convaincu qu’une règle essentielle de la vraie démocratie devrait être la suivante : toute modification de la constitution doit être ratifiée directement par les citoyens. En l’occurrence, cela entend que la loi dont vous parlez doit absolument être ratifiée par référendum.
Cet exécutif, devant rompre ou renégocier un traité, aura alors la légitimité du peuple souverain pour le faire. (Oui, légitimité du peuple à s’auto-déterminer, vous pouvez employer l’expression : ce n’est tellement pas un gros mot que ce principe est reconnu et affirmé par l’ONU... bien qu’il soit violé quotidiennement.)
Pour redescendre sur terre... vous savez sans doute que l’un des principes de fonctionnement les plus odieux de l’AGCS / OMC (peut-être pire encore que l’opacité des débats et des mandats des commissaires) veut que les processus de libéralisation "engagés" soient irréversibles (et que les Etats s’engagent aussi sur un calendrier de libéralisations sans fin). Si on revient à l’arrêt Sarran et ce que vous en citez, il est frappant de rappeler, par exemple, les articles 8 et 9 du Préambule de 1946, qui sont intégrés à notre constitution :
8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
9. Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
...
Non, Etienne Chouard n’est pas encarté à ATTAC... (bien que son nom soit plutôt connu parmi les militants de cette association). Je crois savoir qu’il se refuse à s’encarter, même dans une association politique qui n’est pas un parti (mais qui pèse, et dont je pense qu’elle est amenée non pas à se transformer en parti - "mondialiste" - mais à en inspirer) pour rester cohérent avec le sens de son action, qui repose sur un principe central (ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir) et sous entend la collaboration libre de citoyens de diverses couleurs, qui n’ont en commun qu’une réelle volonté de refondation démocratique et sont peu enclins à la servitude volontaire...
Sam,
Vous dites qu’au fond les traités (engagements internationaux) sont supérieurs au final, mais qu’ils ne sont pas irréversiblement supérieurs du fait de l’abrogation des lois qui les fixent. Voici ce que j’ai pu trouver qui pourrait confirmer la supériorité des traités , mais qui apparement reste quand même dans l’ordre de l’interprétation doctrinaire. A mon simple niveau de compréhension , la constitution ne dit pas que les traités sont supérieurs à la constitution.
"II - Traité et Constitution, quelle place pour chacun ?
Par ailleurs, un autre point est à relever dans cette décision. En effet, le Conseil d’Etat indique dans un de ses considérants « considérant que si l’article 55 de la Constitution dispose que "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvé ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie", la suprématie ainsi conférée aux engagement internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle. ». Quelles est la signification de ce considérant ? Pour une partie des auteurs, cela confirme l’idée selon laquelle les dispositions internationales ne sont pas supérieures à la Constitution, et qu’au contraire, la Constitution est supérieure à ces derniers. D’un autre côté, une partie de la doctrine considère que cet arrêt ne fixe en aucun cas la place des traîtés par rapport à la Constitution dans l’ordre interne.
La solution consistant à énoncer que le Traité est inférieur à la Constitution, me semble, à mon avis, une solution fausse et très contestable. En effet, ce considérant, cité ci-dessus, indique que la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle. Quelle est cette suprematie ? C’est celle prévue à l’article 55 de la Constitution, qui prévoit sous certaines conditions, la supériorité des traités sur la loi. Il est donc normal que cet article ne prévoit pas la suprématie des traités par rapport à la constitution puisque cet article ne vise pas la constitution, mais les lois.
Ainsi, il faudrait interpréter ce considérant par une phrase du style : « Il est normal qu’en vertu de l’article 55 de la Constitution, les traités ne soient pas supérieurs à la Constitution, puisque cet article ne pose que la suprématie des traités sur la loi ». Il s’agit uniquement d’une interprétation littérale du texte constitutionnel et non l’énoncé d’un principe disant que les traités ne sont pas supérieurs à la Constitution.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat déclare inopérant un moyen lui demandant de faire prévaloir des normes internationales sur des dispositions de valeur constitutionnelle. Cette négation peut être justifiée par deux raisons. Tout d’abord, le Conseil d’Etat n’est pas compétent pour contrôler la conformité de dispositions internationales par rapport à la Constitution. Seul le pouvoir souverain ou constituant possède ce pouvoir. Il ne pouvait donc que rejeter ce moyen. Ensuite, aucun texte ne prévoit la situation des deux textes en droit interne.
Ainsi, et pour conclure, cette décision a juste indiqué que l’article55 n’incluait pas la Constitution dans l’énoncé des textes auxquels les traités sont supérieurs, et, que le Conseil d’Etat était incompétent pour contrôler la conformité des engagements internationaux sur la Constitution. Ainsi, et conformément à l’article 27 de la Convention de Vienne de 1973 sur le droit des traités [qui dispose qu’une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne come justifiant la non-exécution d’un traité.], le traité est et reste supérieure à la Constitution, qui rappelons le est obligée de "se soumettre" par la voie de la révision à chaque ratification de nouvel accord non conforme à sa lettre [Traités de Maastricht, d’Amsterdam, sur le Statut de la Cour Pénale Internationale...]."
http://www.rajf.org/ce/ce30101998-4.php Commentaire qui peut être contredit par l’article 46 de la même convention de Vienne sur le droit des traités, qui reconnait l’exitence d’un droit interne d’importance fondamentale à un Etat, qu’il peut invoquer pour ne pas remplir ses obligations .
Intéressant à lire aussi ce cours à l’adresse là
la réflexion de Sam est bien construite et fort interessante, elle nous sort du simplisme auquel nous avons tous un peu tendance à nous adonner...
...Mais si le tirage au sort protège de la "corruption en amont" (avant la production de l’assemblée ainsi désignée, alors qu’on imagine par simplisme que la "corruption des élus prend sa source dans les partis tous pourris...), il se trouve que la corruption est un régime permanent qui "arrose", harcèle, tente, menace, punit, et que cela se produit aussi "en aval" :
les "tirés au sort", même si on les habille d’aubes blanches seront corruptibles , car baignant dans ce grand mensonge par ommission qu’est le silence général accepté par un peuple qui renonce au combat frontal contre le capitalisme.
... Le régime du fric roi, nous n’en sortirons pas avec le miracle du tirage au sort mais en cultivant de mille façons une réelle "volonté politique populaire"...laquelle est loin d’exister "à priori et spontanément" dans tout échantillon puisé au hasard dans la nasse d’un peuple lui-même corrompu par le mode de vie imposé par le système.
vous pouvez hurler "voilà de l’idéologie !", si vous poussez ce cri, comparez-vous aux cochons qui pataugent et se bousculent pour avoir leur soupe !
j’en ai marre qu’on se gargarise avec des mots qui nous sont vendus privés de tout lien avec le vécu de ceux qui servent de paillasse dans cette société porcine !
Après un wiki à Brest, , qui, je cite ,
Wiki-brest c’est un projet d’encyclopédie, d’atlas, de carnets sur Brest et le pays de Brest où chacun-e peut donner à voir des textes, des images, du son qui parlent de ce territoire.
voici un wiki à Puteaux,
La "démocratie participative", c’est bien d’en parler... mais c’est encore mieux d’agir ! Un wiki est un site qui permet aux visiteurs d’y créer de nouvelles pages et de modifier le contenu des pages existantes. L’exemple le plus connu est l’encyclopédie wikipédia. Ce wiki consacré à la ville de Puteaux est ouvert à tous ses habitants -les Putéoliens- qui souhaitent partager leurs infos, lancer des projets, échanger des idées... sur des thématiques locales. Il suffit juste pour cela de s’enregistrer.
où comment le web permet de dire ce qu’on a à dire sur ce qu’on connait, ce qui n’est pas si courant (source pointblog).
Kikiveusonwiki ?
4) Le "fanatisme" de marché (les guillemets ne sont pas pour l’euphémisme, mais par soucis de rigueur)
On voit que le duo "lisibilité" + "fortune" crée, proportionnellement, un pouvoir terrifiant... pour qui le veut :
mais qui le refuserait, ou même, qui n’est pas amené à petit feu à le faire sans y penser, dans un système où si tu n’es pas le bourreau tu es la victime, où si tu ne joues pas, tu perds ?
au delà de ça, une grande question qui se pose est bien celle de la nature du "fanatisme de marché". Et je l’ai amené par le biais de chacun des grands types de pouvoirs dont j’ai parlé.
Nous avons affaire à une croyance qui ne s’apprend ni par
l’argumentation, ni par la conviction, et qui ne craint rien même de l’épreuve
de réalité... Cette « foi » qui n’en est pas une (la foi a toujours
pour référence un idéal humain, même au dernier degré) ni cette "raison"
intangible et absurde ne s’acquièrent pas autrement que par la pratique, à ses
dépends comme à son avantage :
pourvu que celui qui l’acquiert soit précisément celui qui
peut jour après jour en mesurer l’efficacité. Par la pratique, toujours
violente, et par elle seule, et subjectivement dans la lecture des faits. Pour
qui le marché fonctionne, est lisible, et apporte le pouvoir et la sécurité,
le marché est efficace ;
pour qui le subit en permanence, des faits où il perd à
touts les coups, tous les jours, sur tous les tableaux, au présent et à
l’avenir, et une "argumentation" qui vient toujours d’en haut, d’une entité
invisible s’il faut lui imaginer une raison, qui répond à tout, car d’un côté
elle n’affirme sa justification que dans l’avenir, d’une autre, elle a pour
elle la vérité des pouvoirs et des faits accomplis, le cloisonnement des
possibles jusque dans la mémoire du passé et l’espoir d’un avenir bloqué de
partout...
L’isolement et l’impuissance permanente, y compris celle des élus, criante mais jamais avouée, et martellée au quotidien, au point que tout discours est nécessairement percu comme cynique, et qu’une idéologie totalement absurde arrive encore à donner le change mieux qu’autre chose.
La désolation qu’apporte une compétition farouche, la marchandisation des choses, des êtres comme des symboles, le sens perdu du travail et nos médias de masse, qui ne font plus que nous apporter "un patron à domicile", mais qui sont les assaillants du marché jusque dans tous les éléments de notre vie privée, dans les monceaux de produits et services marchandés qui nous envahissent, les loisirs, "l’investissement" et ses milles soucis de la parentalité, ... comme dans les symboles.
Et quelque part, le pouvoir (violent et aveugle) du riche rentier d’aujourd’hui semble de moins en moins lui appartenir, être de plus en plus réduit à celui du serviteur d’une police politique ou d’un gardien de camp de travail forcé, qui tuent ou maltraitent des gens qui n’ont de culpabilité que celle d’être désigné par une machine implacable et son idéal sans idéal, sans même en retirer le "plaisir" animal que confère un tel pouvoir, comme si c’était une drogue dont ils sont les esclaves. Et tous, même ceux qui exercent un grand pouvoir, sont soumis à la menace de passer un jour du statut de bourreau à celui de victime - il n’y a pas de neutralité : c’est d’ailleurs précisément s’il se montre "bon serviteur" de la machine que l’individu en obtient sa sécurité...
Je l’ai ans doute assez insinué, je ne me satisfais pas, plus, de la simple lecture utilitariste des faits économiques, dans un système dont tous les symptômes concourent à le qualifier de totalitaire. Au sens propre, pourvu seulement : qu’on change de référence, par rapport aux deux du XXe siècle, sur la nature de la combinaison pouvoir-terreur-désolation qui caractérise la force dans un tel système, qu’on considère (en en déclinant les aspects) une idéologie d’un autre genre, mais tout aussi implacable : le "darwinisme historique" accéléré de la classe - qui n’a jamais été que détruite -, celui, "naturel", d’une race - qui n’a jamais existé, et les blablas nationalistes pour gogos des premières heures ont vite été écartées -, ...
... ou celui, économique, du marché, tout aussi voué à une sélection accélérée et sans fin et à la violence, la terreur et la désolation bien réelles.
Le marché total.
En vous faisant subir ce long message, ce que je souhaite, c’est vous donner une grille de lecture que tous "nos" bon esprits, brillants mais si utilitaristes, ne "peuvent" (veulent) pas, sauf accident, se mettre en tête, et considérer sérieusement, et vous rappeler comme je le peux que jamais on n’a su reconnaître un système totalitaire de son vivant. Pas plus étant un dirigeant, encore moins même (surcroit d’utilitarisme politique, "idéaliste" (même radical) ou stratégique oblige). Et d’ailleurs, une immense majorité des gens n’en comprend encore rien.
Les deux horreurs du XXe siècle, "au pire", on peut dire qu’on les a fait tomber sans les avoir comprises, "au mieux", elles sont tombées avec la mort de leur chef. Pour ceux que ça intéresse, je m’expliquerai sur le fait que l’absence de chef suprême n’est pas en soi une raison d’écarter l’hypothèse d’un totalitarisme, cela dépend de la nature de sa prémisse idéologique - un autre aspect essentiel est celui de savoir où en est le « nôtre », si c’en est un, et là encore, il faut sans doute réviser ses références, largement hérités de celles qu’on avait au début du siècle dernier.
C’est une grande leçon qu’a donné H. Arendt, qui nous a prédit parallèlement pas moins que le retour d’autres totalitarismes, leçon qui n’a pas eu grand écho. Pourquoi ? Parce que cette race de régime, à tous points de vue, défie le bon sens, et est anti-utilitaire. Elle ne peut pas être définie mieux que comme la matérialisation pure et parfaite de son implacable logique idéologique. Son mode est le mouvement permanent des structures de pouvoir et la sélection permanente et infinie ; elle ne fait rien pour ou contre les hommes, quels qu’ils soit : pour elle, ils ne sont que du matériau, que d’ailleurs il faut toujours avoir en quantité (et c’est plus que tout ce pourquoi elle n’émerge que dans les grands pays (empires ?) et que son terrain de chasse est toujours la planète entière.)
Si le genre de fanatisme qui le caractérise « ne s’apprend pas », la nature spécifique de ce régime, elle justement s’apprend. Vous voulez une dernière preuve que nous ne sommes plus en démocratie ? On n’a toujours pas entrepris d’expliquer le système totalitaire dans les lycées, du moins les facs.
Car voilà, c’est un sujet à manier avec grande précaution (vous qui êtes grands l’aurez compris) Ne serait-ce parce qu’il renvoie à une étrange histoire souterraine, celle des sociétés secrètes... Seulement, l’histoire à montré que ces délires de gamins attardés mais malins et "joueurs" fonctionnent... pourvu que ceux qui ont le pouvoir y croient dur comme fer (ou visent le pouvoir, c’est un instrument terrible - dans un groupe fermé de 100 personnes, un seul pervers peut faire rentrer et mettre en mouvement tout le monde par ses délires destructeurs...), et qu’ils constatent que plus ils y rentrent, (plus ils y croient et) plus ça marche : n’est ce pas le grand message du Pendule de Foucault ? N’est-ce pas aussi et surtout la "magie noire" des Protocoles, qui ont donné à Hitler : et le matériau du complot désigné, et les "explications" si frappantes en apparence de 1929 (à lui et à une horde de gens affamés autant qu’exédés par ce qui ne pouvait plus que paraître comme un cynisme invariablement incroyable de tous les élus), ... et les recettes mêmes de la cuisine totalitaire ?
Car une dernière leçon est que si le totalitarisme est un "cancer" politique en son terrain de chasse, son héritage aussi en est un : les premières conspirations, vraies ou imaginaires (Hitler écrivit lui-même que peu importait l’authenticité des Protocoles s’agissant de leur origine juive... sa "foi" était déjà formée, comme si elle l’avait toujours été)... les suivantes viendront jusqu’à nouvel ordre.
Or, l’héritage du nazisme, s’agissant de certaine frénésie de l’UE (des IFI) pour la paix qui fait fermer les yeux sur certain capitalisme qui apporterait la guerre, comme s’agissant du spectre stalinien qui a apporté dans son sillage des multitudes de sociétés pas transparentes ni respectueuses de la séparation des pouvoirs voire de la démocratie, nous n’avons pas de quoi prétendre que nous n’avons pas un problème.
Poser la question de savoir si on a un totalitarisme sous les yeux, depuis 1945, c’est supposé être un des premiers réflexes de survie.
Paradoxe que je puisse ainsi parler sans me faire "éliminer" ? Pas sûr : "cause toujours, dit le marché total, ... c’est pas un créneau porteur..."
Pour le reste, rassurez-vous, je n’ai strictement aucune contre-conspiration à vendre. C’est un message qui vise à poser cette simple question, et à donner quelques manières de l’aborder. Il paraît qu’on est là pour évoquer la refondation démocratique, faut savoir ce qu’on veut...
J’ai essayé de lire vos longs posts mais je dois avouer que je n’y comprend rien. J’arrive à comprendre chaque éléments de vos posts avec lesquels je suis parfois d’accord parfois en désaccord mais je n’arrive absolument pas à comprendre l’enchaînement de votre pensée. Je ne vois pas ce que vous voulez dire au fond et je ne comprend pas l’articulation logique entre chaque paragraphe.
Il y a tellement de choses à dire et des points à contester que j’ai renoncé devant l’ampleur de la tâche. (des points où je suis d’accord aussi ). Désolé. Ce n’est pas une attaque en votre encontre, je fais juste état de mon immense perplexité.
Je vous renvoie néanmoins à cette excellent blog et aux ouvrages de l’auteur pour une vision moins "diabolique" des formes de capitalisme qui existent actuellement.
3) Ce cirque qui va des fonds de pension au management, F. Morin (qui n’est pas n’importe qui - [1] -) appelle ça le premier pan du nouveau "mur de l’argent". Voyons le second : la finance et la création de monnaie.
Depuis Maastricht, on a fini d’instituer en silence un état de pillage systématique du très grand nombre, et notamment des classes moyennes, au profit des très riches. Sans parler aucunement des recettes "paradisiaques".
Les Etats ne peuvent tout simplement plus créer et contrôler la monnaie mise en circulation.
Soit, pour ne parler déjà que d’un élément basique : garantir simplement que l’augmentation du PIB soit suivie d’une même augmentation de monnaie en circulation :
soit par création monétaire. Les Etats (article 104) sont forcés d’emprunter systématiquement un argent qu’ils devraient pouvoir créer... à 5% sur les marchés. La moitié de la "dette", ce sont déjà des intérêts, pour des riches évidemment, et la "dette", c’est non seulement l’instrument de domination dans les faits, la mort programmée des services publics, "capital de ceux qui n’en ont pas", et autres saletés de sécurité sociale, revenu minimum, ... mais aussi le dressage qui va avec : l’immense majorité des citoyens, toutes couleurs confondues, ignore les règles, et bouffe jour après jour une rhétorique qui lui semble désormais normale. Aussi vrai que les lois de l’audimat sont déjà assimilées (au principe ô combien démocratique de la volonté du grand nombre - hic : qui pose les questions ?...) l’Etat est assimilé... à une entreprise ou un ménage, .... trente ans après une ère qui a démontré noir sur blanc, au bénéfice de tous (sauf de quelques rentiers) que ce n’est pas du tout une histoire de vases communiquants (Keynes, revient !), que créer de la richesse pour tous est possible, et même, qu’accroître les minimas sociaux, les droits du travail, et les services publics, ne pénalise pas l’attraction des investisseurs, n’induit pas plus de chômage (au contraire - 20 ans de rhétorique du NAIRU là dessus (là haut : c’est un truc par ailleurs inconnu du grand nombre) et on est complètement endoctrinés, et avec ça résignés au chômage de masse et la peur et la docilité avec...) et que par ailleurs, une "Dette", par définition, signifie qu’il y a aussi des gens qui la financent... parce que ça les arrange bien... A la rigueur, certains comprennent un brin l’horreur de la "dette du tiers monde" (je vous l’épargne celle-ci, ce soir je fais hors des sentiers un rien battus) mais ne comprend pas à quel point ils se font berner avec la "notre". Tenez, ils croient qu’ "on" lègue une dette à "nos" enfants... (toujours la terreur et le mythe d’une situation sans âge et sans fin - déjà acquis en 10 ans à peine) : non, les enfants des rentiers vont hériter d’un pactole de la rente qui continuera (le niveau des inétrêts sera alors démesuré) et d’autres rentes de situation sans aucun doutes établies dans foulée, tandis que ceux des pauvres hériteront et d’une dette odieuse et de chaînes établies dans la foulée. Les seules choses dont ils hériteront ensemble, c’est d’une situation de domination totalitaire dans les faits et dans les têtes : la question n’est déjà plus de savoir d’où vient réellement la dette où si elle est légitime, mais de savoir comment on va la résorber... mais déjà, vous pissez dans un violon, sur ce terrain là.
soit par le contrôle du crédit, lequel représente en pratique l’essentiel de la monnaie en circulation. Le libéral et "prix Nobel" M. Allais dit lui-même que les banques, dans le contexte, sont très exactement des faux-monnayeurs, qui se servent d’intérêts sur de l’argent qu’elles créent à partir de rien et qui ne leur appartient pas. Ce contrôle du crédit se fait essentiellement par l’intermédiaire de la fixation des "taux d’intérêt" (c’est à dire ceux que la Banque centrale fixe pour ce qu’elle prête aux banques).
Quand après ce petit "rappel" (scoop), on sort le nom de "Keynes"... on mesure à quel point point 20 ans de dressage idéologique nous ont rendus dociles et ignorants ("Give me the control of a States’s money, and I care not who makes its laws", paroles qu’on prête à certain Baron de Rotschild - peu importe, d’autres l’on dit aussi bien.)
Or, par ailleurs, la mission de la BCE, rendue indépendante,
étant la seule lutte contre l’inflation :
d’une, la sécurité du poste de sa hiérarchie dépend des
preuves qu’elle donne en ce sens... aux investisseurs ;
de deux, personne de légitime ne peut
plus décider du mode de calcul de l’inflation, désormais archi truqué, comme
le chômage (on sait l’importance de cette autre "variable" - mais là, si le
discours appartient aux élus, ceux-ci ont intérêt à s’y coller, au manège du
trucage, parce que si la pression réelle doit exister pour les salariés, et le
NAIRU pour les investisseurs institutionnels et autres fanatiques en exercice,
les voix doivent arriver dans l’urne, elles...)
Plus "drôle", dans ce montage gigantesque (la mystification idéologique et le niveau de dogmatisme digne de l’URSS soviétique dont cause Allais ne tient pas sur rien), on apprend - http://www.radiofrance.fr/chaines/franc ... n_id=46040 - qu’aujourd’hui, les taux d’intérêts se forment surtout sur les marchés SWAP... Pour traduire, la BCE est elle-même "contrainte" par les grands pouvoirs financiers (cf. la "sécurité du poste", plus haut), essentiellement les grandes banques privées (principaux "faux monnayeurs")... même pour fixer ce qui est le premier levier "public" de l’économie. (L’autre, les taux de change, c’est réglé : les gros investisseurs les ont déjà, puisque c’est depuis 1971 un marché complètement débridé - et incomparablement plus actif que le commerce réel, qui ne fait lui que 3% des échanges mondiaux. Minable...) Que sont les SWAP ? Des produits dérivés, qui portent spécifiquement sur les taux d’intérêt. Des produits dérivés, ce sont des "assurances contre les risques du marché devenues elles-mêmes marchandises" (comme tout au présent, de la monnaie aux gènes humains - cf. réglementation UE)... : les petits et moyens investisseurs, craignant les risques comme tout le monde, prennent des assurances contre les conséquences des fluctuations des taux d’intérêt. Vous avez ainsi, des gens qui s’assurent contre les risques, et d’un autre, des gens qui spéculent sur ces assurances elles-mêmes. C.à.d. des gens qui prétendent mieux lire à l’avance les risques en question.
Ces gens sont effectivement en position de bien (bien mieux) lire "le marché", ce qui est un privilège (immense), au sens propre, dans le contexte. Et ces gens sont au dessus des semi-gros, qui eux lisent l’info économique (d’autant plus chère qu’elle est fiable et fraîche) là où personne ne la lira avant eux. Les vrais gros ont leurs "entrées" auprès de la Banque centrale, des IFI, de la Fed américaine. Et puisqu’ils font payer les infos dans les "magazines" que lisent les autres : il faut qu’elles soient crédibles, sinon garanties... donc certains s’en vantent même, de ces "entrées"... démentant quasiment ce faisant la supposée indépendance des BC...
Pour revenir au point essentiel : le fait est que les Banques centrales, supposées indépendantes, sont contraintes à suivre les exigences des puissants de la finance même pour fixer les taux d’intérêt... Ces ordres sont des messages, les "taux SWAP" : dans le contrat d’assurance SWAP, il y a inscrit l’hypothèse du taux (fixe) qui est garanti. De fait, ces taux sont fixés par les grandes banques. Or, tous les opérateurs financiers les ont pris pour référence, en lieu et place des taux que la Banque centrale fixe elle-même. Bilan des courses, les dirigeants de la BC, avec leur mission contre l’ "inflation" (apparente, c’est une autre affaire) et leur poste à garder... ils suivent les ordres.
Cette hiérarchie de la lisibilité économique, doublée de la capacité financière, a de nombreuses conséquences terribles pour la démocratie. Trois grand types d’effets, tous pervers :
elle crée de très grandes inégalités réelles qu’on imagine déjà assez après ces quelques propos, mais dont il vaut la peine de détailler un peu les mécanismes et les effets. Par exemple, elle permet à des milliardaires de gagner des milliards en deux jours en spéculant en masse quand le FMI "accorde un pret" à un pays dont l’économie plonge (voir la "lisibilité" unilatérale, ci-après) ;
elle entretien les paradis fiscaux ; elle justifie que les puissants en place s’acharnent à empêcher qu’on fasse de la transparence là où elle n’est pas encore établie : à l’OMC, au FMI, avec la Commission européenne, mais aussi dans des organes de contrôles juges et parties des notations d’entreprises, dont les défaillances scandaleuses exitent le monde (très important, tant que la haine est bien ciblée) mais servent surtout les bénéfices des gros actionnaires, qui choisissent quand il faut filer et déclencher l’explosion de la bulle (comme les stock options d’un "tueur" de cadre sup. filent à sa retraite, juste avant le scandale - le système du type béni qui vient renflouer une activité et se barre avec la caisse, ça n’a pas d’âge)...
... et là où ils poussent pour qu’on érige de nouvelles structures, qu’ils investissent dès l’origine : pour ne parler que des plus grosses et voyantes (sauf de l’UE, car certain parallèle se tient), voyez le FMI, la BM, puis l’OMC. Toutes trois répondent à l’origine à des bonnes volontés onusiennes. Mais dès le départ (1944) puis au grand tournant des années 1970, pour les deux premières, et sournoisement (de 1946 à 1994) pour l’autre, elles ont été vérolées, tant dans leurs missions que dans leurs règles de fonctionnement. Une opacité qui cache tous les abus de pouvoirs, violations des règles de l’ONU (dont elles se sont émancipées toutes trois suivant des calendriers divers), soutiens direct ou indirect de dictateurs, tutelle systématique du Trésor américain (opaque aussi, car indépendant depuis 1913) relayant celle de la haute finance, puis celle des odieux de l’UE,... par définition, tout ce qu’on peut imaginer : mais vous savez bien, l’exigence de transparence c’est mal, on ne veut que votre bien (pour une fois que je cause directement de notre sujet, ici...) - vous pouvez vous faire des films, mais pas trop pousser, même si derrière un rideau on peut évidemment mettre ce qu’on veut, par exemple un autre rideau
elle confère enfin aux actionnaires majoritaires des actions ou détenteurs de tous types de "produits" une sorte de "pouvoir magique", où la volonté, l’ordre et la prophétie se mêlent (tiens donc, encore ce pouvoir totalitaire par excellence) : en décidant (par "anticipation projetée" de la baisse de la valeur) de vendre en masse - ou en concertation, ou en lisant les mêmes "messages" .. - ils provoquent la baisse massive de l’action (ça marche dans l’autre sens)... c’est ce qui fait et défait les bulles, et ce qui fait qu’une boîte saine craint la chute de son action, alors que sur le papier ça ne change rien pour elle, son pognon (capitalisation), elle le rentre une fois pour toutes au départ, en créant l’action, il ne varie pas, lui... Mais si l’action plonge, alors l’OPA se pointe... et les nouveaux dirigeants se pointent, en chair et en os là... magique.
[1] François Morin, professeur de sciences économiques à l’université de Toulouse 1, qui a été membre du Conseil général de la Banque de France et du Conseil d’analyse économique, est membre du laboratoire de recherche LEREPS, et est l’auteur d’un livre intitulé Le nouveau mur de l’argent (Seuil, 2006)
Merci Sam,
C’est vraiment utile, ces synthèses : ce commentaire-là, le 3), est important.
Conseil aux autres : même si c’est long, il faut le relire et comprendre l’importance stratégique pour nous tous des rouages que décrit Sam ici : la fin du politique (censé nous protéger tous contre l’arbitraire) tenaillé par LA MONNAIE ET SES PRÊTRES, rendue artificiellement rare et disponible désormais uniquement dans des banques privées, à prix d’or, et la ruine programmée des États pour mieux les domestiquer.
Tout porte à croire que notre avenir de noue dans la maîtrise des BANQUES, et il n’est pas riant, désolé.
Voici le lien que Sam donne (HS) vers l’explication par François Morin de la tenaille financière.
Question : est-ce qu’une Constitution, notre norme possiblement suprême, peut nous protéger contre tous ces dangers, largement extérieurs au pays ? C’est un vrai défi. Je suis sûr que les constituants habituels en sont absolument incapables, trop préoccupés, par intérêt personnel, de stériliser les contre-pouvoirs qui pourraient les gêner eux.
Mais est-ce que d’autres le peuvent ? Est-ce qu’il y a des citoyens capables d’imaginer une bonne réaction à un système pareil sans en faire déjà partie ?
Est-ce qu’une Constitution peut gêner un système totalitaire ?
Est-ce qu’un texte supérieur qui garantit au peuple une information indépendante des exécutifs et des entreprises (réglementation des médias pour interdire leur appropriation par les grands groupes privés, et interdire aussi toute ingérence étatique dans les contenus) et qui donne au peuple le moyen de s’exprimer directement sur les sujets qu’il choisit directement (référendum d’initiative populaire, RIP), est-ce que ce texte peut donner aux citoyens, aux personnes physiques, assez de force pour dresser eux-mêmes des barrières utiles contre la puissance effrayante des personnes "morales" ?
C’est vraiment un défi.
Amicalement.
Étienne.
Tu demandes à raison pourquoi le totalitarisme peut se développer, et ce qu’on peut faire contre, par la voie des institutions. Une voie qu’on reconnait tous deux comme vraiment essentielle.
Ce qui porte le totalitarisme, c’est une combinaison de trois grands facteurs : une société de masses et une idéologie (choses que j’ai surtout présentées ici) mais au delà, pour que le mécanisme de réalisation de l’idéologie (et des masses en fonction d’elle) se produise, c’est un mode spécifique d’organisation de structures réelles du pouvoir qui est déterminante.
C’est le mouvement permanent des pouvoirs réels, qui se développent comme des excroissances au sein d’autres pouvoirs réels, derrière des cascades de rideaux, qui forme le type d’organisation totalitaire des pouvoirs. Cette forme d’organisation des pouvoirs, je n’en ai pas encore parlé ou à peine, car il m’a fallu commencer par les deux autres aspects (pour poser le pourquoi), mais j’y reviendrai parce que c’est primordial. Pour en finir sur le pourquoi, et passer au comment...
Ta question, j’avais commencé à y répondre d’emblée dans mon message 1) : une Constitution ne vaut rien si elle admet des ordres juridiques supérieurs.
Car c’est alors la porte ouverte à tout développement de
pouvoirs occultes :
vus (en statique) de la représentation légitime, et du
peuple ;
ces nouveaux pouvoirs seront instaurés par des gens étant déjà
en mesure de créer des systèmes non démocratiques, donc par définition
déjà émancipés du contrôle légitime ;
ceux qui pousseront pour les
créer ne risquent pas d’instaurer eux-mêmes une transparence et un débat
public qui ne s’imposent pas d’emblée.
Mais même, c’est sans doute pour s’extraire du contrôle
et du débat qu’ils créent ces nouveaux pouvoirs : ceux qui poussent à créer ainsi des pouvoirs émancipés, c’est
justement ceux qui sont les plus convaincus que "c’est à cause de ces
peuples et de bien de ces "gentils" (...) qui les représentent" que le système ne fonctionne pas... A cause de leur
"ignorance" (les lois magiques du marché), de leur "archaisme" (illusions
démocratiques). Alors qu’ "eux savent que le marché régule
tout" : chaque fois qu’ils poussent pour réaliser cette
prophétie, ils en mesurent l’efficacité... eux-mêmes.
Conclusion principale : c’est bien parce qu’on tolère un premier rideau, une première dérogation à la règle démocratique du contrôle des pouvoirs, que peut se créer un nouveau rideau, puis une autre, ...
Ensuite, si on veut détailler les perversions en courant derrière le système émancipé..., c’est toujours utile. Ne serait-ce que pour argumenter le fait qu’il n’y a pas à transiger avec le premier point... Inutile de préciser que tout mon argumentaire appuie vraiment ta démarche, Etienne...
D’une part, nous voyons que non seulement la volonté de pouvoir mais aussi les bonnes intensions de gens à qui on a laissé et le pouvoir et l’irresponsabilité, qui croient à des principes qu’ils jugent louables, peuvent les pousser de plus en plus, souvent insidieusement, à renier la démocratie.
D’autre part, le phénomène essentiel de la sélection des individus du pouvoir par l’idéologie se dessine déjà dans ce tableau résumé.
Mais il faut ajouter un autre phénomène essentiel, qui lui
explique l’endoctrinement et la progression de l’idéologie chez tous les
individus de la "chaîne" : chaque fois qu’on dresse "un nouveau
rideau derrière le rideau", cela induit également un mécanisme pervers qui
assoit la fanatisation et le cynisme des uns, l’ignorance et la crédulité
des autres, mais qui accroît globalement l’imprégnation idéologique chez
tous : un cloisonnement des gens, qui à tous
échelon trouvent :
au dessus d’eux, un pouvoir apparent bien moins
fanatique que le cœur du système, qui donne une illusion de normalité et
de respectabilité ;
au dessous d’eux, une fausse image des "non croyants",
de la normalité, des gens qu’ils croient tous d’accord avec leurs
"évidences", mais juste un peu plus mous du cerveau pour tirer comme eux
certaines déductions (qui vous font passer un échelon).
Que nul pouvoir ne soit au dessus de la constitution.
Puisque je ne suis pas nationaliste, et puisque la bonne réponse à la
règle "la guerre économique c’est la paix" n’est pas de
tuer la seconde avec la première... ce principe implique :
qu’on l’écrive noir sur blanc et
sans détour ni dérogation dans la constitution
qu’on réactualise la constitution chaque fois que
l’Etat est supposé reconnaître la compétence d’une instance internationale
ce que tu dis déjà
(aussi...) : toute modification de la constitution doit être soumise
(à débat et) à référendum
enfin, et si et seulement si c’est ainsi posé,
l’exigence de transparence, de débat public, de représentativité des
"élus" et de devoir de reddition de comptes inconditionnel, ... s’impose
de lui même à chaque fois, sinon on ne signe rien et l’Etat ne reconnaît
rien.
Pour plus de développements, je reprendrai directement au fil de discussion que j’ai ouvert (TOTAL MARKET), car si je réponds là, la largeur de colonnes est trop petite...
Et je n’ai pas répondu non plus :
ni sur le RIC et les jurys de
citoyens tirés au sort (ma réponse se résume à celle-ci, qui ne peut mieux
exprimer combien j’y tiens et comme j’y accorde de l’importance : qui pose les questions dans le débat public ?)
ni sur les personnes
morales. Mais je l’ai fait par ailleurs : sur la responsabilité et
l’identification des personnes, j’ai fait quelques courtes remarques dans
la deuxième moitié du volet 1) de mon message TOTAL MARKET - sur la "main
invisble", sur la gestion des "investissements à l’étranger", sur la
lisibilité et le bien commmun, ... - et je le referai.
Il me suffit de dire qu’un vrai régime constitutionnel ne peut pas s’asseoir sur ces questions fondamentales. Alors je continue à ma manière... poser les questions qui me semblent capitales quand je ne les vois pas posées, et faire le tri dans la hiérarchie des problèmes.
(2) Rassurez-vous, je parle de démocratie... et des pouvoirs (effectifs). Continuons le tableau.
Destruction programmée du syndicalisme (donc du socialisme) sur fond d’agitation de spectre rouge
L’idéologue Von Hayeck avait "prescrit" l’éradication des syndicats. Nous n’en sommes plus au stade de la "volonté", la machine roule toute seule. Quarante ans plus tard, ses disciples Reagan et Thatcher nous l’ont dit : "on n’a pas le choix". Observée à l’échelle du long terme, cette politique du "fait violent accompli" est un bel exemple de "prophétie autoréalisatrice", d’essence totalitaire (une idéologie l’est toujours potentiellement ; ce qui la rend totalitaire est simplement sa mise en pratique). Et si le spectre du syndicat empêcheur de "libérer" en rond est évidemment brandi en permance, celui des rouges (Marx=Lenine=Staline... = Stackhanov ? Non, vos gueules...) l’est aussi. Pourtant, l’un comme l’autre sont impuissants et désertés. C’est la merveille totalitaire que de bâtir toujours sa propagande en contre-conspiration à une autre. Faut-il dire que si par miracle on pouvait mettre en évidence que l’autre n’existe plus ou pour ainsi dire, la première perdrait tout son souffle ? Car un fanatisme totalitaire a aussi cette propriété incroyable que de s’effondrer comme un soufflé avec le système qui le porte.
Quand vous "externalisez" une activité (pas les coûts sociaux,
comme celui du stress, les prestations sociales amputées - 20 milliars d’euros
/ an d’emplois subventionnés dans le privé en France - et autres chômage
programmé, qui vont vers l’Etat, ça c’est pour gonfler la "Dette", cet autre
merveilleux instrument de domination néolibérale) vous (l’actionnaire) gagnez
sur tous les tableaux :
vous mettez les "fournisseurs" en concurrence, en reportant
sur eux le gros des "normes actionnariales" (5% de productivité / an). Donc on
comprend vite que la solidarité salariale chez chacun d’eux ne risque pas de
vous ennuyer. C’est à peu près ce qui se passe quand vous placez les clients
au dessus des Etats et mettez ces derniers en concurrence...
vous mettez "vos" salariés eux-mêmes
sous pression : vous faites affluer les prestataires (fournisseurs sous
pression et précaires) et n’embauchez plus : double pression sur les
salaires et le rendement, concurrence accrue entre salariés
vous ne comptez pas les ressources
pour suivre à l’interface de la sous-traitance créée : ça gonfle
artificiellement la rentabilité de l’externalisation ; ça fait du boulot
en plus pour autant de salariés, pas plus payés, des compétences et des
formations qu’il faudrait assurer pour suivre le travail fourni ; mais
ça, en outre, ça "responsabilise le fournisseur" : en pratique, vous le
faites signer toujours avant qu’il puisse se rendre compte des risques qu’il
prend (de toutes façons, celui qui signe est un pur gestionnaire qui aime les
risques en ne connait que l’info descendante), ce qui fait que vous transférez
une pression sur le fournisseur "en avance de phase"
les fournisseur sont rapidement en concurrence avec
l’étrangers, ça les "calme", ou les "active", c’est selon...
à moyen terme, vous passez ça dans
les pays low-cost, de toutes façons c’était joué : le tout est justement
d’avoir bien pressé le citron au niveau national avant de passer ce stade.
Et avant d’externaliser, que
faites "vous" (le bouledogue archi payé qui vous sert d’exécutant) ? Vous
morcellez. Vous "supprimez les doublons", vous dépouillez délibérément des
services pour les rendre soit disant non rentables, donc à externaliser,
tandis que vous transferez des actifs dans l’autre. Vous maquillez tout ça,
suffit d’être imaginatif. Et justement, les managers, surtout en arrivant,
restructurent toujours d’emblée : ça les fait se sentir "utiles"
(puissants), et le mouvement permanent est une chose maladive des sytèmes
totalitaires, c’en est même le principe élémentaire, donc le système aime les
rotations de personnel (comme ils aiment les incompétents risquophiles - vive
le principe de Peter), et les managers montent chaque fois les exigences de
salaires, ce qui en un certain sens légitime la rotation... Mon ancien
directeur du développement, en arrivant, donc, avait trouvé un truc
incroyable : pour vendre sa super réorganisation, il avait présenté le
bilan de l’an passé en lui facturant le coût (600 000 euros, une broutille, ça
fait le quart du budget)... de la réorganisation... tu parles si sa
proposition était alléchante...
Après les morcellements-externalisations-délocalisations, je vous passe les fusions acquisitions, sinon pour dire qu’on a trouvé un truc pas mal : on se met à facturer à la boîte qu’on rachète le coût (et les intérêts, la montagne de dettes du système, on y vient)... de son rachat.
Inutile de dire que combiné sur l’économie d’un Etat, le phénomène est essentiel à l’avancement du fléau néolibéral, à tous égards.
On a ensuite le cadre du management industriel.
Comme j’ai commencé à « répondre à Mao et Pol Pot » par des mots aussi doux, je ne fais que rappeler le résumé de Chomsky... « l’entreprise est un univers totalitaire », qu’on pourrait trop vite mal juger... avant de vous conseiller la lecture de La société malade de la gestion de V. de Gaullejac.
L’esprit managerial est devenu véritable dogme, consistant à
présenter comme logique une situation :
où d’une part, l’individu est situté comme évidemment
solidaire de sa boîte (les états psychologiques des managers, qu’ils virent
"normopathes", craquent ou délirent (ceux dont on ne parle pas, d’aileurs "ils
n’ont jamais existé"...), ne sont pas la partie la moins intéressante du livre
de de Gaullejac),
où d’autre
part, seuls les actionnaires décident, et où tout et tous suivent, envers et
contre toutes les contraintes incompatibles, activités fonctionnant - souvent
rentables - mais qu’on saccage, balles dans le pied diverses et variées pour
butter le concurrent avant qu’il ne vous butte, car de toutes manières c’est
lui ou nous
où, enfin, le
duo Excellence-Concurrence (par nature contradictoire, car
l’excellence sous-entend ici d’être LE meilleur) constitue à cette échelle un
moteur d’une guerre économique permanente.
Et dans cet univers où, on l’aura compris, "le travail est le propre de l’homme" est une sentence qui "n’a jamais existé", comme dit V. de Gaullejac, on en vient à haïr les concurrents (boîtes et individus) mais aussi les clients eux-mêmes (boites ou individus : sûr, les premiers vous tyrannisent, et les seconds n’y comprennent rien... vu qu’ils ne sont pas dressés comme vous).
Dans les camps, "autrefois", le gardien avait un pouvoir infiniment supérieur à la victime, mais toutes deux en étaient réduits à "partager", quoi que par des chemins bien divers, un niveau hallucinant de cynisme, de crédulité autosuggérée, et de capacité à renier le propre de l’humain. Remplacez, dans ce qui confère le pouvoir d’un côté et crée la terreur de l’autre, la violence physique par l’argent, vous avez à peu près les mêmes écarts mirobolants au présent. (Entre les deux versions, vous avez le chantier d’esclaves égyptiens... ou chinois. Rassurez-vous pour nous, l’idéologie totalitaire, c’est comme un mec qui penserait juste par la logique, sans avoir cet "autre moi" comme miroir : il en vient toujours à aller vers le pire.)
Pour cause - passons à l’ordre supérieur -, les fonds de pension. Qui dominent les grandes boîtes... qui dominent le reste (outre les banques, dont je cause à la fin, les boîtes cotées en bourse sont elles-mêmes les clientes de la plupart des petites, quant au reste, il s’aligne sur la pression du circuit).
Et quand je dis "le reste", il y a aussi bien des Etats, et pas que des petits et des pauvres (comparez les CA des plus grosses aux PIB du Danemark ou du Sénégal, ...).
Un fond de pension ne vous voudra à la tête d’une grosse boîte dont il est actionnaire majoritaire que si vous avez un CV de "tueur". Allez, je ne décline pas, ça ira. Plus "drôle" : le fonds de pension aussi a ses dirigeants. Comment sont ils choisis ? Par la même concurrence au plus salaud, pardi (et fanatique - comme pour tous les autres pouvoirs qu’on peut présenter, souvenons nous que l’idéologie ne rentre que par la pratique, toujours violente : de toutes manières, elle sélectionne en positif comme en négatif).
"Mais les petits actionnaires, y sont responsables du choix, me dira..." Qui ne sait pas qu’au présent, en matière de marché, comme dans tout bon système totalitaire, il n’y a que des victimes et des bourreaux, tous interchangeables d’ailleurs, puisque tous sont superflus.
Plus "drôle" : de toutes façons, les actionnaires des fonds de pension, justement les plus petits, sont eux-mêmes les plus cons des tyrans... leurs propres tyrans : ce sont pour un peu des des retraités, mais le plus souvent ce sont des travailleurs "contraints" à placer pour leurs retraites (se mettre dans la tête que qui vit de son travail, comme qui est locataire, ne tient pas longtemps...)
Il faut aussi comprendre une chose, sur l’acharnement qu’on a à nous vendre la solution de l’actionnariat salarié, outre le fait qu’il s’agit d’un moyen de plus d’extraire les salaires du circuit de cotisations sociales (et les charges, car ce qui se négocie dans ce qui reste de négociation, c’est du net) : quand on accroit la demande d’une action, que se passe-t-il ? Elle grimpe. Qui en profite le plus ? Tu parles que les grands actionnaires nous bassinent avec çà. Que cela ne nous fasse pas croire qu’ils sont simplement d’odieux cyniques : je vous assure qu’ils croient (aussi) ce qu’ils disent... : ça marche (pour eux). On y reviendra.
Allez, ça s’allonge, et je voulais causer de choses essentielles, mais moins connues... Au passage, si vous avez l’impression que je parle de pouvoirs, et de vrais, vous avez vu quelque part l "l’Etat", cet emmerdeur, "intervenir", ou je ne sais quelle voie de solidarité ? ... Non, je dis ça, parce que je cause de ça, ici... Quant à Ségolène (ou DSK, allez, je remonte Fabius par la suite), il est vrai que ça n’a rien a voir. A qui la faute si on parle des langues complétement étrangères (faut-il que je songe à déchirer ma carte du PS...) ?
(1) Réformer les institutions est utile voire indispensable, mais vain en soi si les véritables pouvoirs se situent ailleurs, au dessus d’elles.
À GéDé, son « système » et son « arbre qui cache une forêt », j’avais répondu par un message en trois parties, dont la seconde n’était conçue au départ que comme une parenthèse... qui pouvait se résumer ainsi. Autrement dit : dénoncer la tyrannie, oui, mais surtout pas confondre dictature et totalitarisme. Pour savoir, dans ce cas, "ce que cache l’arbre", je ne saurais faire mieux que conseiller à chacun la lecture de l’oeuvre de Hannah Arendt, Le système totalitaire.
Je n’avais pris qu’un exemple - c’était une parenthèse -, qui déclinait la prémisse néolibérale, "le marché régule tout", pour le cas des médias (de masse). Mais maintenant que GéDé a insinué que j’ai « explicité clairement ce que peut cacher un arbre », je me sens forcé d’être moins restrictif sur ce point, et à reprendre dans la foulée, pour mieux cerner le "système" néolibéral, toujours en tâchant de "décliner la prémisse" (c’est la meilleure approche pour garder, en l’espèce, le fil conducteur).
En dépit des apparences, je vois mal pourquoi mon message serait hors sujet, bien qu’il ne parle ni de Ségolène ni de tirage au sort... je m’explique :
Article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Qu’est-ce qu’une constitution quand elle n’est pas supérieure à toute autre norme ? Rien, du vent. Très exactement parce que des lors, les pouvoirs effectifs ne sont pas définis, et de fait, les droits (comme l’égalité) ne sont pas garantis : cet étrange article 16 est sans doute celui de cette merveille qui m’épate le plus, car il définit exactement ainsi, ce qu’est une constitution, ... par la négative : ce qu’est un Etat "qui n’a pas de constitution" - peu importe que le papelard existe, et son contenu (à la limite il vaudrait mieux le brûler en place publique car ce leurre est alors un bel instrument du trompe l’œil démocratique, dans une société ou très franchement, je pense que l’anarchie ou la tyrannie (absence de lois) ainsi avouée ne peut guère faire plus de mal... que de réveiller tout ce beau monde et de restaurer plus vite la démocratie.) Fait très intéressant : il faut savoir que les nazis n’ont jamais aboli la constitution en vigueur à leur arrivée (dite de Weimar), et que Staline alla jusqu’à en faire rédiger une, en 1936...
Voyez-vous, plus le temps passe, et plus c’est ce que m’évoque
le projet de TCE. D’un côté, tous les traités européens, depuis le départ,
sont "constituants", car il définissent des compétences européennes ;
d’un autre, aucun n’était de nature à faire de l’Europe un "Etat"
constitutionnel, d’après ce que je viens de rappeler (la discussion sur
"constitution" / "pas constitution" peut durer longtemps). Mais pour la
première fois, avec l’essai de TCE, on a passé un stade... dans le cynisme. Un
essai :
qui apportait,
dans un flot de traités, des blablas parfois jolis ressemblant à des principes
et des garanties de droit (tous rendues conditionnelles - à la prémisse idéologique que l’on sait et ses mille et un dérivés),
autant dire caduques par anticipation ;
qui niait... dans la Charte elle-même (II-111 et 112) le
devoir qu’avait l’Europe de développer des institutions à la mesure des droits
qu’elle disait garantir. Vendu... sous couvert de ne pas empiéter sur les
compétences des Etats-membres...
... alors que quand c’est pour le marché, "en préjudice"
potentiel systématique de la garantie des droits, c’est drôle, cette belle
"subsidiarité" là on ne la respecte pas : l’UE a la compétence en matière
commerciale, qui passe d’abord ; pire, alors que les Etats sont censés la
garder en matière judiciaire, la Cour s’est auto constituée (contre les Etats
à l’unanimité et le Parlement, et dans le sens de la Commission) en position
de faire appliquer les règles commerciales édictées par l’UE (et oui, les
gars, il faut bien que l’UE fasse appliquer le "droit"... sinon à quoi servent
les règles ?) Mais déjà, on ne va pas ici dérouler le tapis des montages
européens, et puis, s’agissant de « commerce » il y a bien pire, et
pour cela il faut prendre le temps d’argumenter. Si on ne le fait pas, ici, à
quoi bon lancer un titre qui parle de nouvelle constitution ?
Je ne reviens pas sur mon autre article, car il y a bien d’autres aspects à parcourir, sans dire que les médias sont peu de chose, car ils sont un grand pouvoir effectif contemporain, parmi d’autres qui ont la particularité d’être tout "officieux" (au regard de ceux des appareils d’Etat) et pour autant considérables (primant sur ces derniers). D’ailleurs, "à ATTAC", on n’en parle à peu près pas (le comité médias du national s’est d’ailleurs mis en hibernation. Quelques semaines après les états généraux des médias, à Paris, allez comprendre.)
Je ne vais pas entreprendre une liste exhaustive des "pouvoirs effectifs" (et "occultes", on dit que les totalitarismes sont des "sociétés secrètes établies au grand jour"), personne n’a cette science infuse, et la liste n’a pas de fin à vrai dire, juste en évoquer certains des principaux, notamment un, les instances dirigeant la création monétaire, qui est peut-être le principal, et qui est assez peu abordé "à ATTAC", malheureusement. Cette association ayant pour coeur l’idée d’une taxe progressive sur les transactions de change (c.à.d. sur la spéculation sur les monnaies), ce n’est directement son sujet, mais tout de même.
Justement, pour commencer par la "libre circulation des
capitaux" :
l’idée de
Tobin est par nature tout à fait compatible avec une certaine mondialisation y
compris financière. En quoi "les alters" ne peuvent décemment être taxés
d’anti mondialisation : le procédé est plus progressiste (ajoutons qu’il
impose une transparence sur les flux et leurs acteurs) que le principe porté
notamment par les libéraux non fanatisés, celui d’un retour à l’indexation du
dollar sur l’or.
Il faut
savoir qu’à l’origine, le modèle libéral (et la théorie de Ricardo des
"avantages comparatifs" des pays) n’a jamais introduit le problème de la
circulation transnationale des capitaux. Du moins celle qu’on dit "libre",
traitée par les agents privés, sans passer par les Etats. Autrefois, les
"investissements à l’étranger" étaient un joyau du capitalisme d’Etat et de
l’impérialisme colonial : les Etats géraient eux mêmes l’instrument de
domination, et au niveau national, les rentiers devaient combiner avec les
dirigeants pour placer leurs fonds juteux (et pour monter leurs délits
d’initiés, notamment dans les contexte de guerre). La main
invisible signifiant que votre légitimité à rechercher votre profit
personnel reposait sur votre création de bien commun, d’une cela supposait la
possibilité de la communauté d’évaluer cette dernière (la lisibilité ne vaut
pas que pour les investisseurs, et elle commence par la possibilité
d’identifier les actionnaires, le chemin de l’argent et la destination des
biens), de deux, cela supposait que vous créiez le travail (donc le pouvoir
d’achat) comme les biens dans la communauté...
Mais au delà de cette "liberté" moderne, et concernant
l’action des Etats, une règle de base au plan international est l’équilibre de
la balance financière, donc les Etats eux-mêmes étaient forcés à se
concerter... Le néolibéralisme a fait sauter tous ça. Et l’autre grand pilier
de l’équilibre ancien, tout aussi essentiel pour la validité d’un modèle
libéral classique : les Etats, il y a quelques décennies encore, devaient
se concerter aussi pour fixer les valeurs relatives des monnaies (contraints
par l’équilibre de la balance commerciale). Ainsi, le dogme "libre échangiste"
qu’on connaît au présent est non seulement absurde, mais même, c’est une
"rupture" franche dans le libéralisme...
Remarque (pas) étonnante, qui est aussi la seule grande conclusion qu’on peut tirer, vu ce qu’en disent aussi bien les libéraux non fanatisés : cette absurdité multiple est une transposition directe, envers et contre tout (même les échecs évidents), de la même prémisse "le marché régule tout" du cadre national (légitime - cas du libéralisme classique, avec régulation de l’Etat, en contexte démocratique , services publics, et salaires négociés (par les syndicats - du moins, le rapport de forces est reconnu à ce niveau, il est évident)...) au contexte international. Dans lequel il n’y a ni démocratie, ni (services d’) intérêts généraux, ni syndicalisme commun (et puis quoi encore) qui vive...
... ni lisibilité économique... sauf justement pour les fanatiques, c’est à dire ce que la pratique et elle seule à convaincu... que ça marche. J’y reviendrai, mais il fallait en passer par ces quelques points techniques...
Sam , Vous évoquez le totalitarisme. C’est ce que je retiens et ce sur quoi je choisis de rebondir, tout en essayant de faire le lien avec le sujet de Daniel sur la proposition de SR qui amène à réfléchir chacun. D’ailleurs c’est intéressant de lire les commentaires des uns et des autres et chacun amène une part de connaissance qui complète ou contredit celle des autres. Je m’instruis de ce que pensent les autres.
Le totalitarisme , c’est , selon JP Lebrun, dans "un monde sans limite" , l’incapacité pour les membres d’une société d’être sujets et d’opposer à un système leur propre réflexion. Le discours masse média est justement ce qui induit et pousse chacun à ne plus penser par lui même et se contenter de ce qu’on lui sert en matière de réflexion. Les énoncés deviennent plus "véridiques" que les énonciateurs par la voix médiatique . On attend toujours de se référer aux experts, en lieu et place de compter sur nous même pour penser ce qui est de l’ordre du bon sens. Le totalitarisme , à l’opposé de la dictature n’a pas d’opposants, n’a pas d’ "Autre" à penser, car sa vocation est de ne pas reconnaître l’autre en tant que sujet , alors que la dictature reconnait qu’il y a un autre qui s’oppose dont il faut se débarrasser. Je cite JP Lebrun : ""Par totalitarisme pragmatique, il s’agit d’entendre l’autonomie prise par un système organisé autour d’une logique qui prétend rendre compte rationnellement de tout , à tel point qu’il en viendrait -sans le vouloir de manière délibérée mais sans non plus vouloir le savoir- à ne plus laisser sa place au sujet. La disposition du discours techno-scientifique à être ce système symbolique qui prétend rendre compte du réel et à partir duquel on semble laisser croire que tout s’origine, le rend tout à fait congruent à devenir ce système" Et lorsqu’il fait référence au nazisme et au système totalitaire il dit encore :
"C’est la promotion de l’exclusion de l’énonciation au profit de purs et simples énoncés transmissibles qui a permis aux nazis de se servir , comme ils l’ont fait, de la science raciale ; ils ont manifestement profité de ce que les énoncés de la sciences permettent à ceux qui en usent de méconnaître la dimension de l’énonciation, légitimant des lors qu’une adhésion à un énoncé meurtrier puisse se réaliser en "toute innocence" , avec l’alibi de se soumettre à une programme scientifique de mieux être social. "
Voilà ce que je pouvais communiquer quant à l’idée de totalitarisme que je partage.
Pour faire le lien avec la proposition de SR sur la possibilité de tirer au sort un jury citoyen, qui pallierait au constat fait de la déshérence politique de beaucoup d’entre nous, j’insiste pour dire que l’absence de symbolique qui donne à se penser sujet , que génère le système politique et économique actuel , à fait déjà décrocher un bon nombre d’entre nous. Et ce n’est pas forcément les plus indigents d’entre nous qui désadhèrent. Cela se passe sur un plan qui est bien plus insidieux. C’est le sentiment de beaucoup d’être privé de la possibilité d’être sujet du devenir devant le fatalisme induit par le système dans lequel on se sent enfermé, présenté comme incontournable . Si donc SR ne veut qu’effleurer le fond du problème, cela la regarde. Elle n’est ni plus ni moins qu’en la place que le système lui donne à prendre aux yeux de tous et auquel elle se conforme. Ce qu’elle pense renvoyer de son image n’est pas la place qu’elle prend elle même en tant que sujet qui parle aux autres sujets. La télévision est douée pour recadrer ce qu’il est nécessaire de laisser filtrer, pas plus et ceux qui s’en servent se desservent.
Pour évoquer ce que l’association Attac n’approfondit pas, il faut juste savoir que l’ origine de l’association est d’être le lieu de parole qui réunit ceux qui ne l’ont pas forcément prise mais qui ont senti devoir la prendre . Et il faut faire aussi le constat, qu’en ces lieux , il existe aussi des carences quant à la connaissance du système tel qu’il fonctionne, et notamment les rouages juridiques qui le font fonctionner. Sachez que pour beaucoup de personnes qui adhèrent à Attac, la politique n’est pas une pratique courante, quant à la maîtrise de ces connaissances. Combien savent ce qu’est d’interpeller un député par voie légale, combien même qui n’adhèrent pas à Attac connaissent simplement leurs droits les plus essentiels ou s’y interessent ils ?. Attac est évidemment un lieu où se rejoignent ceux qui veulent se saisir de leur pouvoir de parole pour influer sur la politique, mais sans forcément tous avoir la conscience lucide des connaissances qui permettent cette prise de décision. Sa vocation d’éducation populaire n’est pas vaine quant au sens qu’elle induit si par ailleurs elle porte en germe l’intérêt de personnes à s’Instruire plutôt que tirer des slogans. Ce sont ceux qui se saisissent des connaissances du sytème de manière objective qui peuvent en analyser les conséquences , faire les liens nécessaires . Et cela demande un effort véritable. Cet effort n’est pas vain, du moment qu’il s’agit de peser efficacement sur le système , d’en sortir .
Je suppose que c’est GéDé qui me répondait...
A vrai dire, ce matin je m’attendaid à être couvert d’injures (d’emblée, ça viendra peut-être).
Sur ce que vous dites (transmettez, comme moi) du caractère du totalitarisme, c’est tout à fait cohérent avec ce que j’en évoquais, qui vient d’Hannah Arendt essentiellement (j’ai essayé d’en rappeler beaucoup de caractères).
Vous insistez plus sur le "sujet" qui a perdu sa place - je
dis "l’individu désolé", ce qui entend et le déracinement et la
superfluité et la perte de la faculté de penser (hors de la froide logique
idéologique en cours) donc d’agir comme sujet libre - et j’y suis
sensible. Mais si je parle plus des structures, c’est parce :
on ne renverse pas une
idéologie avec des mots, on renverse les pouvoirs qui la portent. Et non
seulement il est vain d’agir dans l’autre sens (ce qui n’empêche pas d’en
parler, mais autant le faire sans détour) mais il est fort probable que
l’effondrement des structures entraîne rapidement celui du cauchemard,
dans les têtes
je dis
ainsi qu’un "jury tiré au sort", dans le contexte, c’est bien en soi, et
sans doute même une voie essentielle pour encourager les citoyen à porter
eux-mêmes leurs questions dans le débat public, mais
bien insuffisant. C’est un ensemble de pouvoirs qu’il faut rapporter sous
le contrôle des pouvoirs publics, légitimes, c’est une constitution à
revoir complètement au sens où elle doit primer sur toute autre
juridiction (mondiale) et garantir qu’aucun pouvoir effectif ne s’émancipe
du contrôle des nations. Voir mon entrée en matière.
Sur ATTAC, vous avez encore raison, et je m’empresse
d’ajouter que :
pour bien des choses que j’ai apprises, c’est grace à
ce mouvement d’éducation populaire ; on lui doit beaucoup, à cette
fédération d’éclaireurs éclairants
l’association est encore très jeune (8 ans), et si elle
a déjà passé quelques caps, elle franchira sans doute encore bien des
étapes
je m’y suis
inscrit récemment, pas juste pour continuer de m’éclairer grace à elle,
mais aussi dans la perspective d’apporter ma contribution, et c’est vrai
qu’au moins au niveau local, c’est un espace de parole et d’éhange
précieux
sur le sujet de
la création monétaire, je crois que comme tout le monde, ses adhérents,
ses fondateurs, voire son conseil scientifique a le droit de prendre le
temps de sortir de 30 ans de matraquage idéologique. (Pour la réfélexion
sur les médias, c’est Bourdieu lui-même qui a contribué à l’appel pour le
mouvement social européen, et à "commander" "Europe, la trahison des
élites" à un R.M. Jennar. Alors patience ? - ATTAC a encore des
chantiers peu avancés.) Une preuve de cette modestie : sur le seul
sujet de la "libre circualtion" (des capitaux et du reste), Nikonoff vient
seulement de détérrer pour nous tous un espèce d’OVNI qui date de 1946, je
crois, et rien qu’à le lire, on comprend à quel point on s’est fait
enfermer depuis des décennies - un truc complet, qui pourrait permettre un
ressemplacement rapide et efficace des IFI et leur remise sous l’égide de
l’ONU, ainsi qu’elles étaient sensées l’être au départ : ça s’appelle
la Charte de la Havanne, à lire absolument.
http://www.avenirdattac.fr/article.php3 ?id_article=16
Entendu ce jour, une émission profonde de Finkelkraut avec Claude Habib et Mona Ozouf sur la galanterie. (France Culture, 9h).
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/repliques/
Il me semble qu’elle force l’écoute et a un rapport avec notre utopie d’authenticité dans les blogs.
Les intervenants soulignent la nécessité aujourd’hui de tout dire, la nécessité d’authenticité. Mona Ozouf signale que l’âge galant, sujet du livre de Claude Habib, est une planète éloignée.
Il y aurait un soupçon généralisé sur les manières. Alors qu’on pourrait au contraire soutenir que les manières ne font pas que travestir mais qu’elles peuvent déceler la vérité
Mona Ozouf cite le philosophe Alain :
"La difficulté de la vie conjugale, c’est qu’on se dit tout ce qu’on pense tout à trac, c’est-à-dire ce qu’on ne pense pas. Ce qu’on appelle le mensonge social nous invite non pas à dire tout ce que nous pensons, mais à chercher ce que nous pensons et à trouver les mots adéquats pour le dire."
Le mensonge social serait donc une école de raffinement.
En fait, le naturel est second, dit Claude Habib. On arrive au naturel par des efforts de grâce, mais le naturel est le contraire du déballage spontané.
Avant le cogito, il y a bonjour, dit Lévinas cité par Finkelkraut.
Sur la lenteur, la timidité, la violence, l’incivilité, l’Esquive, l’encamaradement, selon Stéphane Haffner, Histoire d’un Allemand (livre génial sur la montée du nazisme vu par un étudiant à Berlin) . Très riche heure de remise en question de nos "évidences", ouvrant aussi à des interrogations.
Un élément supplémentaire pour participer à la réflexion sous forme de conseil de lecture.
Au moins deux oeuvres de José Saramago http://fr.wikipedia.org/wiki/José_Saramago
L’Aveuglement
La Lucidité.
Que j’avoue je n’ai pas lu, mais dont on m’a retracé sommairement le contenu. Celui-ci décrirai le comportement de la population face à leurs gouvernants en leur signifiant que le peuple n’a finalement peut-être pas besoin d’eux. Les politiciens faisant ce qu’ils peuvent pour maintenir leur prérogatives (qui a pensé privilèges ?).
Et si finalement ce sujet qui a l’air de tenir à coeur plus d’un , au regard de la polémique , voire du débat ici qui l’entoure , "les jurys citoyens" , n’était que l’arbre qui cache la forêt . ?
Lorsque l’on fonctionne dans un système , en toute logique on pense à ce qu’il faut lui retrancher, ou ajouter, pour le faire vivre . On le pense le plus souvent de l’intérieur , pour concevoir ce qui lui manque , après avoir constaté ce qui le fait dysfonctionner.
Si les citoyens ne sont plus en phase avec les politiques,constat de ce qui dysfonctionne dans notre société libérale, l’idée qu’on leur propose est un nouveau "groupement" (avec certainement une définition juridique derrière), pour réfléchir et juger du travail des élus . Voici posé ce qu’on propose d’ ajouter à un système existant. Et chacun de discuter ou se disputer là dessus . Sauf que voilà, des groupements, qui s’appellent associations(Attac serait une association des plus marquantes quant à la critique du système libéral actuel ), syndicats ,partis existent déjà qui réfléchissent à l’interieur d’un système pour critiquer ce qu’il produit, le modifier , intervenir dessus . Dans le cadre de règles juridiques précises. Et cela n’a nullement empêché le constat auquel nous sommes parvenus : déliaison entre citoyens et représentants élus, la "désespérance des français" pour ne citer que Stiegler.
Si par ailleurs l’on veut avoir une idée d’un système, il y a deux positions possibles. De l’intérieur ou de l’extérieur. De l’intérieur on ne crée ou supprime que des groupements qui opèrent à l’interieur, et en rien le système n’est remis en cause. De l’extérieur vient une autre manière de regarder les choses. Le relief que prend le système est éclairé par rapport à son objectif, son sens, sa finalité, son but , ses perspectives... On peut alors atteindre un niveau de critique différent. Et si le système n’était tout simplement pas celui auquel correspondent les perspectives et le sens des citoyens ? Quel besoin de lui greffer dessus un nouvel organe si justement c’est celui ci fondamentalement qui est mis en question. ?
Ce petit arbre qu’est le jury citoyen, masque trop bien à mon goût le sujet de fond qui n’est pas abordé par ceux qui le proposent. Evidemment qu’ ils ne peuvent que proposer de continuer le sytème, agissant de l’intérieur et voulant continuer à le faire fonctionner. Si un homme politique venait à dire que le système tel qu’il fonctionne, de l’extérieur, ne fait plus lien avec ceux qui agissent en son intérieur, alors il faudrait qu’il pense à prévenir de son effondrement futur.
Pour moi, le sytème de notre société, tel qu’il fonctionne, arrive en bout de course et de souffle. Ce n’est pas un jury de plus ou de moins qui va donner à trouver le sens pour tous du but à donner à un système. Car ce "tous", c’est aussi chacun, avec l’exaspération de chacun à ne pas voir de finalité réjouissante au système actuel, sauf pour ceux qui en profitent . Il y a donc une rupture réelle qui a déjà été opérée et beaucoup sont déjà hors du système, non par la seule exclusion matérielle et sociale qui est énorme en soi , mais par le refus intellectuel à trouver du sens à celui ci. Il y a donc une position déjà prise bien réelle. Le référendum en fut une qui vit voir fleurir des discussions là où personne ne les attendait. De trop nombreuses personnes fonctionnent dans un système sans lui trouver de sens, contraintes d’y agir, mais intellectuellement et symboliquement démissionnaires . Chacun peut le constater au plus proche de lui.
Le plus gros effort à fournir est donc devant , se mettre avec raison dans la pensée politique d’un autre sytème qui redonne le sens et l’entrain à reconstruire pour tous et en chacun. C’est le travail de tous. Pas seulement de nos représentants. Et pour cela , il faut prospecter dans les pensées, les échanges et faire émerger un espace commun hors du système, qui ne peut avoir de base juridique pré définie encore, puisqu’il faut le construire. Cet espace commun, c’est la politique faite par les citoyens eux mêmes, hors de la pensée du système actuel , ni dans celle de leurs seuls réprésentants. Il n’y a pas de place particulière à donner aux citoyens, c’est à eux de la prendre et c’est aussi à eux de redéfinir ce que seront les perspectives qui les mettront en marche, en créant du lien, et non en le défaisant. Selon moi, il n’y a pas lieu de replâtrer ce qui est déjà défait. Ce qui se passe sur les milliers de sites où discutent les personnes qui ne l’auraient jamais fait en d’autres circonstances, c’est l’espace commun symbolique dont je parle. C’est la recréation du lien "pensé" (et non slogan de pure forme ou injonction émotionnelle) qui n’a plu d’espace dans les institutions actuelles.
Duncan,
Plusieurs réalités selon le point d’où l’on se place, d’après moi . D’ailleurs le terme système recouvre la définition de champ trés différents. Il suffit de lire le dictionnaire . Cela touche donc aussi le mode d’organisation sociale, de gouvernement, d’administration. L’esprit de système, quant à lui, est une réduction par idées préconçues. Un système peut réunir, rassembler, créer du lien , former un tout ou au contraire réduire et dsyfonctionner, éclater . Celui auquel je pensais n’est pas réductible à un objet précis , il est est lié à ce que m’apporte la réflexion psychanalytique lors de l’analyse des groupes de personnes, le premier étant la famille , la "systémie familliale". On peut trés simplement faire des liens entre le fonctionnement des groupes simples et les groupes plus complexes, plus larges. . Un groupe , un corps social fonctionne par relations entre des personnes et normalement chacun doit pouvoir définir le sens de sa place pour fonctionner en tant que sujet et donner sens , toujours, à son apport dans le groupe. Notre système de pensée reconnait et dissocie la sphère publique et la sphère privée, le groupe et la personne. Si un fonctionnement de groupe se rigidifie, tendant à cloisonner par un trop grand déterminisme la place que chacun est sencé occuper, alors il n’y a plus de place à prendre en tant que sujet. On rejoint l’esprit de système et l’idée préconçue. Dans la systémie familliale par exemple, on peut entendre dire d’un membre qu’il fonctionne comme ceci ou comme cela.(Il a tel caractère de cochon, il est trés gentil, , ...etc pour les exemples les plus inoffensifs ) Les rapports à ce membre sont conditionnés aussi par ce que véhicule le groupe comme reconnaissance "officielle" de la place qu’il tient. Il est déterminé , réduit au sens véhiculé par le groupe, surtout s’il n’a pas d’autre place pensée pour montrer autre chose( ce que lui détermine de lui contre l’idée du groupe) , mettant en danger la cohésion du groupe, de s’y essayer.
Autre exemple, le discours politique , rélayé par les médias , ou ce que l’on entend souvent dans les conversations dites de salon ou de rue , sur les chômeurs par exemple , renvoie à un sens négatif, porté par beaucoup d’entre nous qui pouvons craindre de l’être aussi . Ce discours enferme le sujet en question dans un statut, qui ne se réduirait pas à celui d’être inactif, inutile , donc une charge pour la société, si ce sujet avait à sa disposition des moyens de rendre compte de la complexité de sa situation réelle, tout en gardant sa légitimité de personne ayant place dans la société pour y agir .
On plaque ainsi en parlant de "racaille". On plaque en parlant "d’esprit d’entreprise", de "capital humain" , de "valeur d’ajustement". On plaque et réduit par le discours des personnes à de simple objets de fonctionnement , dont on ne reconnait pas la valeur de sujet, en prenant souvent les termes les plus frappants et les plus courts. C’est tout le travail du système de communication et de marketing essentiellement, ce que j’appelle la propagande publique et économique . La société, donc nous, sommes tentés de plaquer un discours sur la place qu’occupe à son corps défendant le chômeur. Ou d’autres personnes . C’est l’exemple d’un fonctionnement par système comme un autre.
On peut mettre en place des organes pour accompagner le chômeur, mais cela ne lui rend pas la légitimité d’être autrement qu’à cette place déterminée. Mais voilà, une personne qui vit la réalité de sa vie , ne se réduit pas au discours et à l’explication que porte un système qui lui donne cette place. C’est la tentative qui est mienne de "penser", par une réflexion qui ne réduit pas par avance la place des sujets à de simples formules, la complexité . C’est aussi le choix d’échapper au sytème dans lequel la place pour penser n’est pas valorisée. Et comme j’estime que je peux penser par moi même, que je fais partie de tout un ensemble de personnes qui ont refusé de prendre intellectuellement la place de légitimer et faire vivre un système qui nous dénie d’avoir un désir propre, une pensée propre et responsable, un statut de sujet politique , et bien je prends le parti de chercher hors du système actuel la place que je souhaite prendre et non celle que l’on me donne, à mon corps défendant . Lors du référendum, il n’était pas audible d’entendre le non avoir un sens propre. Beaucoup de discours ont réduit , ont plaqué à une place, des personnes qui si elles avaient eu la parole, auraient rendu compte d’une réalité plus complexe que les formules comme "nationalisme" "populisme" "xénophobe" et j’en passe
Je n’espère fonder des échanges qu’avec des personnes que je tiens pour sujets, non pour plaquer sur elle la place en laquelle je les tiens, mais celle qu’elles veulent prendre aussi . Penser autre chose , en dehors du système , de l’extérieur , est possible. Cela permet de créer d’autres liens, là où à l’intérieur il n’y en a plus .
1. Le "système" et l’enfermement des élus.
Le message de GéDé est aussi pertient qu’impertinent, on croirait un dessin de GéBé...
Il m’appelle cette réponse que pourrait signer le père Chouard... : Ce n’est pas aux hommes qui sont au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir . Un principe essentiel qui n’a rien à voir avec la mauvaise volonté, le "tous pourris" : il y a une forme de corruption bien plus essentielle qui vient d’un inévitable préjudice de place.
Je réponds en trois volets, car ça m’inspire (trois grandes catégories de réflexions)... Sans même sombrer dans la psychologie et les affaires d’ambition, bien qu’il y ait matière.
Voilà d’abord quelques exemples de ce que je considère être un "enfermement systémique des élus".
1) Un exemple terrible est le cas du statut du Président de la
République française, depuis 1958 :
c’est un vrai monarque : un type qui n’a pas de
compte à rendre, mais qui possède de très grands pouvoirs
il est élu au suffrage universel
direct. Un luxe soit disant cerise sur le gâteau démocratique.
il est en pratique le seul qui peut
déclencher un référendum ou l’empêcher. Et notamment (article 11 de la
constitution) pour modifier la constitution. Donc entre autres, le statut du
Président...
La combinaison de ces statuts est une catastrophe, qu’on ne
retrouve nulle par ailleurs, seulement mais un peu moins aux USA (régime
présidentiel) :
Montebourg (La machine à trahir) a bien montré qu’en
l’état, on se paye systématiquement un gars irresponsable, qui apprend vite
à agir ainsi, doublé d’un type qui, pour se hisser au poste, s’est à coup
sûr lié les mains (les notres) par des accords occultes et des retours
d’ascenseur à renvoyer ;
alors qu’il est légitimement rendu irresponsable, ce gars
nécessairement corrompu par les décennies de combinaisons pour monter et ces
accords conçus pour la dernière ligne droite, peut se prévaloir de son
rapport privilégié avec le peuple (qui l’a élu, parmi un panel où les
challengers sont du même profil)... alors qu’il ne rend pas le moindre
compte au Parlement (il est même interdit de présence à l’Assemblée
nationale) qui est supposé être le représentant du peuple.
il est (sauf révolution) le seul
qui peut décider de réduire ses pouvoirs et d’accroître sa responsabilité...
mais il faut justement qu’il passe cette sélection (des esprits) ignoble(s)
pour se hisser en position de le faire...
2) Les traités constitutionnels européens
Des exécutifs chargés de signer des traités européens (à caractère constitutionnel depuis le départ) pour des peuples effectivement européistes, liés par la règle de "l’annule et remplace ou reste à l’ancien" des traités, ne sont-ils pas enfermés dans la logique des traités constitutionnels,... un concept qui va directement à l’encontre du principe "d’Etienne Chouard" ou de la problématique "de GéDé" ?
Et avec l’autre règle des traités d’une "unanimité qui vaut veto" (dans un groupe prédéfini), à chercher à nier les refus... des peuples (puisqu’en l’occurence on parle de constitution) ?
Enfin, comme il s’agit de trouver toujours le compromis, entre gens que les règles des contrôles et de séparations des pouvoirs ennuient d’autant plus, en pratique, qu’ils en possèdent un grand eux-mêmes, n’ont-ils pas une tendance mécanique à harmoniser les standards démocratiques par le bas ?
3) Des politiques complètements impuissants face à un nouveau "mur de l’argent"
Malgré la révolte profonde que m’apporte la connaissance croissante des mécanismes économiques contemporains, je me dis que des élus censés défendre les intérêts de leur nation sont quasiment condamnés, sauf à réclamer (Fabius, Chevenement, gaullistes et autres) une révolution du système monétaire et financier, à nous servir la "raison" de la guerre économique. D’un autre côté, "il faut" se plier à un rêve d’économie sans fondement de souveraineté nationale... dans une UE qui n’a pas le pouvoir sur sa monnaie, aucun budget, pas d’harmonie fiscale, et où la concurrence libre et gningnignin prime sur toute règle... Bilan, aussi simple et grave que ça : tout ce qu’on transfère vers la belle Europe cache un transfert du politique (légitime) vers l’économie privée, du pouvoir souverain des nations vers la tyrannie d’un empire économique sans hommes. Exemple roi : quand on a créé l’euro, parallèlement on a surtout privé les Etats du droit de battre monnaie comme de fixer les taux d’intéret (et la BCE s’aligne... sur les "messages du marché"). Et ça, c’est passé inaperçu dans le "débat".
L’UE croule sous les pouvoirs illégitimes, et soit elle n’en a pas, de pouvoir, et joue la division des nations qui marche à tous les coups pour qui s’en sert (dans le contexte, la concurrence du plus féroce commerçant, et des nations qui ne sont pas en mesure de se parler, donc ne risquent pas de mettre en scène leurs intérêts communs et leurs désaccords réels), soit elle n’en a que pour le service de la haute finance (qui se parle beaucoup, par "messages de marchés" interposés, et parle beaucoup à la commission, à la BCE, à l’OMC, au PET, au FMI...)
Voilà, concernant le rôle d’élus chargés de défendre une nation (au surendettement programmé) et une UE sans nations et contre elles..., une situation, un "devoir", qui joue comme grand facteur de ce qui fait que cette idéologie du centre, ultralibérale, s’impose envers et contre tout. Jospin écrivit, dans son fâmeux chapitre ’De la nouvelle aristocratie’ : "mais la rationalité économique a réponse à tout..." Ce qui nous fait, rappelé ici en une ligne, un terrible et double constat (de l’intérieur) d’impuissance du politique dans ce qu’on ne peut plus décemment nommer une démocratie.
Deux "beaux" exemples structurels d’un enfermement des élus, qui ne se manifeste sans doute jamais de manière aussi crue que lorsqu’ils entreprennent d’écrire les règles des pouvoirs.
2. Le "système" et la gueule de "l’Etat fort"
Une conclusion sur le point 3) de mon message précédent : que le trop-plein de pouvoir de certains (qui ?) ne fasse pas oublier notre première réalité : le politique est devenu effroyablement impuissant face à la finance.
L’ "Etat fort" est une problématique vague, qu’il faut éviter de définir précipitament : ne pas confondre la simple tyrannie (absence de lois) et une "domination totale" dans laquelle l’appareil d’Etat n’est qu’une façade bien pratique pour des vrais pouvoirs qui se situent au delà, et qui se moquent des lois, car ils en ont une, qui gouverne tout... en devenant celle de tous,... alors qu’aucun homme ne saurait avoir de prise sur cette race de "Loi".
La "notre", prémisse idéologique, s’écrit en 4 mots "le marché régule tout" - ne surtout pas croire qu’il s’agit juste d’un argument (personne n’y croit, et c’est bien pour ça qu’on ne la prend pas au sérieux et qu’elle ne laisse pas de prise, tandis qu’elle s’installe implacablement) : c’est une sorte de "prophétie", un "ordre", qu’on n’apprend pas même par le lavage cerveau, seulement par la pratique, typiquement exercée dans la violence, et par la politique du fait accompli, manières qui se fichent bien des contradictions...
Voilà, arrêtons un instant le tableau : quand le totalitarisme règne, même la dictature est encore une belle illusion, et la méprise lui est très utile. L’arbre qui cache une forêt... d’accord, mais faut voir attentivemement la gueule de la forêt.
Tenez, prenez les médias de masse, qui sont un peu devenus à notre régime ce qu’une police politique était dans les "vieux" systèmes (totalitaires) du XXe siècle (qui n’avaient pas ce moyen fantastique, et qui étaient régis par une prémisse totalitaire où la "violence" - de sélection et de terreur - n’était pas économique, mais bien physique.)
Au delà de bien des analyses d’esprits brillants mais trop
utilitaristes pour prendre le fait totalitaire au sérieux, ou le voir quand
ils l’ont sous le nez, les lois de l’audimat, et plus
globalement, du marché, sont le fléau central des médias, un facteur
découlant directement de la prémisse néolibérale, qui apportent avec eux
tous les autres. En vrac :
sélection des cadres des médias parmi ceux qui "sentent
l’opinion" ; travail précaire des journalistes, pigisme, compression
des effectifs et suppressions des "doublons" (la diversité, c’est bien beau,
mais dans l’industrie, on standardise) ; traitement de l’info comme un
vulgaire produit dont il faut rentabiliser la production ; recherche de
rendement qui finit par l’actionnariat, la concentration ;
recherche de scoops qui entretient
paradoxalement l’habitude du plagiat et la réduction des enquêtes ("paradoxe
de Bourdieu") ; obsession des sondages par des équipes qui s’accaparent
le pouvoir de choisir les questions (les plus importantes n’ont pas
d’intérêt, elles ne vendent pas...)
flots de pubs (agressions commerciales représentant
invariablement les individus comme des égoistes je-m’en-foutistes aimant
leur désolation de consommateurs, ou bien instumentalisant tous les symboles
humains et citoyens), et programmes de masse (anesthésiants) pour les
écouler en masse ; violence et bouffonneries vendeuses, flattant la
bêtise, la peur, l’ignorance ;
"interrogatoires" d’élus mis en scène et traités... comme
des gestionnaires... qu’ils deviennent, condamnés au discrédit parce que ce
dévoiement de leur rôle comme leur impuissance, programmée par ailleurs mais
surtout jamais avouée ni par les interrogés ni par les meneurs
d’interrogatoires ou les faiseurs d’étitoriaux, sont jetés à la face des
gens au quotidien ; rabachage d’ "épouvantails de la terreur" (en
langage "MEDEF" (en novlangue néolibérale), la "crainte" est devenu "le
risque") programmés comme le chômage et la "Dette publique", menaces, poids
et culpabilité associées présentées comme inéluctables et sans âge (pour les
générations futures, et projetées comme des évidences au passé : la
sécurité sociale, comme les syndicats, "n’a jamais existé" aux
USA...) ;
esprit de
marchandisation (gestionnaire) insufflé partout, y compris dans tous les
symboles de la vie privée ; culte d’un individualisme sans personnalité
autre que commerciale... En écho à ces trois derniers points, j’ajoute que
ce que GéDé nous a dessiné, qui ressemble bien à la réalité présente, ça
s’appelle une "société de masses", terreau de la domination totalitaire. Or,
je viens justement d’en donner, sur le mode néolibéral, les principales
caractéristiques.
Des lois de l’audimat (du marché) qui, comble totalitaire, s’amalgament très habilement, pour un esprit dénué de notions citoyennes, car de manière totalement abusive, avec la "volonté du grand nombre" démocratique (voir mon message d’hier - "qui pose les questions" dans les sondages, les médias). Que signifiait, en Allemagne du début des années 1930, "donner à l’opinion ce qu’elle veut consommer" ?
Je finis en disant que pour le totalitarisme, la planète est toujours le terrain de chasse, pas moins, et la nation une chose à éradiquer...
Cette conclusion (et ses développements...) étant faite, je reviens pour finir sur les institutions (légitimes). Car s’il est essentiel de bien définir l’ "Etat fort" qui nous tyrannise, reste que ces tyrannies bien spécifiques qu’on nomme totalitarismes n’émergent pas dans une démocratie réelle, seulement dans une où le trompe l’oeil s’est installé (par définition, plus il avance, moins on sait à quel point il est établi).
Merci Sam : ce travail pour comprendre et expliquer ce qu’est un système totalitaire (dans lequel même les lois et les gouvernements ne comptent plus), et ce qui en relève dans notre propre situation, bien réelle, est très intéressant, une clef de lecture à approfondir, je trouve.
Merci aussi à Gédé, également très intéressant. Vous devriez venir nous aider ;o) à élaborer un « Plan C » : une Constitution Citoyenne, pour remettre tout à plat, en prenant bien garde, cette fois, de ne pas laisser les hommes au pouvoir écrire eux-mêmes les règles de leurs propres pouvoirs.
Est-il plausible, à votre avis, que cette possible dérive totalitaire vienne d’une erreur juridique qui aurait, au départ, mal conçu (mal limité) les personnes morales (les entreprises), - que nous laissons grandir sans limites au point qu’elles semblent nous échapper complètement, finalement -, les laissant aujourd’hui nous imposer un impolitique suicidaire (ce que Généreux appelle « la dissociété ») ? Et est-ce que cette erreur juridique originelle est rattrapable, maintenant que nos créatures sont devenues des monstres ?
Je relie vos réflexions au livre terrifiant de Joel Bakan, "Psychopathes & Cie" (Les éditions Transcontinental, 2004, voir lien ci-dessous) et les menaces directes que les nouveaux géants économiques portent contre toutes les formes de démocratie.
Je pense aussi à l’excellent livre de Vincent de Gaulejac, "La société malade de la gestion - idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social" (Seuil, coll. Économie humaine, 2005) qui dévoile une étonnante clef de lecture de nos dérives. Ce livre est bouleversant, important. Son analyse me semble tout à fait complémentaire de la vôtre : "sous une apparence pragmatique, la gestion constitue une idéologie qui légitime la guerre économique et l’obsession du rendement financier. (...) Or, pour mieux assurer son emprise, cette logique déborde hors du champ de l’entreprise et colonise toute la société." Chaque paragraphe de ce livre est passionnant. Un grand bouquin pour comprendre l’étau qui nous enserre. J’en parle un peu sur la partie blog de mon site, mais il faut le lire en entier, je crois.
Amicalement.
Étienne.
Bonjour Etienne,
Je vais essayer de répondre avec mes moyens à votre question, car elle m’intéresse, sur une éventuelle erreur juridique quant aux personnes morales . Déjà je m’explique la dérive totalitaire ainsi : selon moi elle s’explicite par la structuration des personnes et une société n’est composée que de personnes. La première cellule sociale est la cellule familliale. Cela peut avoir l’air idiot de revenir à une échelle moindre quand on parle d’un sujet aussi difficile qui touche une société et son penchant possible(car il s’est déjà réalisé ce penchant), mais cela me paraît essentiel de revenir aux sources de la personne et ce qui la construit. Une personne ne devient sujet que lorsqu’elle se construit en tant que tel dans son milieu d’origine. Dois je expliquer comment se structure une personne ? (Il faut un père symbolique et une mère symbolique, deux êtres pour choisir à l’issue des sentiments qui les unissent de donner vie à une nouvelle personne. Lacan explique à travers le concept de "triangulation familliale" les processus d’individuation : le père symbolique qui est l’Autre pour la femme vient s’interposer dans la relation fusionnelle entre l’enfant et sa mère , par sa parole et son statut d’Autre, montrant à l’enfant qu’il est lui aussi un Autre, désolidarisé de la mère et délié de la toute puissance que confère l’amour maternel. Cela implique qu’il doit vivre par lui même et être entendu pour lui même . Il construit ainsi sa parole de sujet . C’est donc grâce à ce fragile édifice que se structure le sujet, sa conscience d’être individué et non individualisé, et donc la conscience des autres.)
Etre sujet n’est pas secondaire selon moi, contrairement à ce que pense Sam pour dire " on ne renverse pas une idéologie avec des mots, on renverse les pouvoirs qui la portent." Etre sujet c’est au delà d’être dans les seuls mots auxquels il fait référence, comme si Sam leur prêtait le pouvoir d’être creux devant les structures auxquelles des personnes adhèrent finalement , mais qui paraissent symboliquement fermées aux autres. Un exemple simple : être capable de dire "non" à un ordre qui n’est pas conforme à une valeur qui est sienne, dans la conscience du respect de sa vie et de celle des autres. Pas besoin de beaucoup de mots pour ébranler un pouvoir ressentie arbitraire d’une personne sur nous . On se remet à son niveau d’égal humain qu’on lui prête . Il faut se penser sujet pour penser les autres comme nous et pas plus.
Un Kapo ou un fonctionnaire sous le régime nazi s’est il opposé en tant que sujet pour dire non à l’ordre qu’il reçoit de faire fonctionner le système auquel on lui demande de participer, qui consiste aussi symboliquement à dénier aux hommes d’être sujets humains et de droits (et pas seulement de participer à la boucherie) ? Il y a sans doute des cas de refus. Non le plus souvent, dans ces situations là , j’imagine trés bien que ces personnes n’aient pu qu’imaginer rester à la place qu’on leur a donné et qu’elles ont prise, sans avoir le pouvoir de penser par elles mêmes que les personnes qu’elles participaient à exterminer étaient des autres comme elles . Aidées en cela de la propagande adéquate de l’époque. De ne pas se penser sujet et donc de participer au fonctionnement d’un système sans lui opposer sa conscience critique, c’est une manière de faire fonctionner un système qui ne renvoie plus à la symbolique humaine, à la conscience d’être sujet et énonciateur de sa parole et donc la conscience des autres. Nous sommes tous les jours confrontés aux discours qui déshumanisent, souvent dans les logiques qui prétendent rendre compte de l’intérêt du fonctionnement de l’économie des nations. Il est sidérant de lire si souvent les termes utilisés pour éviter de parler de personnes, dans des textes trés officiels . (dépersonnalisation du discours, disparition des énonciateurs au profit des énoncés , on revient à ce que dit Lebrun dans "un monde sans limite ") et il faut évidement y résister.
C’est donc bien de se penser sujet et avoir des moyens personnels de réfléchir qui permettent de ne pas donner prise à un système ou à un discours, au plus petit niveau qui est le sien . C’est aussi en n’enfermant pas les autres dans des représentations qui ne laissent pas la place à l’autre de se déterminer lui même. Je peux citer un passage d’un texte d’Alexandre Costanzo pour étayer ma conviction :
"Si, par exemple, on a pu traiter les populations des colonies comme on l’a fait dans les siècles passés, si on a pu regarder et traiter ces gens comme s’ils étaient des sous-hommes, c’est qu’il a fallu qu’un discours se mette en place, une certaine manière de voir, une logique dans laquelle on a enfermé ces corps, ces vies, et dans laquelle nos représentations sont elles-mêmes figées. Il y a certains discours qui nous collent à la peau et on voit la vie dans leur surcharge : et il ne reste alors plus qu’à jouir de la circulation de ces images, de ces imaginaires, au lieu de saisir la réalité des discours qui nous déterminent et dans lesquels on habite. On jouit dans notre rapport fantasmé à l’autre, on jouit d’y voir ce qu’on nous a appris à y voir, on jouit d’y voir des corps auxquels on a trouvé une « place » et qu’il faut remettre à cette « place »."
Donc s’agit t’il d’une erreur juridique qui mène "les personnes morales (les entreprises), - que nous laissons grandir sans limites au point qu’elles semblent nous échapper complètement, finalement -, les laissant aujourd’hui nous imposer un impolitique suicidaire (ce que Généreux appelle « la dissociété ») ? A vrai dire je n’ai pas une idée trés précise , car je m’interesse au droit depuis trés peu . Mais ce que je peux lier à cette question c’est la symbolique de l’utilité du droit et des lois. Pierre Legendre, docteur en droit et psychanalyste pense que la loi est à l’homme ce qu’est la symbolique du père à l’enfant qui empêche la toute puissance de celui ci et permet la vie sociale . (le crime du caporal Lortie ed fayard) Legendre pose en préambule la question de la compréhension du programme scientifique d’extermination nazi sous l’angle de" la déroute du système référentiel européen" de la filiation et à "l’enchainement du juridisme occidental", évenement qui "touche aux montages de la représentation"
Il faudrait donc questionner ce qu’est la représentation des personnes morales dans nos consciences, si nous ne pouvons construire ces termes juridique de la représentation humaine. S’agit il d’une erreur ou d’une représentation qui nous délie d’une structure parce que rendue trop abstraite et sur laquelle personne n’arrive à penser un lien ou un contrôle ? Un peu comme le dogme de l’équilibre "naturel" des marchés ou de la "main invisible" . Il faut donc remettre de l’homme dans notre manière de penser les entreprises là où nous n’en avons plus dans nos représentations et nos discours , à mon avis, en point de départ. Cela veut il dire une nouvelle définition juridique ? peut être ? Mais cela me dépasse un peu s’agissant de fonder des règles pour organiser les moyens de vivre sous forme de groupement de personnes. Groupement de personne me paraît déjà un terme plus accessible, et personne morale contient "morale" , ce qui a une valeur en soi aussi , et qu’on oublit parfois d’interroger.
Voilà ce que j’avais envie de vous dire à ce sujet.
GéDé je réponds juste à une partie de votre message, mais je reviendrai sur la question soulevée par Etienne.
"contrairement à ce que pense Sam pour dire " on ne renverse pas une idéologie avec des mots, on renverse les pouvoirs qui la portent."
Ce n’est pas moi qui ai dit ça, c’est Marx. D’une part, c’est vrai, en tous cas ça n’a jamais été démenti par les faits et ça fait partie des nombreuses choses que beaucoup lui reconnaissent ; d’autre part, cela ne contredit absolument pas votre propos. (Et bien sûr, je n’ai pas écrit "Etre sujet est un aspect secondaire", ni même "secondaire dans notre sujet, abordé ici".)
D’ailleurs, bien que je n’emploie pas les mêmes termes et approches que vous, j’ai accordé une place pas "secondaire", dans mes messages, à l’aspect dont vous parlez. Bien que je sois passé très vite sur ce sujet du "sujet", comme je l’ai fait sur beaucoup d’autres, justement pour aborder des aspects moins pratiqués (encore). Et je n’ai pas vraiment de contradiction à vous apporter, donc autant profiter ainsi de la collaboration.
J’ai écrit que la désolation des individus est un facteur essentiel et déterminant de la société de masses, laquelle est à son tour un facteur essentiel et déterminant de l’émergence et du développement du totalitarisme. Désolation qui implique la perte du moi.
Vous voyez qu’il n’y a pas du tout de contradictions, mais que j’insiste pour ne pas réduire le sujet que j’ai posé à celui que vous traitez, et je tiens à ce qu’on essaye d’organiser un peu le champ de la réflexion.
Et d’ailleurs, pas besoin de moi et de mes grilles de lectures (que je tiens à présenter) pour comprendre que le sujet dont vous parlez est essentiel, et l’est pour comprendre le système présent, mais que tout à la fois nous avons d’autres soucis de taille aussi grande.
Par ailleurs, je ne réduis pas la perte du moi que peut apporter une situation totalitaire chez un adulte déjà construit à une carrence ou absence de développement du moi au stade infantile. Autre manière de le dire : la "dépersonnalisation", notamment dans les discours, qu’on subit au présent n’émane pas pour l’essentiel des seuls problèmes liés au cadre familial et à "l’éducation" (avez vous lu La crise de l’éducation, de Arendt - dans La crise de la culture ?).
Autre manière encore, qui resitue mieux le sujet dans celui du totalitarisme : si la désolation des individus (et une société de masses) est un terrain indispensable pour l’émergence d’un totalitarisme, ce type de régime a également pour mode de domination (il n’a pas de "but", si on raisonne en termes d’idéal ou même simplement utilitaires) l’organisation de masses. Bref, la "dépersonnalisation" et son discours sont organisés par la machine, qui elle est organisée (par sa logique idéologique et une structure en mouvement permanent, j’y viens).
L’organisation de masses, non pas la seule exploitation d’une situation (d’une société d’individus dépersonnalisés) acquise et figée, mais en mettant et en maintenant en mouvement incessant les masses, suivant... les lois de son idéologie.
Ce qui implique un autre facteur, l’idéologie, qui nous ramène à la phrase (paraphrase) de Marx. L’idéologie est le deuxième grand facteur totalitaire. Et si toute idéologie est potentiellement totalitaire, ce qui la rend totalitaire est sa mise en application. Ce qui entend un mode d’organisation, fondé, lui, sur le mouvement permanent. Troisième facteur essentiel.
Le mouvement permanent distingue complètement ce type de régime des notions de "hiérarchie" des autres formes de tyrannies. Et c’est ce qui fait que la force de ce système vaut aussi bien en phase de conquète du pouvoir qu’au stade de régime établi. Ceux qui l’organisent délibérément ont une peur bleue de cette immobilité qui tuerait ce système - Hitler a toujours soigneusement évité que le nazisme deviennent une simple dictature, et prenne la responsabilité de l’Etat, au contraire, c’est justement dans un constant échafaudage de pouvoirs semi occultes et une sélection permanente que le pouvoir réel se porte, et les types qui étaient promus dans l’appareil d’Etat étaient comme la loi : rendus superflus, des façades bien pratiques par ailleurs pour tromper les Etats étrangers, et donner l’illusion de respectabilité et de responsabilité au régime (lequel se fichait d’engendrer des situations antiéconomiques).
Et si notre régime ne tue pas directement les gens, sur ce plan, l’organisation du pouvoir et la sélection régies par le mouvement permanent, je dois le dire, j’ai peur qu’il coiffe encore ceux du siècle dernier. Je n’ai même pas abordé de front ce troisième facteur, à peine esquissé, sans doute parce que ça risque d’être long et que ça mérite de longues réflexions. Mais j’y viendrai, ici ou ailleurs...
Voilà, GéDé, je ne nie pas que le cadre familial et "l’éducation", passive notamment, est un sujet essentiel (je ne connais pas Lacan, je n’ai lu qu’un bon millier de pages de Freud...), même pour ce qui nous concerne ici, mais je voulais recarder cet aspect essentiel... dans ce sujet... essentiel.
Je vous lis avec attention et beaucoup d’intérêt.
Hors de moi la possibilité de rebondir, du moins en ces espaces, sur le fond de vos propos -face auquel, de la même façon que vous l’exprimiez vis-à-vis des propos de GéDé, je n’ai nulle contradiction (au moins fondamentale) à opposer-.
Mais cet échange en cours, qui est un des plus intéressants et des plus nourrissants qui m’ait été donné de lire ici, pose une question qui se rapporte à la croyance, en marge de toute position de réflexion, d’analyse et de perspective d’appropriation verbale du réel en s’appuyant sur des travaux à valeur scientifique (vos références à Harendt, De Gauléjac, Lacan pour Gédé...).
C’est ce qui fonde à mon sens "l’esprit du grimpeur" dans la pratique scientifique telle qu’en parle Jacques Bouveresse en écho au Robert musil de "l’homme sans qualité" : pratiquer la science dans l’esprit du grimpeur, qui sait que le pied le plus sûr est toujours celui qui est le plus bas placé.
Placé dans la réalité sociale, "la réalité tout court" dit Bouveresse.
Vos échanges, que j’aime lire, me font penser à cela car ils sont sous-tendus par cet "esprit" qui renvoie lui-même à une croyance fondamentale en ce qui concerne la connaissance (à laquelle vos propos rendent hommage) et qui est une condition à mon avis sine qua non d’une réception de vos échanges (et donc de tout échange tourné vers un progrès de la connaissance) dégagés de l’illusion scolastique : croire que tout progrès vers la connaissance -Bourdieu parle de "nécessités"- est un progrès vers la liberté possible.
Rien de plus dans mon intervention que de désirer rappeller ceci, ce en quoi je suis moi-même pronfondément attaché et qui fait sans nul doute aussi l’intérêt de toute autre personne qui se retrouve dans ce qui est partagé dans cette discussion.
Amicalement.
Sam,
J’espère que vous pourrez me faire profiter de ces réflexions que vous n’avez pas pris le temps de développer autour de l’idéologie et du mouvement permanent . Avec des exemples liés ce qui se passe , si cela se peut. Cela m’interesse beaucoup. Oui j’ai lu "La crise de la culture" et je cherche beaucoup à m’instruire de ce qui se passe au niveau de l’école , de l’institution scolaire et de la transmission des savoirs depuis 5 années déjà. D’avoir pressenti que la source du malaise politique actuel prend son origine aussi dans cette institution par l’idéologie qui y est véhiculé . Arendt décrit dans son livre ce qui se jouait il y a 50 ans aux Etats Unis, dont nous héritons en France ,ce jour.
"Il est clair que en essayant d’instaurer un monde propre aux enfants, l’éducation moderne détruit les conditions necessaires de leur developpement et de leur croissance" "Normalement c’est à l’école que l’enfant fait sa première entrée dans le monde. Or, l’école n’est en aucune façon le monde et ne doit pas se donner pour tel"
Ce en quoi Arendt nous dit de dissocier clairement l’espace privé et protégé de l’éducation afin de préparer l’entrée dans l’espace public d’une "personne en devenir" qui ne fait pas monde à elle seule . Car pour elle, les enfants naissent dans un monde constitué avant eux , qui le sera après eux . Ils ne font qu’y passer. Il s’agit, pour leur permettre de devenir ces personnes capables d’agir dans l’espace public , que les adultes gardent les ressorts de l’autorité symbolique à transmettre ces connaissances du monde qui est avant eux pour les préparer à leur entrée dans celui qui est.
Etrangement contraire au discours actuel qui nous renvoie à l’idée que c’est en l’école que doit se trouver le monde , celui que nous connaissons avec sa "désolation" des personnes devant le système idéologique économique , tout comme l’enfant est considéré "au centre du système" , le rendant permeable à ce monde . L’école est devenue un lieu pour construire l"’employabilité" dont à besoin la logique économique , non plus le lieu pour s’approprier des savoirs qui permettent de penser le monde, donc de rester extérieur à tout système qui tenterait d’asservir les conduites ,démobiliser ou briser les pensées.
Merci pour ces longues et intéressantes contributions.
Juste un mot, cette fois, pour relier, toujours relier,
cette idée que les régimes totalitaires déshumanisent leurs les
victimes pour permettre de les maltraiter ou les exterminer sans le
moindre remord, puisque ce ne sont plus des humains : j’ai
ressenti puissamment ce processus intellectuel redoutable, qui est en
fait une stratégie délibérée des cadres, si j’ai bien compris, en
regardant un film poignant, "S
21, La machine de mort Khmère Rouge", de Rithy PANH : les
bourreaux y expliquent tranquillement, trente ans plus tard, comment,
extrêmement jeunes, donc particulièrement malléables et manipulables,
on les formait pour considérer les grappes d’hommes qu’on leur livrait
quotidiennement, promis à la torture et à la mort absolument sans
merci, comme moins que des bêtes.
Et c’est manifestement cette acceptation de rabaisser ses futures victimes à moins que des humains qui rend possible l’inacceptable.
Alors quel rapport avec notre situation à nous ? Moi, j’en vois partout, des rapports, de plus en plus, à des degrés évidemment inférieurs de barbarie, mais avec des processus comparables entre bourreaux et victimes : quand les très jeunes cadres sont invités à préparer les plans sociaux en ne comptant les salariés que comme du "capital humain", des "ressources humaines" mais le plus souvent comme "une charge" de gestion, dans l’intérêt absolument prioritaire de l’entreprise, -(entreprise qui serait une personne soi-disant "morale", triste jeu de mots, alors que cette fiction juridique aux pouvoirs bien réels est peut-être, en fait, de la façon dont on l’a libérée de toute contrainte morale, précisément, peut-être le pire ennemi de l’humanité, à terme, malgré nos illusions consuméristes)-, quand la valeur monétaire des salariés n’apparaît nullement dans les bilans où toutes les décisions sont justement prises en fonction des valeurs monétaires en présence, quand les décideurs sont de plus en plus loin, physiquement et intellectuellement, de leurs victimes... Je comprends mieux que les humains soient de plus en plus souvent maltraités comme si personne chez les décideurs, absolument personne, ne prenait en compte leur douleur.
Je pense aussi à cet autre film exceptionnel "Violence des échanges en milieu tempéré", de Jean-Marc Moutout. Il faut voir ce film excellemment joué où les protagonistes des souffrances sociales devenues banales sont décrits avec mille nuances passionnantes. Un superbe outil pour comprendre notre propre rôle dans ce qui est, encore et toujours, depuis le génial Étienne de La Boétie, une servitude volontaire.
Je pense encore à ce que Michel Onfray, dans son passionnant « Politique du rebelle - Traité de résistance et d’insoumission » (Figures, Grasset, 2003), souligne (pages 29 et suiv.) la même déshumanisation extrême dans les camps de la mort nazis comme un rouage libérateur pour le bourreau qui sommeille en nous.
Seul un rescapé de ces camps pouvait, sans indécence, faire lui-même le parallèle troublant entre le totalitarisme nazi et notre monde moderne : je cite Onfray qui signale Antelme (p 43, c’est moi qui souligne) :
« L’intérêt
que présente Robert Antelme par rapport à ses semblables qui ont
laissé un nom dans la littérature concentrationnaire purement
descriptive, c’est de proposer, çà et là, dans le cours de
« L’espèce humaine », des phrases ou des pages mettant en
perspective ce qui est vécu dans un camp nazi et ce qui se vit
ensuite, et depuis, dans le monde qu’on dit libre.
Constatant
l’unité et l’unicité d’une essence humaine, au-delà de tout ce qui
fait différence et divergence, Antelme conclut à la nécessité de
lutter contre tout ce qui masque cette unité [ôter ce qu’Onfray
appelle ailleurs nos oripeaux sociaux]. Faux et fou, dit-il,
tout ce qui contribue à creuser les différences entre les
individus, à vouloir transformer de légères fissures en abîmes
impossibles à combler parce que l’âge, le sexe, la couleur, la
fonction sociale et tout ce qui caractérise une personne parmi
d’autres, montrent, au premier abord, de quoi lire une
dissemblance. C’est sur elle que se construit le régime d’exploitation
et d’asservissement. (...)
Une phénoménologie des
comportements nazis dans le camp a permis à Robert Antelme de conclure
qu’il n’y avait pas de différence de nature essentielle entre ce
qui se passait dans l’enceinte de Buchenwald et ce qui est visible
dans le monde du travail habituel.
D’une certaine manière,
Jean Amery illustre ce thème en montrant combien l’intellectuel était
plus démuni devant le camp que le travailleur manuel, déjà habitué,
dans son existence quotidienne, à ces régimes de soumission et
d’exploitation, à cette servilité qui transforme les hommes en bêtes
de somme, les utilise comme du bétail, de la marchandise, des
machines. »
J’arrête la citation pour ne pas être trop long, mais la suite est tout aussi passionnante. La contre-philosophie, philosophie non officielle, non complaisante avec les pouvoirs, enseignée par Michel est, pour moi, un extraordinaire outil intellectuel de résistance et d’émancipation que nous devrions généraliser à l’école, il me semble.
Sur l’immoralité terrifiante des entreprises et leur pouvoir en expansion exponentielle, je pense enfin au projet passionnant d’André-Jacques Holbecq qui, avec Philippe Derudder, essaie d’imaginer un système qui incite enfin les entreprises à devenir précisément morales : l’Entreprise à Mandat Sociétal (EMS) est une idée très séduisante.
Comme d’habitude, j’ai été plus long que prévu, pardon. Décidément, ce Big Bang Blog est une drogue dure : voilà quatre jours que je réfléchis avec vous beaucoup plus que prévu, au lieu de poursuivre l’écriture de mon exemple de Constitution Citoyenne... Le plan C reste en suspens... :o)
Amicalement.
Étienne.
"pas de différence essentielle entre ce qui se passait dans l’enceinte de Buchenwald et ce qui est visible dans le monde du travail habituel".
Tout à fait. D’ailleurs, c’est vrai, par exemple, quand l’inspection du travail visitait le camp et voulait exprimer des doléances, les nazis n’arrêtaient pas de pinailler ou de faire des incidents de procédure.
Bon, je sais, je ne devrais pas plaisanter avec des choses aussi sérieuses.
Mais vraiment, là, désolé, mais ça ne passe pas du tout, cette comparaison. Même si elle est présumée tirer sa source d’une personne qui a (sur)vécu les camps (enfin, il s’agit ici d’un post citant une personne qui cite une personne qui a vu les camps).
Vous pourrez me trouver toutes les citations du monde, tous les livres des plus grands intellectuels, les surligner en jaune, en bleu ou en rouge, vous ne pourrez pas m’enlever de la tête l’idée que les 6 millions de morts déportés, eux, verraient certainement une différence essentielle entre les camps et le marché du travail habituel.
M Allibert.
Pourtant, c’est tout à fait plausible, je trouve : pourquoi les ressorts humains qui ont permis les camps de la mort, -nazis et autres-, seraient-ils circonscrits à une période et à des lieux maudits ? Par quelle mystérieuse règle protectrice ?
Est-ce qu’on ne s’interdit pas, précisément, de résister aux prochaines horreurs, en refusant de voir en nous-mêmes, ici et maintenant, les mécanismes intellectuels dangereux qui peuvent conduire à l’horreur absolue ?
Le fait que la comparaison vienne d’un rescapé de l’indicible qui a passé ensuite sa vie à y réfléchir, ne peut pas être repoussé du revers de la main : ce FAIT donne une force considérable, je trouve, une légitimité irremplaçable, une crédibilité passionnante, à une réflexion qui me semble mériter mieux qu’une rapide caricature, surtout de la part d’un esprit aussi subtil que le vôtre, -je me faisais justement la remarque de la précision de votre pensée et de la douceur de vos propos, il y a un instant, en lisant votre dernier commentaire.
J’imagine sans peine (mais c’est peut-être une dérive parano liée à tout ce que lis quotidiennement) les entreprises géantes, dont Wal-Mart peut servir d’emblème pour l’asservissement de ses troupes, finir par nous maintenir tous en camp de travail pour préserver et augmenter son profit.
Je sais bien qu’on n’y est pas encore, Burt, -ne me faites pas dire plus que ce que j’ai dit-, mais je n’ai pas envie d’attendre que la situation soit irrémédiable pour m’apercevoir, trop tard, que les mécanismes qui conduisaient à l’horreur étaient à la fois bien visibles et bien connus. Ceux qui voyaient venir la guerre un peu avant 1939 étaient cruellement moqués par leurs contemporains, on devrait s’en souvenir avant de railler les donneurs d’alerte modernes.
J’aimerais arriver à associer nos vigilances :o)
Et si, finalement, on s’aperçoit qu’on s’est inquiétés pour rien, on pourra se dire qu’il valait mieux se tromper dans ce sens là, non ?
Amicalement.
Étienne.
PS : je sentais bien, l’an passé, que je ratais quelque chose à n’avoir pas le temps matériel d’échanger longuement avec vous, ici, ça se confirme.
Je suis bien d’accord sur le fait qu’il faut comparer pour comprendre.
Mais la comparaison doit s’accompagner d’une honnêteté qui soit à la mesure de la situation à laquelle on se compare. Lorsque l’on s’attaque à la barbarie nazie, la barre doit être placée très, très haut.
J’attache de l’importance au fait que votre témoignage provienne, au départ, des dires d’un rescapé. C’est très louable et cela vous honore. Mais je note également qu’il semble s’agir de dires tels qu’indirectement rapportés par M. Onfray, dans le cadre d’un livre non neutre. Cela me semble suffisant pour que la citation, telle que rapportée, n’ait plus le très haut niveau d’exigence d’honnêteté que je souhaiterais dans de telles circonstances.
Cela dit, bien sûr qu’il faut être vigilant, que les ressorts humains qui ont déclenché la barbarie nazie peuvent ressurgir. C’est bien que vous y soyiez sensible et que vous y consacriez une part de votre influence.
Mais il faut aussi faire attention à ne pas banaliser cette barbarie. Vos appels à la vigilance contre la barbarie ou le totalitarisme n’auront plus aucune portée si vous ne cessez de dénoncer comme barbare ou totalitaire notre société, qui, malgré ses défauts, n’est pas une société totalitaire.
Si les gens commencent à penser, par un racourci rapide mais tentant de vos pensées, que Wal-Mart c’est presque comme Buchenwald, alors j’ai peur qu’il finissent par ne plus craindre suffisamment le retour de Buchenwald.
Voilà. Alors d’accord pour faire vigilance commune. Si vous voulez bien, je vous laisse Wal-Mart, et je concentre ma propre vigilance sur d’autres aspects qui me font bien plus penser aux camps, comme par exemple la façon dont nous traitons les personnes en voie d’expulsion du territoire...
Merci Etienne de ces références .
Merci à Sam aussi pour ces échanges et à Daniel de les permettre.
Un ami me disait dernièrement qu’il fallait s’intéresser à l’histoire des personnes. Il n’est pas philosophe , simplement soignant , une personne comme vous et moi. Et je pense qu’il n’a pas tort pour ce qui concerne nos relations aux autres de tous les jours.
Voici donc ce que m’explique une personne quant à ses raisons de construire un espace de parole alternatif vital pour elle avec les autres. Ce qu’elle me rapporte s’entend trés fréquement :
"A la fin des années 90, l’emploi et les conditions de travail, un discours ambiant dans lequel je ne me reconnaissais pas, et aussi les émissions de D. Mermet ont fait que je me suis abonnée au « Monde Diplo » que je dévorais à l’époque quasiment en entier. J’y recherchais un autre discours, qui ne glorifie pas constamment le capital, la réussite, et qui ne stigmatise pas ceux qui ne veulent pas monter leur boite. Je tâchais de trouver des lieux où je pourrais rencontrer des gens « victimes » du même malaise. L’appel de Ramonet en 98 dans le Diplo est arrivé à point. A la création d’Attac, j’ai envoyé un message sur le site un peu au hasard. C’est le comité de Paris XX qui m’a proposé de venir les rejoindre. Une des premières raisons de cet étouffement moral que j’avais identifié à l’époque était le discours véhiculé dans les médias. Chaque évènement était apprécié suivant une grille que je trouvais réductrice. Très clairement, j’ai ressenti une sorte de dégradation dans la société. Des gens entre eux, on était plus dans le « struggle for life » que dans l’entraide. Plus de vraies valeurs, mais des slogans : il n’est question que de gagnant-gagnant, de battant, d’individualisme. Les mots changent de sens l’air de rien. Si on veut manifester sa solidarité, on se fait taxer de corporatiste. Les employeurs ne cotisent plus pour leurs salariés, mais payent des charges. Les salariés sont au mieux des ressources humaines. L’évidence des valeurs de solidarité, respect, citoyenneté, morale est du passé. On y revient à grand renfort de média et d’émotion. Émotion mot de passe pour tout nous faire avaler, sans réfléchir."
Entièrement en accord avec ce que dit Antelme s’agissant de marquer davantage ce qui est la "dissemblance" dans les relations aux autres. Pour moi, la recherche de cette différence me semble à la source de la mort lente de l’espace commun et public symbolique , de ce qui fait lien pour unir les hommes dans des perspectives politiques . J’ajoute que si notre société renonce aussi à instruire les personnes, elle ne donne plus les moyens de peser par la pensée sur les formes diverses de totalitarismes, ni créer du lien social . L’ignorance isole. C’est ce que dit Arendt dans la crise de la culture avec 50 ans d’avance . D’où l’intérêt de savoir aussi ce qui se joue de nos jours depuis plus de 20 ans dans l’éducation nationale et la valeur moindre accordée à la transmission des savoirs.
Merci beaucoup .
Salut Etienne,
D’un côté je ne suis pas sûr que le sujet que j’ai lancé comme un pavé dans la mare (...) amusera (fera participer) beaucoup de monde, même si je me sentais un peu le devoir de rappeler ici ce qu’une très grande majorité des gens me semble se dire :
Si quelqu’un gouverne encore, qui gouverne ? Des agents économiques, certainement pas des politiques.
J’y ajoute quelque chose qui relativise nettement la
responsabilité des individus, non seulement les politiques, mais même
l’immense majorité voire tous les agents économiques... Donc :
d’une, je plaide pour
qu’on ne mène pas des débats sévères où on reporte tout soit sur des
politiques impuissants soit sur les citoyens... - dans lesquels les
questions des grandes instances et mécanismes économiques n’ont pas de
place, ou sont traités comme accessoires... car supposées passer sous
les pouvoirs publics alors que dans les faits c’est devenu
essentiellement l’inverse.
de deux, je laisse entrendre que la recherche de
responsabilités individuelles, même au plan économique, me semble être
devenue largement futile dans le contexte. Parce que cela suppose une
lecture utilitariste des volontés de pouvoir.
Et donc ta question est capitale, et bien choisie, je pense.
Mais je ne vais pas y entrer ici. Accessoirement, parce
que mes 5 longs envois sur le sujet du totalitarisme de
marché, que je pourrais et voudrais encore largement compléter, ça
fait déjà beaucoup à digérer. Et merci Daniel pour cet espace
d’expression.
Plus
encore, parce que la réflexion sur les systèmes totalitaires doit
absolument s’approprier, même si elle requiert des codes qui ne
s’intuitent pas. La teneur de mon volet 4) de TOTAL MARKET laisse assez
entendre qu’il faut s’extirper d’une habitude normale de réflexion, et
qu’il faut se donner des grilles de lecture nouvelles. Mais une fois
qu’on a compris ça, et les 5-10-20 grands traits totalitaires, le mieux
est vraiment de réfléchir par soi-même, pour avancer. Et d’abord pour se
faire une opinion sur la thèse que je lance. Je ne saurais le dire
mieux : ce sujet est original dans le fond comme dans la
forme...
Merci pour le lien, ça a l’air passionant.
Sur le bouquin de V. de Gaullejac, une remarque : ce
tableau se focalise sur et couvre bien tout la partie "société de
masses" d’un fléau (économique) dont je pose que c’est un des quelques
grands aspects. Outre tout ce qui touche à l’individu dans le travail,
son isolement, sa mise en concurrence et face à une rationalité absurde,
... dans ce volet "société de masses" on a bien :
le rapport au politique, avec
des politiques "corrompus" par l’idéologie, rendus impuissants dans leur
rôle, discrédités dans leur action, et voués à être implacablement pris
dans la logique d’une idéologie dominante (contamination gestionariale
des politiques - par médias interposés -, sur ce point, il est
assez court, mais très efficace)
l’envahissement de la sphère privée.
- 3. Profiter de la critique intérieure pour réformer le système... de l’extérieur
Pour reprendre par un autre bout la problématique initiale (Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir), un dilemme est que plus on avance dans le système (l’exercice d’un pouvoir), plus on en connaît les perversions, les défauts, d’un côté, mais, de l’autre, plus on est amené sinon à les considérer comme une fatalité, du moins à relativiser ses critiques, non seulement à se résigner, mais plus encore, à devoir assumer un pouvoir dont on définit pas les règles soi-même.
Passons sur la capacité des hommes au pouvoir à réformer eux-mêmes leurs statuts. Qui critique le sens de son boulot, sinon pour déplorer qu’on ne lui laisse pas assez de responsabilité (au sens du pouvoir d’agir) ?
Le dilemme n’est intordable que si on s’en tient au seul
apprentissage par l’expérience. Mais une démarche critique de citoyen "de
l’extérieur", qui songe à réformer les institutions, devrait consister à la
fois :
à profiter en
bonne part des mille et un constats qui sont faits par les gens "de
l’intérieur", du métier, constats sincères mais aussi aveux involontaires
à ne pas se laisser par
contre enfermer dans les directives que les gens en place émettent eux-mêmes
pour ce qui est des modifications à apporter.
Il est proprement hallucinant, si on fait ainsi la part des
choses, de voir la quantité d’informations que des gens en charge laissent
filtrer sur des aberrations du système, souvent parce que, intègres, ils
veulent en rendre compte, sans peur qu’on les leur reproche à eux mêmes (au
contraire, ils s’en "déchargent" ainsi), mais même, émettent souvent sans la
moindre gène et sans se rendre compte, car leur préjudice de place fait
qu’ils sont incapables de mesurer comme les procédés sont choquants.
Quelques exemples rudes, sur les socialistes (mon parti...) :
un "Hebdo du PS" du mois dernier,
consacré au bilan d’un quinquennat dans l’opposition, nous apprend que les
socialistes ont régulièrement mené une campagne de concert entre députés et
sénateurs. Ils s’en vantent ! (La division des deux chambres est
supposée permettre un équilibrage) ;
autre cas de solidarité de parti, qui là, va plus
clairement contre l’intérêt général (des Français du moins) : sur
"l’affaire du 14 juin 2006" au Parlement européen, en guise de "démenti",
les socialistes nous disent sans honte, que les deux fichus amendements, ils
les ont rejetés parce que même si les formules étaient bonnes (elles ne
faisaient que rappeler les règles que les ouistes s’apprêtaient à reformuler
habilement), elles émanaient de sales souverainistes marrons, bref par
"solidarité de partis démocratiques contre l’intérêt général" (vu le NON du
29 mai 2005 - les extrémistes souverainistes n’ont pas le droit de séjour au
parlement, quoi, on se demande pourquoi ils y sont élus et représentent eux
aussi la souveraineté des Français)... en prétendant que l’équivalent était
déjà proposé par ailleurs, et qu’il l’ont approuvé. Or, à bien y regarder,
la formule proposée par les ouistes de centre était bien plus "nuancée" (le
compromis à la mode européenne : contre l’avis des peuples)
F. Hollande, qui eut cette phrase
"sublime" en 2004 (de mémoire) : "si Chirac avait mis son mandat en jeu
à l’occasion du référendum sur le TCE, le PS aurait appelé à voter NON...
comme en 1969"... Quelle conviction, pour un parti qui à réclamé avec une
force inouïe l’unanimité sur une pareille question, qui pour masquer son
déni de démocratie depuis le 29 mai 2005, se moque de la "confusion des
citoyens avec les affaires françaises" (avec Chirac)..., au point que ce
parti, qui ne renie sa promesse électorale sur l’instauration du RIC "que"
depuis 25 ans (record français)... a désormais remplacé ça (pour 2007) par
le minable "droit de pétition qui n’engage à rien"... copié du TCE ("les
français ne savent pas employer le référendum, ils jugent non pas la
question, mais celui qui la pose" : pour cause, c’est un privilège
anticonstitutionnel du Président...) et ont encore le toupet de se vanter
d’une promesse de RIC comme s’il s’agissait d’une avancée moderne...
le PS (et F. Hollande) qui
a fait proposer d’en haut une modification en urgence des statuts (obtenue)
pour faire voter les militants sur le TCE... en urgence (et oui, le temps
joue pour la clarté, et le NON, et ceux qui ont renié le socialisme et
entendent parler au nom de la gauche se méfient de la lumière et de l’œuvre
de la critique...)
le PSE
à qui on doit (toujours un aveu fait sans scrupule, pour cause, il s’agit de
se réclamer de la démocratie)... d’avoir fait introduire les traités "partie
III" dans le TCE... il s’agissait que "tout soit mis sur la table" (de
Giscard - désigné par Jospin et Chirac, de concert)... donc tout
mélangé : surtout pas une constitution indépendante des (supérieure
aux) traités.
le
gouvernement PS à qui on doit (1983) le statut actuel de la BCE - l’une des
plus grandes causes de l’horreur économique actuelle. Un seul grand
opposant, Fabius, qui est soigneusement tenu à l’écart ensuite par ces gens
raisonnables. Au passage, un Fabius qui vota lui-même, sur l’affaire du sang
contaminé, sa mise en accusation devant la Haute cour, et appella à la
voter... résultat, un non-lieu (tant de gens ont la mémoire courte).
DSK est celui qui, en tant
que Ministre de l’économie et des finances, en 1999, a défini lui-même (pour
la France) le mandat (secret) du Commissaire européen au commerce... son
copain et notre camarade P. Lamy. On ne monte pas comme ça dans le sillage
d’un Delors. Et pour monter... il est aujourd’hui à la tête de l’OMC...
Ecoutez donc DSK jouer l’ardent défenseur du socialisme et opposant au
néolibéralisme...
Après le PS, les Verts (mais d’autres feraient l’affaire). Je ne peux pas oublier le "démenti" des Verts à la lettre de R.M. Jennar, sur l’affaire Bolkestein (n°1). C’est encore un cas ou le démenti, non seulement enfonce plus encore celui qui le défend qu’il ne le rattrape, mais surtout, est très éclairant (inquiétant) sur le fonctionnement réel des débats parlementaires. Et comme l’aveu (indirect) vient de gens "de l’intérieur", on ne peut pas dire qu’il s’agit de délires... En substance (ça doit encore se trouver en ligne), les députés Verts nous disent que les Parlementaires - qui ont très majoritairement signé toutes les étapes - se sont fait berner pendant des années, et qu’ "il aurait fallu une bonne boule de cristal" pour deviner la formulation finale... Soit c’est vrai, et l’affaire traduit une énorme supercherie institutionnelle ; soit c’est faux, et ou bien ces députés dormaient ou ils n’ont jamais sérieusement lu les textes intermédiaires ou ils sont des types gravement incompétents et hautains au point de ne pas écouter les experts dont ils disposent (quant à Jennar, il avait été auditionné à plusieurs reprises, comme expert, et on peut dire que ses critiques sont sans détour). En tout état de cause, comment se fait-il que durant des années, ces parlementaires ne se soient pas bougés pour informer les peuples, qu’ils représentent en principe, et aient joué le jeu du secret dont ils se plaignent eux-mêmes de la part de l’échelon supérieur ?
Une autre voie essentielle est d’écouter :
les consultants, ceux qui
fréquentent étroitement les gens en charge (Raoul Marc Jennar, par exemple,
a entre autres cette grande qualité)
ceux qui sont désormais libérés de leur charge
(Stieglitz ; François Morin :
http://www.radiofrance.fr/chaines/franc ... n_id=46040)
ceux qui son remplis
d’intelligence, voient loin et ont des réseaux, mais la grande chance de ne
pas encore être montés... Mitterrand (Le coup d’Etat permanent) a été
extrêmement critique sur ce régime, alors qu’il était jeune dans le
métier ; et quand il est parvenu en haut ? Même De Gaulle ne s’est
pas caché du fait qu’un type de ce rang n’a pas cessé de "combiner" pour y
parvenir, et doit même continuer ensuite, pour se maintenir.
A tous niveaux, on voit ces constats faits de
l’intérieur : sans parler de ma position (ingénieur dans l’industrie
automobile) ou de mon frangin, passionné d’éducation, vis-à-vis du "système"
Education nationale, des regards violemment critiques de gens qui aiment
leur métier :
chez
Daniel, avec les médias (de Presse) - je passe sur les flatteries et ASI,
pour dire que j’observe, quand le Bourdieu "de l’extérieur" s’y colle... une
apparente susceptibilité... alors que je trouve que Daniel a surtout donné
raison à Bourdieu, dans sa réponse (son "droit de réponse") au demeurant
contradictoire. Pardon, mais je n’ai encore pas réussi à trouver dans "Sur
la télévision" la moindre critique qui vise les personnes, pour ne pas dire
"qui ne victimise pas les journalistes" - je suis un farouche
anti-néolibéral, mais il est difficile de me faire comprendre quand je dis
que je ne blâme pas même mon patron, un gars qui fait bien tourner "le
système" et a fait construire au Vésinet).
par à coup, chez tous les politiques, que ce soit les
"aveux" de la grande majorité qui sont des esprits intègres et critiques (il
suffit d’écouter par exemple un Chevènement, un Généreux et d’autres de
droite sur l’UE, ...) ou bien les fuites incontrôlées, involontaires ou
inconscientes des autres, on a une mine d’informations de gens qui ne
peuvent pas ignorer les sujets sur lesquels ils parlent.
Mais, s’il faut absolument bénéficier de ce trésor d’informations averties, c’est ensuite aux gens sans pouvoir qu’il devrait appartenir de fixer ce qu’il est bon de définir comme règles aux pouvoirs qu’ils sont supposer ne faire que déléguer.
Pour finir, puisque j’ai évoqué les médias (de masse), sur le blog de Daniel - oui, je prends les médias professionnels de masse comme un très grand pouvoir - je me permets de dire que ma proposition "pour un service public de presse", postée ici même, hier, ne me semble pas du tout brider un journaliste dans sa liberté et sa capacité à faire son boulot, bien au contraire. Je suis convaincu que les bonnes règles n’ôtent rien à ceux qui sont aux "affaires" que de choses finalement désagréables. Je vois les managers qui dirigent ma boîte, ils font comme tout le monde, et disent que le système est absurde, ils subissent un stress énorme, sauf qu’ils sont payés pour assumer, par pour faire la révolution.
Relisez donc le "De la nouvelle aristocratie" de Jospin, par exemple, avec ça en tête, les messages essentiels sont frappants : un grand élu (ou tout comme, solidarité professionnelle oblige) vous dit lui-ême que la démocratie est devenue impossible, et les politiques impuissants... Et il ne conclut pas sur un appel à la révolution (démocratique)... est-ce bien logique ? Oui. Car la conclusion, bien que clairement amenée, il ne peut pas la faire lui-même, sans se discréditer lui-même (parce qu’il a un bilan à assumer, même s’il explique dans quel contexte il faut le lire) et tous ses collègues avec.
Face à cet exposé, la grande conclusion, c’est aux citoyens de la faire, et les pièces du dossier, ils les ont justement. Voilà le sens de la démarche d’un élu qui appelle au secours en gardant les formes. Mais seul le citoyen critique, résistant, qui n’oppose pas "révoltution" et "démocratie", comme on s’évertue à lui apprendre, peut écrire lui même la conclusion. Un type disposé à faire de la résistance démocratique peut-il passer à côté d’un message pareil ? Voilà pourquoi les piailleries qu’un Boucher ou de bien d’autres étaient risibles, cette grille de lecture ne les a pas même effleurés... Non, il a fallu qu’ils s’acharnent exclusivement à chercher entre les lignes une stratégie individualiste de Jospin pour reprendre le pouvoir...
Voilà, mille excuses pour la longeur, j’espère que le contenu vallait la peine.
je suis un farouche anti-néolibéral, mais il est difficile de me faire comprendre quand je dis que je ne blâme pas même mon patron, un gars qui fait bien tourner "le système" et a fait construire au Vésinet).
C’est en effet extrêmement important ce que vous dites là, et autour.
A titre d’illustration, je peux ajouter que dans la "misère du monde", Bourdieu aurait pu aussi bien -il l’a dit plus tard, et je m’interroge sur els raisons qui ont fait qu’il ne l’a pas fait- inclure dans les enquêtes un entretien -et son analyse- avec un grand patron ou un intellectuel médiatique en vogue.
Oui, encore un bouquin (pavé) qu’il faut que je lise dès que possible (je l’ai acheté voilà 6 mois, le temps passe...)
C’est le genre de considération qui me fait dire que mon travail dans l’industrie est au moins une grande chance... en matière d’éducation politique... Quant à Bourdieu, je retiens justement de lui avant tout son encouragement à l’esprit critique, et à parler, pour ce qui savent, de l’univers où ils évoluent, quand des "champs" de pouvoirs sont en jeux.
Ce qu’il y a de terrible avec l’univers du management industriel, c’est que ni politiques, ni journalistes, ni profs, ni grands lettrés (les normaliens scientifiques, par exemple, le sont souvent aussi, mais ils vont naturellement plutôt dans la recherche), ni même la plupart des chercheurs, bref, tous ces gens placés pour défendre la culture et l’intérêt général, sauf les syndicalistes (rendus structurellement impuissants donc décrédibilisés voire isolés) ne connaissent ce milieu, pourtant si important au présent dans la fabrique des pouvoirs réels et de l’idéologie (gestionnaire et commercialement agressive), et que ce qui le connaissent le plus sont souvent des gens peu disposés à le critiquer publiquement, soit parce qu’ils ne font pas de politique, soit parce qu’ils ne le considérent pas comme un fait politique (essentiel), bien que tout montre que le politique est débordé par les pouvoirs économiques.
Merci pour ces enregistrements pirates.
Même s’il en a totalement le droit, je n’ai pu m’empêcher de trouver révélateur que le PS procède à certains de ses débats à huis clos. Révélateur du fait que la transparence en politique ne va pas encore de soi. J’ajouterais que cette soirée au Zenith a été organisé en partie grâce à mes impôts, et que je suis en droit de savoir ce qu’on y a raconté.
Ou alors, tout cela procède d’une stratégie de communication dont le mécanisme m’échappe...
Par ailleurs entendre S. Royal invoquer F. Mitterrand, L. Fabius justifier sa prééminence par le fait qu’il est le seul à vraiment se référer au projet voté par son parti, en dit long sur le renouveau que l’on peut attendre de certaines nos élites politiques. Après ça, j’ai craqué et je n’ai pas eu le courage d’écouter DSK...
Vous pourriez me dire : la droite fait pas mieux.
Et
vous auriez raison. J’ajouterai même : elle fait pire.
Alors, on fait quoi maintenant ?
Patrice
Que son discours fut laborieux, démago aussi. Il semble que le public ne s’y soit pas laissé prendre.
Il y a donc encore un espoir....
Frères socialistes prions fort, pour que cette supercherie ne soit qu’un mirage.
Il serait dommage que des personnes comme Etienne Chouard qui semblent tant volontaires à changer en profondeur le fonctionnement des institutions soient dupées par Ségolène Royal et sa troupe d’opportunistes : croyez une vieille mamie qui en a vu, votez Ségolène Royal mais elle ne changera rien en profondeur, elle sort de l’ENA , elle est formatée pour distiller de beaux discours et prendre le pouvoir
elle ne présente pas du tout un caractère de nouveauté ou renouvellement comme on peut le lire partout : comment les journalistes peuvent ils vous faire croire cela( vérifiez depuis quand elle fait de la politique dans les traces de Mitterrand ) ?réagissez ni Nicolas Sarkosy , ni Ségolène Royal n’ont la capacité ou la volonté de donner le pouvoir au peuple.....leur point commun est de vous bluffer.....
Plus on est favorable à une consultation des citoyens dans l’immédiat, et plus on est favorable à une politique de l’immédiateté, donc de la courte vue. Cela semble une évidence, et pourtant, beaucoup semble l’avoir oublié. Si Mendès France avait eu un "jury populaire" lors de sa négociation lors de la crise d’Indochine, qu’aurait-il pu faire ? Si Simone Veil, Evin, avaient eu un jury populaire lors des premières lois anti-tabac, qu’auraient-ils pu faire ? Et ne parlons pas de l’abolition de la peine de mort...
En réalité, le temps est nécessaire à un pouvoir démocratique et républicain. Au lieu de vouloir instaurer une sorte de "censure politique" de tous les instants, il faudrait mettre en place des contre-pouvoirs plus efficaces, notamment pour le Parlement. Ségolène Royal en voulant faire de la démagogie se trompe aussi de débat et met à mal la République qui ne peut fonctionner qu’à la condition que les élus aient responsabilité, écoute et courage.
attention à "la suspiscion de tous contre tous", scande DSK.
c’est vrai qu’avec un voyou à la tête de l’état, deux mandats de suite, et le retour de son ancien premier ministre à la mairie de bordeaux après un an de suspension de ses droits civiques,
mieux vaut se méfier du citoyen, des fois qu’il serait suspicieux...
chez dsk, ce qui est vraiment cool, c’est que dans son concept phare de la sociale-démocratie, y’a pas de trop de social et pas trop de démocratie, ça c’est un bon VRP.
On pourra objecter que le jury n’a pas été spécialement tiré au hasard... mais bon...
http://fr.news.yahoo.com/27102006/290/les-militants-brisent-la-quietude-du-debat-socialiste.html
D’après mes sources (proches), les médias forcent le trait en disant que Ségolène n’a pas été applaudie, elle a été très encouragée et très sifflée, mais finalement à l’applaudimètre, il y avait équité entre les trois candidats.
Alors que la salle aurait dû être franchement pour DSK, majoritaire dans la région.
Inutile de faire chauffer la salle M.Combat des Lys vous participez au réchauffement du climat qui va détruire notre espèce !
Alors les discours de Conseil d’Administration des 2 anciens ministres des finances ...(ma mémoire me fait défaut pour savoir si leurs brillantes compétences à fait rugir de plaisir notre peuple sous leur ministère)
Quant a votre Candide candidate placez-la sous une BURQA .
Pratiquez une petite ouverture grillagée avec trappe à fermeture brevetée "Guantanamo" contrôlée à distance par des éléphanteaux aux longues défenses...
Dans votre témoignage, Nathalie, on devine pour qui vous balancez, mais il y a sans doute un point essentiel dans ce que vous dites sur la froideur a-rhétorique de SR. Pourtant tous vos arguments ne tiennent pas, à mon humble avis :
Les élites pour rester au pouvoir, cela concerne autant Fabius et DSK ; avec SR il y a un peu de sang neuf (Montebourg, des présidents de régions), autant qu’avec les autres.
Le résultat du référendum (de mai 2005 sur l’Europe) n’a pas été contraire aux sondages - pour ce qui concerne l’ensemble des Français en tout cas, on savait la veille qu’ils allaient voter "non". Ils ont voté "non" en sachant que le "non" allait l’emporter.
Il ne semble pas en revanche que la salle ait été aussi fabiusienne que vous le dites sur l’Europe... feu l’Europe devrait-on dire.
L’idée du jury citoyen tiré au sort ne peut que fortement déplaire à une population de militants. Ceux-ci ont fait le choix, à un moment de leur vie, de s’engager, de militer, de vouloir contrôler le cours de leur vie en société. Ces militants sont intimement persuadés qu’il ne faut pas laisser le destin d’une nation aux mains du hasard. Ils sont volontaires pour maîtriser le cours de la société. Ils sont donc vraisemblablement assez heurtés à l’idée de laisser le pilotage ou l’évaluation de la gouvernance de la société au « hasard » du tirage au sort. C’est pô juste, pensent-ils. Les militants se démènent pour convaincre, ne comptent pas leur temps pour se réunir et débattre et voilà qu’au moment de décider qui participe à la vie citoyenne, ils devraient rentrer dans le rang et regarder leur voisin qui n’a jamais rien fait de « collectif » être élevé au rang de citoyen actif. C’est assez frustrant et probablement pas acceptable.
Je félicite SR d’avoir exposer cette idée avant qu’elle ne soit désignée candidate. Pour autant, cette idée ne peut pas être validée par un corps électoral de militants (composés d’un grand nombre d’élus).
Il y a donc fort à parier que SR ne portera pas elle-même cette proposition pour l’élection présidentielle. Il est toutefois très intéressant d’en débattre sur le fond. Pour résumer, erreur stratégique liée à la croyance que les militants sont à l’image de la société. C’est en grande partie faux. Et dans un premier temps ce sont eux qui décident.
Je pense qu’il faudrait arreter de prendre Segolene Royale pour une naive. Elle fait de la politique au plus haut niveau depuis plus de 25 ans, elle est entre en 1981 au cabinet de F. Mitterrand, qui n’etait pas un grand naif.
L’episode autour des fameux "jurys citoyens" reproduit le meme schema que les episodes "encadrement militaire des jeunes deliquants", "suppression de la carte scolaire", etc. Comme certains sur le net, je pense qu’il ne s’agit pas de maladresses, mais d’une veritable strategie de communication : http://rebonds.blogs.liberation.fr/mon_oeil/2006/10/sgopolitique.html http://koztoujours.free.fr/index.php/2006/10/26/strategie-segozyste/
1. Lancer une idee en la presentant de maniere volontairement choquante, ce qui permet de toucher le plus large public et de faire passer un message.
2. Laisser ses opposants s’agiter et servir de repoussoir.
3. Reaffirmer dans tous les medias l’idee, une fois modifiee ("precisee") 4. Recolter les benefices dans les sondages
L’idee initiale permet de gagner sur la forme, l’idee finale permet de repondre aux arguments de fond.
Ainsi, sur la forme, l’idee "jurys citoyens" a permis a Segolene Royale de se positionner sur la question de la reforme des institution tout en jouant de maniere tout a fait populiste sur l’anti-parlementarisme et le rejet de la classe politique.
Apres reflection, l’idee precisee parait plutot interessante, je pense en effet que le tirage au sort permettrait de toucher un public tres large et donc d’amener a la politique des personnes actuellement marginalisee.
Cela dit, il me semble qu’il s’agit d’une proposition finalement assez marginale par rapport a la question de la reforme de notre democratie et qui n’apporte qu’une amelioration a une palette de dispositifs existants. J’aurais envie de dire : tout ca pour ca ?!
En tout cas, il faut vraiement le vouloir tres fort pour y voir le debut de la VIeme Republique.
Alors là, lbex vous me la coupez : Vous exprimez exactement ce que je pense ! Pas un mot à modifier.
Sur le point 1. ( "lancer une idée volontairement choquante" ), il me semble que le mot exact pour décrire cela est la transgression. Sur ce point précis, elle rejoint effectivement Nicolas Sarkozy et Jean-Marie LePen et leurs "effets d’éffroi".
Je me demande jusqu’à quel point ce mode de communication "transgressif" n’est pas un effet induit des Medias et de leur mode de diffusion ( gros titres, petite lucarne ). Il est particulièrement efficace pour transpercer l’epais rideau de langues de bois-pensée unique-petites phares-peoples entre deux pubs.
Je rajouterai que l’émission d’ASI où était présent M. Bayrou nous le présentait comme quelqu’un qui "faisait des coups", médiatiques. Et donc on voit que les 4 personnes qui vu des sondages d’aujourd’hui, feront la campagne présidentielle de demain utilisent ce genre d’artefact. Et c’est bien pour ça qu’ASI est là : décrypter les images car ce sont les seules choses qui ont un impact sur l’opinion.
MERCI ASI !!!!!!
Jurys populaires ? Mais ils existent déjà ... les faux jurys populaires : ce sont les sondages. On dit qu’ils sont représentatifs de la population française mais le panel est organisé par les instituts et les questions ne proviennent pas de la dite population.
Le jury populaire ne doit pas faire peur ; il faut lui donner un pouvoir d’avis consultatif et encadré dans les institutions.
Cela ne veut pas dire que le jury populaire aura la vrai parole du peuple mais cela permettra parfois d’avoir de nouvelles idées ou de nouvelles manières d’envisager une question sans attendre qu’un individu politique ose enfin une nouvelle idée.
Le vrai jury populaire, on le voit dans les blogs (par exemple) actuellement pour peu qu’in s’y penche. Regardez les blogs décrivant certaines activités professionelles (avocats, inspecteus du travail, juges, etc.).
C’est un avis, pas une politique. Les hommes (et femmes) politiques qui ont peur de cela sont ceux qui n’ont que des avis en politique. Ceux qui n’ont pas peur sont ceux qui ont une manière de voir le monde.
"les questions ne proviennent pas de la dite population"
Tout est dit. Pas la peine de s’ennuyer avec les quelques manoeuvres pour fausser la représentativité des "statistiques", qui sont des facteurs secondaires.
Un exemple : je conçois mal qu’un tel organe de citoyens
tirés au sort attende :
plus de quelques semaines avant de demander des comptes
sur une législation laissant s’étendre les OGM en plein champ (80% des
Français sont contre, du moins pour un moratoire)
plus mois avant de demander des comptes sur le fait
que le RIC (82% des Français sont pour - encore faut-il expliquer à beaucopu
ce que c’est), promis par tous les partis depuis 25 ans, n’a jamais été
insitué
plus d’un an avant
de demander des comptes sur l’indépendance de la Banque centrale
...
Les questions majeures, qui pourtant recueille(raie)nt des avis tranchés du peuple, n’ont pas d’existence dans le débat médiatique.
Et si les élus en place avaient des raisons valables d’expliquer une telle situation, ils le feraient déjà savoir spontanément.
Les sondages, il faut voir simplement qui les commande, et qui choisit (et formule) les questions : les médias, pour l’essentiel, les partis, parfois ; parfois, des sondages se font sur des questions sérieuses, mais encore faut-il qu’on en diffuse les résultats.
La plupart du temps, celui qui pose les questions suggère déjà
les voies de réponses possibles. Mais celui qui a le pouvoir majoritaire de
choisir les question ou de les taire, a un pouvoir
immense. La propagande, c’est essentiellement :
le fait de détourner l’attention
(la désinformation est surtout une surinformation en matières futiles)
non pas l’art d’inspirer
une idée nouvelle aux gens, mais celui "d’emprunter une idée au peuple"
(idée qu’on lui inculque parallèlement, au besoin).
La dictature de la majorité, ainsi pratiquée (par un organe hors de contrôle, qui a l’exclusivité du pouvoir de poser les questions) est au mieux, mécaniquement conservatrice.
Au pire, en temps de crise, quand les suggestions sont toutes orientées dans le sens d’une prémisse unique et absurde, bien que virtuellement séduisante (supériorité implacable d’une race, d’une classe, ... du marché), le peuple devient lui-même le support essentiel de l’idéologie en puissance, du totalitarisme. C’est historiquement prouvé.
Doctissimo.fr a mis en ligne un article intitulé "Pourquoi les femmes ne seront jamais Président de la République".
Je cite
A l’approche des élections présidentielles, la candidature de Ségolène Royal fait couler beaucoup d’encre. Si les femmes ne savent pas lire les cartes routières, peuvent-elles diriger un pays ? Pour le savoir, Doctissimo a interrogé le psychologue américain Allan Pease, auteur de la série "Pourquoi les hommes se grattent l’oreille et les femmes tournent leur alliance" ; "Pourquoi les hommes mentent et les femmes pleurent"... Il nous explique pourquoi, selon lui, une femme ne sera jamais présidente. Une vision qui prête à débat.
La suite ici
En dehors des "insultes" idéologiques de précampagne votre VIème République me parait tout de même oublier quelques leçons de votre propre émission.
Je m’explique.
N’est ce pas la conjonction de mauvaises réformes de la justice ( loi Perben II ), du poids considérable de l’opinion publique, affaire Dutrou oblige, sur un jeune juge inexpérimenté et esseulé qui a conduit au désastre d’Outreau ?
Un juré américain n’a-t-il pas aquitté OJ Simpson et ce malgré les preuves en raison de la "pression" médiatique et citoyenne de l’époque ? Autre rappel, en 1981 les français étaient pour la peine de mort ; pourtant des afreux juristes et politiques démagos eurent le courage d’aller à contre courant de notre société.
Bref en quoi vos jury seraient-ils plus aptent à juger une politique dont souvent les effets sont complexes, contradictoires et surtout ETALES dans le temps. Le poids des médias n’influance-t-il pas trop le jugement du quidam non spécialiste pour faire appel à lui ? (dois-je vous rappeller le traitement de l’insécurité et son effet dans l’opinion ... ?)
Avec vos jurys je pense que l’on peut entérer illico le réformisme progressif dont nous avons grand besoin. Les jurys ? Une utopie dangereuse. Se forger une opinion personnelle prend trop de temps. Les jurys c’est donner le pouvoir à TF1 (je caricature qu’un peu). Alors votre VI république citoyenne appeller la tout de suite République Populaire de France...tiens ca fait RPF...
tomours,
Cette peur du risque de manipulation des jurés par les médias serait pertinente, et même décisive, si l’alternative que vous défendez, celle des représentants élus, était vertueuse, si nos élus montraient quotidiennement leur résistance aux manipulations, les médiatiques et les autres.
Or, il n’en est rien : il me semble d’abord que nos élus sont tout autant exposés aux manipulations médiatiques que les autres citoyens, ils lisent les mêmes journaux que nous, ils sont débordés comme nous, ils sont pressés d’avoir rapidement une opinion sur tout, et ils ne peuvent pourtant, comme nous, que survoler la plupart des sujets (les parlementaires avec qui j’en parle me l’avouent simplement), - en dehors des dossiers ponctuels sur lesquels ils s’investissent à fond, bien sûr ; mais les citoyens sont également capables de s’investir à fond sur quelques sujets où ils développent alors rapidement une expertise tout à fait comparable à celle des élus, non ?
Je dirais même plus : les élus sont particulièrement exposés à d’autres manipulations, des pressions et des manœuvres intimidantes, une séduction maquillée de la part des grandes corporations, auxquelles les citoyens tirés au sort ne sont pas exposés, grâce à la brièveté de leur mandat et à la diversité de leur appartenance sociale qui complique singulièrement les faits de corruption.
Les manipulations et pressions sur les élus de la part du monde industriel et de la finance, notamment, sont une plaie pour la défense de l’intérêt général.
Je pense ici, pour prendre un exemple en Europe, mais il en a des centaines d’autres, aux milliers de lobbies installés comme des parasites dans la rue même où siège la Commission européenne, et à la stérilisation scandaleuse du programme REACH à la suite des pressions exercées sur les élus par les industriels de la chimie.
Pour la France, je vous invite à écouter les trois dernière émissions de Là-bas si j’y suis, dont le thème passionnant était « La bataille de l’eau » : mardi 24 octobre, mercredi 25 octobre et jeudi 26 octobre (ne ratez pas ces trois émissions, elles sont consternantes), et où vous découvrirez la corruption généralisée des élus par les entreprises françaises géantes (l’oligopole de l’eau) qui ont réussi à faire de l’eau, sans débat public, une marchandise privée (le cas français sur ce point est unique au monde) et qui s’apprêtent aujourd’hui, fort de leur « réseau de relations d’élus » (ça ne vous gêne pas, cette expression ?), à pratiquer les mêmes méthodes d’influence occulte pour faire main basse sur les transports, le retraitement des déchets et autres services publics. C’est révoltant et ne me dites pas que le processus représentatif, tel qu’il est conçu aujourd’hui, nous garantit la compétence des décideurs et nous protège contre la prévarication, c’est précisément le contraire.
En l’occurrence, contrairement à vous, je pense que les citoyens consultés par référendum sur des sujets graves comme l’eau, l’énergie, les transports, la dangerosité des produits chimiques, l’accord général sur les services (AGCS) ou la généralisation souterraine des OGM, seraient beaucoup plus forts, plus déterminés, beaucoup plus difficiles à corrompre, et plus légitimes que leurs élus qui montrent quotidiennement leur perméabilité aux intérêts privés.
D’ailleurs, en supposant, comme vous le faites expressément, l’inaptitude des citoyens à juger eux-mêmes des politiques menées en leur nom, vous n’êtes pas démocrate, au sens strict, ce qui est votre droit le plus absolu, mais alors, vous êtes sans doute opposé au suffrage universel, n’est-ce pas ? Car enfin, si les électeurs n’ont pas le discernement pour juger des politiques menées dans le passé, pourquoi l’auraient-ils à propos des politiques à mener dans le futur ? Comment peuvent-ils être à la fois capables de choisir un candidat et incapables de le « déchoisir » ?
Comment résolvez-vous cette contradiction ?
Quant aux utopies, c’est Victor Hugo, n’est-ce pas, qui disait que « l’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain ». Moi, je ne me sens pas insulté par le mot « utopiste » :o)
Amicalement.
Étienne.
petite recherche de mot-clé dans la page, ça n’a peut-être pas été évoqué ici :
Un article des pages rebonds de Libé, ce jeudi :
L’avenir passe par une VIe République
chapô : La réponse à la crise actuelle consiste à replacer de la responsabilité politique, là où il en manque : dans nos institutions politiques.
Par Julien COLLETTE, Michaël MOGLIA Libé : jeudi 26 octobre 2006 Julien Collette secrétaire général de la Convention pour la VIe République et Michaël Moglia secrétaire général de Rénover maintenant.
Pourquoi tirer au sort ? Chacun pourrait participer, par SMS par exemple.
Vous ètes Pour tapez 1 ; vous ètes Contre tapez 2 ; pour ajouter un komentR tapez 3 (0,99 euros la seconde).
1° Quelle que soit la nature, les responsabilités et le format de ces "jurys citoyens", ça ne changera rien sur le fond parce que ça ne peut rien changer. Ce qui doit se faire à l’abri des oreilles citoyennes (que cela doive se faire, comme le "secret défense" évoque par un bloggeur ci-dessous, ou que les élus et/ou ministres jugent que cela doive) se fera toujours, mais ailleurs. Cette histoire de jury citoyen, c’est juste un nonosse à ronger pour faire oublier au citoyen qu’il a faim.
2° Il y aura donc deux temps dans la prise de décision politique : le temps public, et le temps privé. Relativement à ce qu’il se passe dans le temps privé, rien ne changera, donc. Et dans le temps public, ce sera la porte ouverte à toutes les flatteries, démogagies, flagorneries et coups de comm. Comme à la rélé, mais au risque cette fois de faire oublier ce que cette comm est sous le prétexte qu’elle sera in situ, sous les lambris du Conseil des Ministres. On oubliera qu’il y a le temps privé, on ne fera confiance qu’au temps public, surmédiatisé. Les consciences seront anesthésiées. Donc : non seulement c’est un nonosse, mais tout sera fait pour que le citoyen que le caviard existe.
3° Le principe du "jury citoyen" s’apppuie sur une double hypothèse : le politique est pourri en puissance, le citoyen est expert en puissance. Or, non, mille fois non : le citoyen est expert en pas grand chose (je m’inclus), la majorité se gourre souvent (cf. les exemple de Mellick ou Balkany cités ici), elle préfère TF1 à Arte et Obispo à Beethoven. La première chose à faire, la plus importante, l’essentielle, est là : l’éducation du citoyen. Egalité d’accès à la connaissance et à la culture, au regard critique, à la pensée. On veut faire du bien à la France avec une loi fracassante ? On interdit Cauet. Il est évidemment bien plus facile de berner un inculte (je m’inclus toujours), et ô combien cynique de lui faire croire qu’il participe à la vie démocratique simplement en le faisant "contrôler" un débat auquel il ne peut pas participer. Le nonosse est en plus bourré de vitriol.
4° Reste l’autre hypothèse : le politique est un pourri en puissance. Là aussi, c’est sur ce front là qu’il faut combattre. Oui, que n’importe quel élu pris la main dans le sac soit définitivement inéligible. Que les conclusions de la Cour de Compte aient force d’injonction. Que les dépenses de n’importe quelle colletivité territoriale, de la commune à l’Etat, soit transparentes. Qu’il soit impossible à un Chirac de se taper 4000 balles de frais de bouche par jour, et des vacances somptuaires au soleil. Que le panel des candidats s’ouvre en grand sur la société - dans la variété de ses sexes, ses couleurs, ses métiers, ses engagements, ses histoires, ses situations familiales etc. Qu’un élu s’engage sur un programme et qu’il soit jugé sur un bilan. On peut dire ce qu’on veut de Jospin ; mais il a été élu sur un programme, et il l’a appliqué. Personne n’a été pris de cours. Le défaut de confiance est là ; vouloir le guérir en tapant ailleurs, c’est placer une cautère sur une jambe de bois. On veut nous faire bouffer un nonosse alors qu’on a soif.
Bonjour Daniel,
La meilleure idée que j’ai rencontrée jusqu’ici consiste à associer les vertus de l’élection et celles du tirage au sort :
L’Assemblée Nationale, élue,
devrait
convaincre l’Assemblée des Citoyens, tirée au sort,
avant
d’imposer des lois à tous les citoyens :
• Une Assemblée Nationale élue pour mener une politique donnée, comme aujourd’hui, mais en faisant attention, après avoir dégagé une majorité, à répartir les restes des voix à la proportionnelle.
Avec ce mode de scrutin mixte, on peut compter sur cette précieuse majorité qui permet de trancher et de décider, mais on a aussi une part de proportionnelle qui donne une grande tribune à TOUTES les opinions dissidentes significatives.
(Variante : Corinne Lepage propose, dans son projet constituant, d’élire un tiers de l’AN à la proportionnelle, et les deux tiers au scrutin majoritaire, ce qui a le mérite d’être plus simple à expliquer et à comprendre, pour le même résultat d’une assemblée présentant, à la fois, une majorité stable et une honnête pluralité des oppositions.)
C’est l’Assemblée Nationale, une assemblée de politiciens professionnels, qui rédigerait les lois.
• Une Assemblée des Citoyens tirée au sort pour représenter le plus fidèlement possible la France réelle, ce qui y conduira des riches, des pauvres, des malins, des imbéciles, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, des jaunes, des chrétiens, des juifs, des musulmans, des athées, des écrivains, des salariés, des patrons, des égoïstes, des altruistes, des avocats, des beaux, des moches, des petits, des grands, des bavards, des timides, des femmes de ménage, des nobles, des gueux, des manants, des artistes, des artisans, des commerçants, des greffiers, des huissiers, des notaires, des employés, des chômeurs, des syndicalistes, des étudiants, des gentils, des méchants, des fonctionnaires, des administrés, des courageux, des peureux, des médecins, des malades, des juges, des justiciables, des journalistes, des lecteurs, des profs, des élèves, des musiciens, des éboueurs, des architectes, des infirmières, des aides-soignantes, des chirurgiens, des routiers, etc. tu m’as compris.
Avec une assemblée nombreuse et la loi des grands nombres, on évite les effets déformants du hasard sur les petits nombres et on obtient enfin à une représentation honnête, plus démocratique qu’aristocratique.
Un statut de l’élu prendrait en charge les besoins matériels de ces tirés au sort, sans pour autant les couvrir d’or, pour leur permettre de continuer à vivre et pour leur garantir un retour à la vie normale. Le tiré au sort peut refuser cette charge et il peut continuer à mener son activité professionnelle.
Les tirés au sort pourraient choisir le rythme de leur participation à l’assemblée, et même sa durée (entre six mois et cinq ans, non renouvelables, par exemple), la plupart de ces représentants pourraient siéger à temps partiel.
Yvan Bachaud me disait l’autre jour (je n’ai pas encore eu le temps de le vérifier) qu’en Suisse, les parlementaires gagnent seulement 600 € par mois et doivent avoir un travail à côté pour vivre ; les Suisses ne veulent pas de politiciens professionnels ; d’ailleurs, les parlementaires suisses se sont récemment voté pour eux-mêmes une mise à niveau de leur revenu en s’alignant sur les revenus parlementaires européens, ce qui multipliait leur revenu par 30 ou 40, et cette loi a été aussitôt abrogée... par référendum d’initiative populaire. Consultez le site d’Yvan Bachaud, il fourmille d’exemples intéressants de démocratie participative, partout sur terre.
Cette Assemblée des Citoyens aurait d’abord à lire les lois, à les comprendre (puisque nul n’est censé ignorer la loi, celle-ci doit être compréhensible par tous, même par des gens simples) et à les accepter (si la loi suit bien l’intérêt général, elle sera acceptée par tous, n’est-ce pas ?). L’Assemblée des Citoyens aurait ainsi un droit de veto sur les lois.
Cette Assemblée-qui-nous-ressemble-tant permettrait ainsi d’éviter de nous consulter tous, à tout propos, pour connaître enfin la mythique, et jusqu’ici inaccessible, volonté générale, sans pour autant nous museler complètement entre deux élections comme nos élus le font en ce moment.
Elle permettrait surtout de forcer le débat public avant de décider (la grande idée démocratique), ce qu’on ne peut pas imposer au peuple tout entier, même en le consultant souvent.
Ensuite, cette Assemblée des Citoyens pourrait demander des lois, sans les écrire car c’est un métier.
Enfin, cette Assemblée aurait un rôle essentiel de contrôle de toutes les institutions, dont ferait partie la télévision, avec de puissants pouvoirs d’investigation et de mise en cause devant les tribunaux des acteurs politiques et médiatiques, et un droit supérieur d’en appeler aux citoyens (référendum) pour trancher tous les cas graves, appliquant ainsi le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui deviendrait ainsi, enfin !, une réalité, au lieu d’être proclamé partout et méthodiquement bafoué .
J’arrête là pour ne pas être trop long, mais je vous invite à lire un document passionnant d’un citoyen pétillant qui s’appelle Hervé Chaygneaud-Dupuy et qui s’intitule : « Proposition iconoclaste pour des citoyens législateurs : des députés tirés au sort »
Amicalement.
Étienne.
(Trets, 26 octobre, 20 h)
Venez participer au "plan C", le
seul qui vaille : une Constitution Citoyenne, écrite par des auteurs
impartiaux qui renoncent au pouvoir
Parler de constitution, c’est bien, c’est nécessaire. Mais on ne peut le faire en picorant des exemples, des extraits d’un pays puis d’un autre, prendre ce qui parait bien et laisser le reste. Une constitution se doit d’être équilibrée entre ses pouvoirs quelque qu’ils soient. Chaque pouvoir se doit d’être indépendant mais controlé, même les jurys. Pour construire, il faut prendre une idée, la délimiter puis l’équilibrer ; Une bonne constitution se juge sur l’ensemble et non sur la qualité des articles pris indépendemment. Un jury, c’est bien, mais il ne faut pas verser dans l’excès inverse de leur toute puissance au dessus de tout controle.
Donc les jurys, oui, mais appliqué à qui ? Aux conseils municipaux, généraux, régionaux, des députés ? un controle ascendant, par retirage au sort au sein des jurys départemantaux pour controler le régional puis retirage pour controler l’assemblée, tout en tenant compte de la pondération démographique de chaque collectivité au final ?
Et puis le mode de scrutin mixte existe déjà. C’est celui appliqué au Sénat. La mixité appliqué à l’AN parait complexe à mettre en oeuvre, puisque l’AN est la représentativité de chaque circonscription par pondération démographique contrairement au Sénat ou chaque circonscription est représenté à égalité sans importance du nombre d’habitants. La France est plurielle, rurale et urbaine, les deux doivent être représentée, et si aujourd’hui l’AN a plus de pouvoir, (censure, 49.3, Premier Ministre normalement issu de son corps, par tradition, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mais après tout pourquoi pas ?), c’est parceque la représentation pondérée est considérée à raison il me semble comme plus représentante. A mon avis il n’est pas utile de tout déconstruire, pour du neuf aléatoire. Gardons ce qui fonctionne pour l’améliorer.
quand vous dites "si la loi suit bien l’intérêt général, elle sera acceptée par tous, n’est-ce pas ?", c’est notoirement faux, puisque des réformes considérés à raison comme primordial comme l’avenir sur les retraites, les avantages sociaux, la sécurité sociale sont repoussées à grand coup de "touches pas à mes droits acquis", même si c’est se jeter contre le mur de l’obscurantisme économique et de la pyramide des ages qui imposent des réformes profondes, là ou ça fait mal malheureusement puisque nos systèmes actuels sont voués à l’implosion tôt ou tard, et pas la peine de compter sur une éventuelle reprise économique à l’instar des trentes glorieuses. Gérer c’est anticiper et prévoir et vivre comme si le pire était devant nous, ce qui n’est pas fondamentalement faux.
M. Chouard, il me semble que vous fondez l’essentiel de la légitimité de votre Assemblée des Citoyens sur le tirage au sort. Vous estimez que la "loi des grands nombres" conduira à une représentativité réelle. Sur ce point précis, ne pensez-vous pas que les faibles performances des instituts de sondage ne sont pas très encourageant pour votre projet ?
Après tout, ces instituts ont tout de même une sacré expérience de terrain pour la sélections d’échantillons destinés à être représentatifs. Et même avec cette expérience, et des échantillons de 1000 personnes, ils n’arrivent pas à obtenir des résultats convergents à 5% prêt. Alors, sur la base du tirage au sort seul (donc en principe légèrement moins performant que les méthodes des instuts), combien faudrait-il de représentants dans l’Assemblée des Citoyens ? 10000 ? 50000 ? 100000 ?
Y a-t-il des statisticiens dans la salle ?
Merci Burt, et merci Daniel d’avoir recentré le débat.
j’ai vraiment cru être hors sujet avant-hier... Deux post(s)... qui se sont enlisés au millieu des évocations de la démocratie grecque dans le sujet précédent. je faisais aussi ce parallélisme entre tirage au sort, sondages et statistiques.
Je commencais à croire que les des big-bang-bloggeurs s’enflammaient trop vite en manquant un poil de "bon sens".
merci ouf !
Le parallèle entre "un jury de citoyens tirés au sort" et les sondages est complètement abusif :
QUI POSE LES QUESTIONS ?
Des citoyens libres de choisir celles qui les préocupent le plus ?
Des citoyens devant se résoudre à répondre à celles dont des pouvoirs concentrés et qu’ils ne contrôlent pas décrètent que ce sont Les question importantes, et à celles-ci exclusivement ?
ça change tout.
Et la légitimité des statistiques (ou du tirage au sort) n’a rien à voir avec la stupidité d’un amalgame hautement pervers.
Justement, il faut souligner que l’amalgame est fortement employé par de nombreux médias, qui commandent eux mêmes les sondages.
Un autre amalgame, tout à fait essentiel et similaire, est celui qui tente de légitimer les lois de l’Audimat en les assimilant à la règle démocratique du "choix de la majorité".
Le "choix" d’un être libre n’est pas juste entre oui et non, mais c’est la possibilité de dire "merde" quand il juge que la question est stupide. Le "choix" d’êtres "égaux", c’est celui de choisir les questions qui méritent d’être posées en priorité. Le pouvoir c’est surtout le pouvoir de choisir les questions, pas les réponses.
Sam, on voit bien que vous êtes en colère contre le système et que vous voudriez bien que les "jurys de citoyens" le fassent savoir mieux que les élus le font actuellement.
Mais c’est une raison qui devrait précisément vous faire vous interroger sur la capacité de ces jurys à représenter votre opinion.
Vous comptez là dessus un peu aveuglement sur le tirage au sort. Mais qu’est-ce qui vous assure que ledit tirage au sort ne fera pas sortir un assemblée composée de 40% d’admirateurs de Le Pen ?
En théorie, c’est possible. En pratique, c’est sans doute improbable. Mais improbable de combien ? Êtes vous prêt à prendre le risque les yeus fermés ?
D’autres tirages atypiques moins caricaturaux sont plus probables. Que le tirage au sort majore d’un tout petit 5% les catholiques traditionalistes dans le jury pourrait bien avoir des conséquences importantes pour de nombreuses décisions cruciales sur des problèmes de société.
Ce risque de "tirage" d’une assemblée atypique et dont les décisions auraient donc une légitimité suspecte sape l’objectif même du jury de citoyens.
Pour gommer ce risque, M. Chouard compte sur la "Loi des grands nombres". Une notion éminement statistique. La loi des grands nombres existe en effet, mais elle ne joue en pratique que pour des très grands nombres. Ma référence aux instituts de sondages n’était pas destinée à dire que ceux-ci ont une quelconque légitimité, mais plutôt à indiquer que les panels qu’ils utilisent ne sont pas assez grands pour que la loi des grands nombres s’y appliquent déjà. Alors, si 1000 personnes ne suffisent pas, jusqu’où faudrait-il aller ?
Aussi longtemps que l’on n’aura pas la réponse à cette question, sam, vous courrerez le risque qu’il vous tombe un jury citoyen composé de 70% de clones de Burt Allibert....
Bonsoir Burt,
"on voit bien que vous êtes en colère contre le système..."
Pas vous ? ... ;)
"...et que vous voudriez bien que les "jurys de citoyens" le fassent savoir mieux que les élus le font actuellement."
Ca c’est assez faux. Je viens de poster un long message, un peu plus haut, qui nous abreuve d’exemples d’ "appels au secours" d’élus dont je trouve qu’on devrait déjà nettement se contenter, pourvu que les citoyens qui n’exercent pas réfléchissent eux-mêmes sur les solutions. Car le pouvoir corrompt parfois le portefeuille, mais l’esprit, toujours.
Quand on arrive en crise de régime, surtout quand une idéologie règne, en matière de révolution, je préfère l’action citoyenne que sa grogne, et la grogne des élus (si étouffée quand on veut bien la décrypter avec un regard critique) que leur action...
Sur les statistiques : je tiens à rappeler que la statistique est, en elle-même (employée rigoureusement, et indépendamment de son instrumentalisation éventuelle)... une science exacte. Excusez le paradoxe apparent, mais c’est un peu le thème central de ma réponse.
Donc, bien que les gens ne soient pas des objets, je considère que votre argument de la limite de représentativité de 1000 personnes (supposées être réparties par tranches, d’âge, sexe, profession, localité, ...) est un faux problème. Quant à avoir "70% de clones de Burt Allibert", ce n’est pas sérieux.
Maintenant, détrompez-vous sur une illusion que vous me prêtez : ce n’est pas parce que je crois au tirage au sort que je préconise de l’employer massivement et de manière anarchique. Mammon m’en garde...
Vous pouvez trouvez ici (débat "Le tirage au sort, d’Etienne Chouard à Ségolène Royal" mon deuxième message du 26/10, intitulé "Le tirage au sort, "manière d’en finir avec la professionnalisation de la politique"." :
déjà, je ne l’envisage que pour un rôle de parlementaire, non pas pour l’exécutif et les responsables du pouvoir judiciaire
en fin de message, vous voyez quelques suggestions plus spécifiques sur la manière dont je cadrerais leur usage.
Par ailleurs, j’ai évoqué plusieurs fois, ici-même, le risque d’une "dictature de la majorité" exercée là où elle n’a pas à l’être. La loi n’a pas à s’occuper de bien des choses.
J’ai aussi insisté sur l’horreur qu’apporterait, dans
bien des cas, le fait :
de confondre l’expression de la volonté générale
et sa mise en application immédiate, par delà les pouvoirs institués
de confondre, vous
l’avez vu, une "volonté générale" qui n’est que réponse à des
questions imposées d’en haut.
Et j’ai fait des distinctions, des cadrages sur le
pouvoir qu’auraient de tels "jurys" :
lors des procès, les jurys (citoyens tirés
au sort), les lois et les magistrats, sont des pouvoirs bien séparés
j’ai proposé
(autre message du débat que j’ai cité) un système ou de tels groupes
de citoyens tirés au sort (pour un seul mandat, court) auraient pour
rôle de voter la répartition d’un budget du service public de
Presse. J’ai bien dit un budget, rien d’autre (il faut lire la
proposition dans son ensemble), et là, si jugement subjectif il y a
forcément : d’une, je m’en remets à la moins pire des
instances, de deux, je considère notamment que c’est envisageable si
on ne juge pas la qualité de l’info dispensée à chaud, mais avec au
moins 6 mois ou 1 an de recul.
Globalement, je vois ainsi les rôles essentiels de ces
"assemblées de citoyens"
celui de faire naître les questions importantes
dans le débat public, lorsqu’elles y sont bridées et qu’il y a un
décalage étrange entre la volonté populaire et l’avis majoritaire
des élus (pouvoirs) en place (RIC, OGM, statut de la BCE et d’autres
organes de l’UE, ...) Le bon sens, il a son rôle à jouer, sur
cerains points clés, oui. Globalement, c’est d’ailleurs là qu’il
n’existe pas de discours rationnel à mettre en face.
celui de faire rendre des
comptes à des magistrats élus sur des promesses (pas de mettre les
pieds dans un métier spécifique, comme celui de juge ou d’avocat -
par contre, en économie, qui n’est pas une science, le bon sens
populaire et même le souverainisme monétaire restent des
références... toutes couleurs et degrés d’instruction confondues,
"prix Nobel" inclus)
celui d’exiger de la transparence là où des gens
en place ont, de leur propre chef, et sans raison justifiable,
instauré du secret (mandat du Commissaire européen eu commerce,
accords UE - FMI, PET, ... et autres merveilles de paradis fiscaux)
celui d’un organe
décisif dans le rôle de conseil constitutionnel. Il y a trop de lois
et de situtions de collusions ou d’émancipation de pouvoirs qui sont
anticonstitutionnelles, et le peuple a nécessairement une place en
dernier recours dans ce contrôle.
J’arrête là, mais sachez que globalement, j’ai aussi une peur bleue d’un tirage au sort employé n’importe comment.
Ayant la chance d’avoir beaucoup échangé avec E. Chouard, je peux vous assurer que le bonhomme mène des réflexions rigoureuses, et vraiment très étoffées par les écrits du passé et du présent.
Le problème de certaines interventions est de généraliser des principes dans un sens ou un autre, et j’ai passé du temps à distinguer pas mal de choses. Il ne faut pas caricaturer, il ne faut surtout pas, sous prétexte que l’argument paraît gros, couper le débat avant d’y rentrer, ça ne peut que jeter des voiles sur des réflexions enrichissantes.
Et souvent, c’est en creusant qu’on parvient à démonter des affirmations qui semblent tomber sous le sens au premier abord (comme par exemple les affreux amalgames entre "lois de l’audimat" et "volonté du grand nombre", ou entre "statistiques", "sondages", et "volonté du grand nombre", qu’il faut vraiment contredire tant ces mauvaises imitations de principes démocratiques sont justement essentiels comme instruments de domination.)
Monsieur Allibert,
Vous nous conseillez de renoncer à une méthode incorruptible - c’est une des grandes vertus du tirage au sort que de respecter vraiment l’égalité des chances ; et là, pas besoin de grands nombres, l’effet d’honnêteté est immédiat et permanent - mais pour préserver quoi ?
Pour préserver le mode de désignation actuel qui permet à un Président accusé de vols de garder le pouvoir au nez et à la barbe de tous les juges qui l’attendaient au tournant en 2002, alors qu’il n’avait pourtant pour lui que 12 % des inscrits au premier tour et que, par surprise et non par choix, - par un coup de chance dont vous prétendez précisément nous protéger avec le mécanisme électoral -, il a trouvé le diable en face... nous forçant tous à l’élire comme on boit la ciguë...
Pour préserver un système qui ne laisse ensuite aux citoyens aucun, je dis bien AUCUN moyen de résister en cas d’abus de pouvoir, et pas même en cas de traîtrise manifeste.
Pour moi, Monsieur Allibert, les soi-disant « représentants » qui, depuis 2002, profitent jusqu’à l’écoeurement de leur victoire volée, vendant à la hâte, souvent à la sauvette, tous nos biens et services publics à leurs amis industriels et banquiers (ils leur vendent jusqu’aux routes, le croyez-vous ?!), empoisonnant lentement la sécurité sociale et ne faisant même pas mystère de leur intention de stériliser le code du travail, sans jamais demander le moindre avis à ceux qu’ils dépouillent ainsi sans les avoir prévenus qu’ils allaient le faire dans leur programme électoral, ne sont que des gangsters sans scrupules : je hais ces privatisations extorquées sans vergogne à la faveur d’un coup de dés en 2002, ce système électoral qui nous tient en prison par périodes de cinq ans est tout simplement INIQUE.
Alors la soi-disant « représentativité née du système électoral » que vous défendez comme s’il constituait une utile protection contre l’arbitraire, en ce moment, elle me fait vomir.
Alors oui, je préfère évidemment courir le risque minuscule d’un sur des millions (risque que vous montez en épingle, et qui néglige les voies de recours qu’il faudra évidemment prévoir, comme en toute matière) (alors qu’on les a au pouvoir, les brutes que vous dites redouter, on les a "pour de vrai", avec une autre étiquette, mais où est la différence, socialement ?), je préfère courir ce risque parce qu’il est infiniment moins grand que celui, bien réel, de continuer à nous faire enfumer par une bande de drogués du pouvoir qui verrouillent scandaleusement toute possibilité de contrôler leur action et qui ne respectent rien d’autre que ce qui garantit leurs privilèges.
Vous voudriez quoi ? Qu’on les élise, ces Contrôleurs, ces Censeurs ? Pour s’exposer à nouveau aux manœuvres occultes des politiciens de métier qui ne nous présenteront au vote, comme candidats censeurs, que leurs plus fidèles acolytes ?
Non merci.
Jamais l’élection des Censeurs n’a permis le contrôle durable des élus (relire Rosanvallon et les siècles d’histoire qu’il synthétise pour nous), du fait notamment du conflit de légitimités qui naît forcément du parallélisme des désignations.
Non, il faut donner une légitimité AUTRE aux Censeurs, et le tirage au sort a fonctionné pendant des siècles à Athènes, - Cité pourtant de loin la plus prospère et la plus stable de la région à l’époque, lisez Hansen et Manin sur ce point, ce n’est pas douteux -, et pour prévenir les situations de crise que le hasard peut, lui aussi, créer, prévoir des voies de recours, ainsi que d’autres astuces éprouvées, comme l’ostracisme qui permet de récuser un homme évidemment dangereux (une sorte de vote à l’envers, un vote de défiance ; l’ostracisme n’avait pas, autrefois, le caractère péjoratif qu’il a pris depuis. C’est une institution intéressante.).
Amicalement.
Étienne.
Etienne, et si on se calmait un peu ?
A vous lire tous, je me sens de plus en plus convaincu de l’intérêt de tester le tirage au sort, comme mode de désignation d’un corps de contrôle des élus.
Mais attention au vocabulaire !
"Ecoeurement, empoisonnant, stériliser, gangsters sans scrupules, vomir, bande de drogués du pouvoir, leurs privilèges, manoeuvres occultes, politiciens de métier" : ce vocabulaire n’est pas le mien. Quand tu parles de "politiciens", Etienne, tu parles (le sais-tu ?) comme les ligues d’extrême-droite de l’entre-deux guerres. Tu bascules de la critique du système à l’insulte des hommes. Cette insulte générale, je te l’ai expliqué cet été, me semble odieuse. Même si les premières réactions à la proposition de jurys de citoyens semblent avoir donné, en effet, l’image d’une caste menacée dans d’inavouables privilèges, il nous faut résister à cette image-là et, pour ce qui nous concerne, maintenir le débat sur le plan des principes.
Ce n’est pas pour emmerder les politiciens, que le tirage au sort me semble intéressant. C’est pour contrôler le travail des élus. La nuance n’est pas seulement sémantique, tu l’auras compris.
des riches, des pauvres, des malins, des imbéciles, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, des jaunes, des chrétiens, des juifs, des musulmans, des athées, des écrivains, des salariés, des patrons, des égoïstes, des altruistes, des avocats, des beaux, des moches, des petits, des grands, des bavards, des timides, des femmes de ménage, des nobles, des gueux, des manants, des artistes, des artisans, des commerçants, des greffiers, des huissiers, des notaires, des employés, des chômeurs, des syndicalistes, des étudiants, des gentils, des méchants, des fonctionnaires, des administrés, des courageux, des peureux, des médecins, des malades, des juges, des justiciables, des journalistes, des lecteurs, des profs, des élèves, des musiciens, des éboueurs, des architectes, des infirmières, des aides-soignantes, des chirurgiens, des routiers : je préfère le style de cet Etienne-là.
bonjour, Je viens d’avoir Etienne au téléphone... et il me pousse une nouvelle fois à prendre la parole directement. cette fois je me lance, en réponse à cette apostrophe de Daniel Schneidermann sur laquelle je viens de tomber en naviguant rapidement dans ce foisonnement qui m’impressionne tant. d’abord un mot sur qui je suis avant d’en venir au fond. je suis un de ceux qui ont conduit Etienne à s’intéresser au tirage au sort auquel je réfléchis depuis la fin des années 90. un journaliste de Lyon Capitale qui m’avait interviewé sur ce sujet lui avait parlé de moi, Etienne a lu ce que j’avais écrit, puis on s’est rencontré et nous avons sympathisé malgré nos divergences de fond, notamment sur l’Europe. J’anime par ailleurs un réseau de personnes qui tentent de développer ce que nous appelons une citoyenneté "entreprenante".
Sur le fond, je voudrais faire partager ma conviction que le tirage au sort n’est pas une machine de guerre contre les élus (et donc, comme Daniel S., je supporte difficilement les mises en cause des élus en tant que telles). Ce n’est pas non plus seulement un moyen de contrôle. Je voudrais insister là-dessus car c’est pour moi l’essentiel (et Ségolène Royal ne semble pas l’avoir compris). Le tirage au sort permet d’introduire au coeur de la démocratie représentative des citoyens qui auront à délibérer sur des questions de fond, non pas pour évaluer si les élus ont fait leur travail mais pour co-élaborer des politiques publiques. J’avais pris dans mon texte "les citoyens législateurs, proposition iconoclaste pour des députés tirés au sort", l’exemple de la réforme des retraites. Des députés tirés au sort n’auraient-ils pas été capables d’aller au-delà de la demi-réforme du financement qui a été faite pour se pencher sur ce qui aurait dû être l’enjeu majeur : que faisons-nous de la période de vie qui va de 55 ans à 80 ans, où l’on est en général en bonne santé, plein d’expérience mais où la société vous dit : "nous n’avons plus besoin de vous, sauf pour consommer et garder les petits-enfants" ? Sur ce type de question, ne croyez-vous pas que des citoyens tirés au sort n’auraient pas pu faire oeuvre utile pour inventer une conciliation harmonieuse entre travail, engagement social et loisirs pour que la retraite prenne un sens nouveau, positif pour ceux qui la vivent et adapté à l’allongement de la vie ? Pour moi le tirage au sort n’a d’intérêt que s’il aide à prendre les questions politiques en élargissant les points de vue, s’il permet de dépasser, sans les nier, les logiques financières, juridiques, techniques dans lesquelles s’engluent trop souvent nos débats. Le tirage au sort doit avant tout servir à rouvrir le champ des possibles. Mon expérience de praticien du débat entre "gens ordinaires" me laisse croire, naïf que je suis, que le gisementd’intelligence collective est immense ... mais qu’on ne sait pas s’en servir. Le tirage au sort, s’il ne désigne pas seulement des contrôleurs mais des législateurs serait sans doute un formidable moyen d’y parvenir. Chiche ?!
Il existe déjà le conseil économique et social qui peut rendre des rapports sur les questions de fond . Il représente l’ensemble des corps sociaux et professionnels de notre société. Il est constitué de 400 conseillers . Il peut s’auto saisir. Seul 80 membres sont nominés à discrétion gouvernementale . Les autres sont les représentants des organisations sociales et professionnelles . En quoi leur avis est il pour cela pris en compte , de n’être considéré seulement qu’à titre consultatif ? Même la retraite a fait l’objet d’un rapport, parallèlement à ceux qui ont été demandés par le gouvernement Jospin . Je vous le met en lien . N’y a t’il pas donc déjà des organes sencés réfléchir aux questions de fond avec des citoyens aptes à le faire ? Mais c’était sans compter sur les décisions prises aux niveau européen et qui ont échappé à la connaissance et la discussion de tous.( Tout comme la signature de l’AGCS) Merci la politique des représentants. Merci les médias de cette joli preuve de discussion de fond contradictoire.
Pourquoi donc un tirage au sort de représentants citoyens ? Quel marge de manoeuvre légale auraient ils juridiquement que n’a pas davantage le conseil économique et social ? Lorsque les citoyens veulent voir discuter une question à l’assemblée, elle est posée par l’intermédiaire de leurs députés et publiée au journal officiel. Cela veut il dire que la réponse apportée est celle qui convienne à la question posée si l’exécutif n’a pas à craindre la contrainte d’un rapport de force politique à la hauteur pour continuer la sienne ? Ne faut il pas plutôt interroger ce qu’est ce rapport de force politique, si les députés ne sont plus en phase avec les revendications des citoyens ?
Pourquoi donc faudrait il exercer un tirage au sort pour légitimer ce que les citoyens sont déjà à même de faire par eux mêmes ?. Un exemple : la crise de la restauration rapide sur Paris a vu surgir des collectifs sans étiquettes prenant simplement en main le devenir de leurs revendications devant l’inanité des moyens des syndicats et la contrainte hierarchique rigide de représentativité . Ce que voulaient les salariés n’était pas ce que négociait le réprésentant syndical. Ils ont finalement obtenu gain de cause en agissant avec leur propres moyens sans attendre l’autorisation du représentant légitime à le faire à leur place . C’est bien plus de ces marges de manoeuvres là dont il s’agit maintenant de discuter que proposer une représentation légale supplémentaire, alléatoire , vide de sens à mes yeux , au regard de ce qui existe déjà et qui reste vain. Le désir d’agir n’est pas dans le fait de le laisser faire aux autres à notre place.
Tu as raison, Daniel, la colère est mauvaise conseillère, ça se confirme souvent.
Fatigué par toutes ces nuits blanches, je suis sans doute allé trop vite ce soir-là, et je n’ai pas poli mon propos, je suis resté sur ma colère du soir, en ayant marre du langage propre sur lui qui n’appelle pas un chat un chat et qui, trop mesuré, se ligote lui-même et n’arrive pas à bouger les lignes.
Il ne faut pas que je me laisse mettre en colère, c’est vrai. Pardon pour cet écart qui a pu te mettre mal à l’aise.
Mais bon, le parallèle avec les ligues extrêmes est quand même un peu rapide, ou sommaire : si ces ligues disent qu’il fait beau, faut-il dire qu’il pleut ? Si elles critiquent violemment un système corrompu jusqu’à la moelle, faut-il être complaisant avec ce système s’il est effectivement pourri ? Doit-on se positionner en désaccord sur tout avec elles, les rendant ainsi maîtresses de nos pensée, par effet de miroir imposé ? Je ne crois pas.
Je ne me détermine pas du tout par rapport aux extrêmes, ni en modèle, ni en opposition : je juge chaque idée en toute indépendance (j’essaie, en tout cas) et si je me trouve d’accord avec un parti « extrême » sur un point, ça ne me fait ni chaud ni froid : et à propos de notre système soi-disant "démocratique", - même si je loue évidemment la liberté de la presse et le suffrage universel comme autant d’immenses premiers pas -, je trouve le système actuel parfaitement hypocrite, dévoyé, verrouillé, corrompu et corrupteur.
Et le langage polémique, parfois excessif, n’est, historiquement, le monopole d’aucune tendance, et sûrement pas celui des ligues d’extrême droite : je lis de temps en temps les grands discours parlementaires de la Révolution à nos jours (j’ai cinq livres formidables édités chez Armand Colin) et ça explosait souvent, de tous les côtés de l’hémicycle, ce qui inondait les échanges d’une grande clarté et leur donnait pas mal de goût, je trouve. Il faut relire tous ces grands discours, ça paie, ils ne mâchaient pas leurs mots :o)
Tu disais toi-même dans ton message d’origine avoir entendu des noms d’oiseau tout à fait excessifs dans la bouche, pourtant, de gens réputés tout à fait civilisés : « j’entends voler les insultes "Mao", "Pétain", "Pol Pot", "sans culottes de 93", que je n’avais pas vu voler aussi serrées en escadrille depuis longtemps ».
La polémique ne me fait pas peur. Le mot « polémique » n’est pas, pour moi, péjoratif : « discussion vive et animée », c’est la vie, quoi.
Je ne suis pourtant pas d’extrême droite, je crois :o)
Merci Daniel, pour ta patience et ta gentillesse :o)
Amicalement.
Étienne.
M. Chouard,
Dans cette intéressante discussion, je retrouve le schéma qui apparaît toujours lorsque j’essaye de réfléchir à vos propositions.
A leur base, je trouve toujours une idée intéressante. Par exemple, l’idée de renforcer le pouvoir de censure des élus pour renforcer à terme la confiance de l’opinon en ceux-ci me semble intéressante.
Cette base intéressante, nous pourrions la partager et construire dessus.
Mais voilà, comme souvent, dans votre fougue, vous ne vous arrêtez pas à chercher à construire. Vous semblez tenir absolument à détruire par la même occasion tout ce qui s’est fait jusqu’à ce jour.
Comme le fait remarquer M. Schneidermann, il est injuste de dire que tous les élus sont des traitres en puissance. Celà, vous l’admettez vous-même. C’est sans doute l’effet de la colère ou de la fatigue qui vous l’a fait dire. On ne peut donc pas vous en vouloir.
Mais il y a plus. Il me semble aussi injuste de dire qu’il n’existe aucun moyen de censure contre les élus dans notre système actuel.
Contre les abus des élus, il y a les juges. Ils forment un contre pouvoir que vous mésestimez grandement à mon sens. Un contre pouvoir dont la neutralité et la stabilité sont éprouvés, et dont nos démocraties ont une assez grande expérience.
Avant d’aller de se hasarder à inventer de nouveaux instruments, il me semblerait utile de creuser les moyens d’approfondir le contre pouvoir judiciaire, tout particulièrement là où il pèche par sa faiblesse en France. Par exemple en créant un procureur spécial doté de pouvoir d’investigations et de proposition d’impeachement similaire à celui qui "surveille" les présidents des Etats Unis. Ou en assouplissant le mécanisme de la "haute cour de justice", qui, là, je vous le concède, confond bien trop juges et partie.
Et si l’on désire absolument aller plus loin, comme avec cette idée de jurys citoyens, alors je désire que l’expérience soit absolument maîtrisée.
Et je ne considérerai pas la situation maîtrisée tant qu’on ne m’aura pas répondu à la question toute simple suivante : Si l’on considère que 60% de la population totale de la France est par exemple pour l’avortement, quelle est la probabilité pour qu’une assemblée de 500-1000 personnes tirée au hasard soit à plus de 50% contre ?
Vous dites que le risque est d’un sur un million ? J’en doute. Franchement, j’en doute énormément. Je crois que le risque est bien plus grand que ça. Et s’il était plutôt d’un sur 10 ? Qu’en diriez vous ?
Lors du débat sur la Constitution Européenne, vous disiez que vous ne signiez pas si vous ne compreniez pas toutes les conséquences de votre signature. Eh bien, cette fois, c’est moi qui ne signe pas.
(Et ce d’autant plus que je suis sûr qu’un bon probabiliste pourrait nous répondre)
Sans être un bon probabiliste, j’ai demandé à mon
ami Google de m’aider à rassembler mes souvenirs de stats...
Sauf erreur de ma part (ce qui reste toujours possible) mon
tableur préféré (OpenOffice Calc) m’indique :
Si on tire au sort un « jury citoyen » de 10 personnes dans une population favorable à 60% à l’avortement :
dans
20% des cas, on obtient un jury équilibré (5 pour / 5 contre)
dans 17% des cas, on
obtient une majorité contre l’avortement (au moins 6 contre)
dans 63% des cas, on obtient une majorité
pour l’avortement (au moins 6 pour)
Diverses simulations montrent qu’il faut un jury d’au moins 50 personnes pour avoir moins de 10% de risque d’avoir un jury majoritairement contre ou équilibré.
Patrice
Eh bien c’est plutôt rassurant à première vue. Cela plaide en faveur des jurys citoyens. (et ça fait réfléchir sur le sérieux des instituts de sondages qui arrivent à se planter d’autant avec 1000 personnes...)
Sans vouloir vous commander, pour avoir une idée de la vitesse de convergence, pourriez-vous demander à votre tableur préféré combien il en faut pour avoir moins d’1% de chance d’erreur, puis, pendant que vous y êtes, la même chose avec cette fois une majorité disons à 52% (dans le genre "majorité présidentielle" normale) ?
M Allibert,
Sans le vouloir, je pense, vous déplacez notre discussion sur le plan de la sanction des prévarications alors que ce n’est pas le sujet, je crois : les jurys populaires auraient à contrôler l’action des élus, c’est-à-dire au moins le respect de leurs propres engagements (et, si possible, le respect de la volonté générale, la vraie), et pas les malhonnêtetés dont vous avez raison de souligner qu’elles sont déjà incriminées et sanctionnées par les institutions en place.
Ceci dit, vous qui avez un sens si fin du détail et de la nuance (je ne plaisante pas), il ne vous a pas échappé que presque toutes les peines infligées aux responsables politiques pour malhonnêteté sont assorties de SURSIS, ce qui pollue considérablement l’image de responsabilité que les élus veulent nous donner d’eux-mêmes, non ?
J’ai un peu cherché, mais je n’ai pas trouvé de chiffre sur ces sursis presque systématiques pour les élus ; mais c’est une impression si forte, souvent répétée (« encore du sursis ?! ») que je suis sûr que les statistiques officielles le confirmeraient.
Pour en revenir à ce dont je parlais, le respect
des promesses électorales (est-ce un détail à vos yeux ?),
j’insiste : il n’y a
RIEN pour contraindre les élus à l’honnêteté, même la plus
élémentaire :
• ne pas voter le contraire de ce qu’on a
promis,
• ne pas voter de force (sans référendum) ce dont on
sait pertinemment que personne ne veut,
• chercher à
connaître honnêtement la véritable volonté générale pour bien
l’exprimer sans lui substituer sa propre
volonté,
• etc.,
et c’est ça qui irrite
tout le monde, évidemment.
Effectivement, je trouve donc que, globalement, la pression à l’honnêteté des élus est tout à fait insuffisante.
Je ne trouve pas non plus injuste de dire que les élus sont "des traîtres en puissance", puisque c’est la vérité toute nue, illustrée par des millénaires d’exemples concrets et variés, il n’y a qu’à se baisser pour en ramasser partout. Le fait de carrément vendre GDF alors qu’on s’était publiquement et expressément engagé, quelques mois plus tôt, à ne jamais le faire, ce n’est pas une traîtrise, peut-être ? Je range ces privatisations de force (qui ne sont pas une hypothèse : c’est bien le réel dont on parle là), non annoncées et non validées par référendum, je les range dans le tiroir des viols et des abus de pouvoirs. Ne chicanez pas sur le vocabulaire, c’est une violence politique.
Quand on dit « en puissance », cela a un sens : ça ne signifie pas que c’est arrivé, ça signifie qu’il y a un vrai risque que ça arrive. Et qui peut nier cela ?
C’est vrai que le mot "traître" est inutilement blessant pour les valeureux vertueux qui s’échinent pour le bien public (il en a beaucoup ; je viens de publier un lien enthousiaste vers le rapport Vallini-Houillon (affaire d’Outreau), un document exceptionnel, un travail remarquable produit par nos parlementaires sur les évolutions nécessaires de nos institutions judiciaires et les différents contrôles à instituer, y compris sur les médias), je le reconnais volontiers : changeons donc de mot : moi, je dis : "tous dangereux" (ce qui n’est pas blessant du tout puisque c’est simplement vrai et que cela ne concerne personne en particulier mais toutes les fonctions de pouvoir ; ce n’est pas du tout la même chose que "tous pourris") et je trouve ça tellement évident et incontestable que je m’étonne d’avoir à me défendre là-dessus.
Quoi, me diriez-vous que les élus, ceux à qui on délègue le pouvoir d’écrire le droit qui va nous contraindre tous, sous la menace de la police, ces gens-là ne seraient pas dangereux et il serait inutile de les contrôler en permanence ? Mais voyons, qui peut dire cela ?
Non, c’est bien la méfiance à l’égard du peuple qui est excessive, et pas celle à l’égard des élus qui, elle, se justifie pleinement. On confie bien à des jurés citoyens tirés au sort le pouvoir de jeter en prison de simples citoyens pour des décennies, on leur fait confiance, en prévoyant des voies de recours ; on peut bien leur faire confiance pour juger également des parlementaires et autres agents de l’État.
C’est une question d’habitude : on nous a trop habitués à l’impunité des puissants... Ça paraît donc énorme de les remettre sous contrôle. Ce n’est pourtant pas absurde, au contraire.
Amicalement.
Étienne.
PS : à titre d’illustration supplémentaire (mais il y en a tellement... je vous parle de celle-là parce que c’est très urgent), j’attire votre attention sur une dérive grave et un danger urgent (lien ci-dessous) : les machines à voter sont, pour nous tous, plus qu’un recul : elles sont un danger mortel pour la démocratie, nous allons perdre tout contrôle, je dis bien tout contrôle, de cette phase décisive qu’est l’élection, moment du transfert de souveraineté des citoyens vers leurs représentants.
Aujourd’hui, personne ne sait contrôler un ordinateur, absolument personne, même pas les informaticiens ! (Il faudrait pourtant que n’importe qui puisse contrôler toute la procédure.) Ceux qui vous diront le contraire, aujourd’hui, sont des marchands de soupe. Lisez le rapport de Chantal Enguehard, c’est édifiant.
Et bien, malgré ce risque énorme, ces machines nous sont déjà imposées, sans le moindre débat, sous la pression de marchands sans scrupules (c’est un pléonasme, je sais, mais ça ne me rassure pas) : au moins 900 machines déjà en route pour 2007, soit un petit million de voix hors contrôle citoyen, sans qu’on nous ait consultés sur rien.
Et vous allez me dire que les élus ne sont pas dangereux ? Allons...
Dans un post récent, j’ai dénoncé ironiquement la grande méfiance que j’avais envers ces « machines à voter » que vous dénoncez avec raison.
Cette fausse bonne idée de machines à voter est un exemple flagrant de la limite d’un jury citoyen : n’importe lequel donnera son aval à cette idée tant elle paraît séduisante.
Le document auquel conduit votre lien parle de « cheval de troie », de « backdoor », de « super utilisateur », de « checksum »... Combien de gens connaissent la signification de ces mots (même si les auteurs en proposent une explication en bas de page) ? A partir de là, comment peuvent-ils avoir un avis pertinent sur la question et entrevoir la dangerosité du procédé ?
Quant à vouloir former un jury à ces notions,
quelques heures n’y suffiraient pas. J’ai testé ici même la
difficulté à expliquer ce qu’était un DRM, et quels en étaient
les dangers.
On peut aussi penser qu’une grande capacité
d’abstraction peut permettre d’être pertinent sur des sujets
dont on ne maîtrise en détail la technicité. En effet, dans
l’absolu, c’est possible, mais soyons honnête, cela ne
concerne qu’une infime partie de nos concitoyens (dont avec
réalisme je ne pense pas hélas faire partie).
PatriceNoDRM
PS : désolé pour la requête de Burt Allibert : j’ai purgé la feuille de calcul...
M. Chouard,
D’accord. Je comprends que votre objectif est plus d’exercer une forme de pression de contrôle populaire "en temps réel" que de punir des abus (pour ce qui est de ces abus, j’admets avec vous qu’ils ne sont pas toujours assez sévèrement punis, c’est d’ailleurs là que je voulais faire porter l’effort d’amélioration).
Est-ce que je vous résume correctement (pour autant qu’un résumé peut le faire) en disant que vous estimez que ces jurys populaires aideraient les élus à agir plus conformément à l’intérêt général ?
Si c’est le cas, je pense que c’est, disons, un pari. Un pari qui a l’audace de la nouveauté, mais que je prendrais pour ma part tout de même avec prudence.
Vous avez resensé les risques qui pèsent sur les élus. Ce sont des risques réels, je vous suis là dessus. Tous proviennent essentiellement autour du fait que l’élu peut avoir tendance à exercer son pouvoir dans but principal de le conserver. Pour ceci, il peut avoir tendance à flatter les puissants plutôt qu’à suivre l’intérêt général.
Cependant, il ne faut pas forcément assimiler tous les cas où les élus ne se comportent pas comme vous le voudriez, voire comme le voudraient la plupart des gens, à de telles dérives.
Il me semble tout à fait envisageable qu’un élu puisse préférer une solution même minoritaire précisément parce qu’il l’estime plus conforme à l’intérêt général.
L’exemple de la peine de mort est une tarte à le crème, mais une tarte à la crème notable. Le mariage homosexuel, le vote des étrangers, et plus généralement le traitement des minorités ("visibles" ou non) procède souvent de cette même logique à mon sens. La protection des droits de la défense, aussi.
Ce dont j’ai peur, c’est que la logique des jurys populaires rende précisément impossible ce genre de décisions conformes à l’intérêt général bien qu’opposées à celui, immédiat, de la majorité trop brutalement exprimée .
Mais je comprends aussi que c’est peut être un sacrifice qu’il faudra faire un jour un peu comme on l’admet pour la justice pénale. Les jurys populaires aux assises me mettent tout autant mal à l’aise. Mais je comprends qu’ils stabilisent la confiance des citoyens dans le système, ce qui, finalement, l’emporte sur les injustices qu’ils ont pu générer.
Au final, tout est sans doute lié aux détails de la mise en oeuvre. Attendons donc que Mme Royal nous les précise...
Les Athéniens faisaient un peu dans cette voie : on élisait 5 personnes pour un poste à pourvoir, et on tirait au sort ensuite.
Ca a le mérite de forcer l’électeur à viser un élu... consensuel.
Ou le désavantage. Disons que ce système peut poser un problème grave quand une idéologie règne.
Alors reste la proportionnelle, oui. Mais il faut voir son poids. Pourquoi cet acharnement à vouloir "dégager une majorité parlementaire" ?
L’exécutif doit incarner une majorité, sans doute. Pour appliquer un programme (un "mandat impératif") pour lequel il se fait élire.
Mais le Parlement ? C’est censé être l’image du peuple, non ? Pourquoi faudrait-il que l’image du souverain soit condamnée au monopartisme ou au bipartisme ?
Après le XXe siècle, et en plein règne d’une nouvelle idéologie (je vois mal comment la société sortira avant longtemps du défilé des idéologies), il me semble qu’il faudrait revoir cet héritage d’un acharnement gaulliste (et d’autres), plaidant la stabilité du pouvoir plutôt que celle de la démocratie, laquelle est condamnée à se réformer toujours.
Je t’avais suggéré, Etienne, une autre combinaison, qui se ferait dans le sens inverse :
le tirage au sort comme mode de présélection d’un panel de "candidats" (ils sont volontaires) qui est présenté ensuite à l’élection, et fait sa campagne électorale.
En effet, un problème essentiel de l’élection se pose quand la présélection des candidats fait que seuls sont retenus les plus imbus de leur personne, les plus mégalomanes, narcissiques, les plus pervers, les plus enclins à écraser les autres ou à combiner pour s’élever (ce que développe si bien le "Manifeste pour la vraie démocratie" dont on trouve le lien sur ton site).
Sans détailler, faisons le constat au présent : plus les postes sont importants, plus c’est vérouillé d’entrée : des cratomanes accrochés au pouvoir depuis 30, 40 ans, et fatalement déconnectés. Des menteurs et des mythomanes "professionnels", pire, maladifs (qui me croira quand je dirai que le slogan "tous pourri" ne traduit pas du tout ma pensée ? "Le pouvoir corromp"... l’esprit, à coup sûr, pas tant le portefeuille).
S’ils sont ainsi sélectionnés, les députés "de métier" que tu mets en face de ce magnifique "sous-parlement" tiré au sort, je ne peux m’empêcher de penser qu’ils trouveront vite le moyen de rappeler ce beau monde à la "raison", au mythe de la compétence politique.
La réponse est déjà suggérée dans ton message :
"L’Assemblée Nationale, élue, devrait convaincre l’Assemblée des Citoyens, tirée au sort, avant d’imposer des lois à tous les citoyens".
Qui pose les questions, quand il s’agit de "convaincre" ? Qui, du moins, a le pouvoir de recentrer le débat sur une problématique de son choix ? De trouver dans les méandres des complications qu’il dessinera lui-même les circonstances atténuantes pour exliquer qu’il n’a pas tenu ses promesses (mais là je pars sur l’idée de la reddition de comptes a posteriori).
Celui qui apporte la problématique. Si c’est un "cratocrate" qui a de plus l’argument d’avoir été élu (comme Chirac, Bush, Poutine ou Hitler)... Je crois que les parades seront vite trouvées, il manque quelque chose.
’Convaincre", ça m’évoque la "pédagogie du MEDEF", la "patiente explication villepiniste"... des "réformes" (reculs démocratiques et sociaux).
Alors voilà, j’appuie cette idée, mais il faut en parallèle décliner celle que j’y oppose. À elle seule, elle ne suffit pas, en matière élective.
Bien sûr, l’essentiel reste le contrôle effectif des élus, et en ce sens cette voie est très bonne.
• Une Assemblée des Citoyens tirée au sort pour représenter le plus fidèlement possible la France réelle, ce qui y conduira des riches, des pauvres, des malins, des imbéciles, des jeunes, des vieux, des blancs, des noirs, des jaunes, des chrétiens, des juifs, des musulmans, des athées, des écrivains, des salariés, des patrons, des égoïstes, des altruistes, des avocats, des beaux, des moches, des petits, des grands, des bavards, des timides, des femmes de ménage, des nobles, des gueux, des manants, des artistes, des artisans, des commerçants, des greffiers, des huissiers, des notaires, des employés, des chômeurs, des syndicalistes, des étudiants, des gentils, des méchants, des fonctionnaires, des administrés, des courageux, des peureux, des médecins, des malades, des juges, des justiciables, des journalistes, des lecteurs, des profs, des élèves, des musiciens, des éboueurs, des architectes, des infirmières, des aides-soignantes, des chirurgiens, des routiers, etc. tu m’as compris.
l’angelisme qui consiste à se faire croire que :
1. les statistiques vont partager ses groupes en % égaux
2. on ne pourrait pas tomber sur une même personne, qui, au grè des cas à étudier, soit, l’un, l’autre ou tout ou partie de chaque en une fois
est confondant.
Sans vouloir polémiquer, et ne trouvant pas d’autre terme, je vois dans cette approche un fort risque d’antiparlementarisme.
La proportionnelle intégrale n’est-elle pas plus démocratique ?
Ne m’en veuillez pas, je préfère les élections aux sondages et aux stats.
Je l’avais déjà rapporté ici même, mais ne cliquez pas, j’ai fait pour vous le copier/coller :
dimanche 22
septembre 2002 : Patrick Balkany réélu Maire de Levallois-Perret dès le
1er tour avec 54,4% des suffrages exprimés.
dimanche 15 septembre 2002 : Jacques Mellick réélu à
Béthune avec 51,57 % des voix au premier tour.
Et je vous passe les intentions de vote prêtées à Bernard Tapie si ce dernier se remettait à la politique, les 20% qui ont voté Chirac au premier tour en 2002, les 54% obtenu par Mitterrand en 1987. Et ne me dites pas que mettre Balkany, Mellick, Tapie, Chirac et Mitterrand dans le même panier, c’est n’importe quoi. Ce sont tous des « parrains », la seule différence étant que certains sont plus forts que d’autres.
Alors comment espérer que des jurys citoyens fassent ce que ne font pas déjà les électeurs ?
Et si on lâchait les basques de la justice ? Si on lui laissait faire son travail ? Si on lui donnait les moyens (les lois) qui lui permette de mettre hors d’état de nuire un élu qui a magouillé et / ou menti ?
Et si on faisait les aménagements nécessaires pour redonner au parlement un vrai pouvoir de contrôle et de proposition ? Je me suis récemment intéressé de près à son fonctionnement à l’occasion du vote de la loi DADVSI et j’ai découvert stupéfait qu’elle était impuissante et gangrenée par les lobbies.
Et si on réfléchissait au moyen de ressusciter les vocations à devenir maire ? Ces vocations qui sont tellement en baisse que certaines communes n’ont même plus le choix : il n’y a plus qu’une liste. Que feront les jurys citoyens quand il n’y aura même plus de liste ? Empêcher les voyous et les menteurs de se présenter inciterait peut-être des gens de bonne volonté à s’engager politiquement.
Je continue de croire en la démocratie, de penser que le vote est la manifestation suprême de la maturité politique d’une société. Mais caresser l’opinion publique dans le sens du poil en lui promettant des « jurys populaires » me semble relever du même teasing que celui qu’utilise Jean-Pierre Pernaut pour promouvoir son émission « Combien ça coûte ? ».
Alors 6ième république, oui. Mais de grâce, pas de démagogie.
Patrice
Tout à fait d’accord avec vous. Sur ce blog j’ai trouvé une très bonne analyse signée POG et des suggestions sur les changements qu’il faudrait apporter pour que nous soyons une vraie démocratie.
http://www.bigbangblog.net/article.php3 ?id_article=457#forum34861
Patrice, avez-vous déjà assisté à une conférence de consensus. J’en ai suivie une. Impressionnant. Les gens sont sérieux, pas dans un maelström médiatique, non, on les a intronisés et ils s’investissent dans leur rôle.
Ils s’informent, écoutent les experts, posent des questions, peu à peu le groupe approfondit les points obscurs, finalise les enjeux.
La vraie démocratie, pas la démagogie, quand elle fonctionne, quand on donne du temps aux gens, cela fonctionne.
C’est vrai aussi bien de groupes qu’on a chargés de définir le cahier des charges d’un jardin public dans leur cité que de conférences dont l’objectif est de faire la lumière sur les OGM, le nucléaire ou le tracé d’un TGV.
Pour cela, il faut : financer les citoyens pendant leur temps hors travail, les mettre dans des conditions sereines de travail, tout le contraire des blogs ou des médias quoi. Rien à voir avec un micro-trottoir ou une avalanche de posts.
Anthropia, vous donnez des exemples qui « marchent ». Il existe des contre-exemples :
Il me semble que vous avez lu comme moi Les décisions absurdes : Sociologie des erreurs radicales et persistantes. L’auteur y démontre, exemples à la clé, qu’un groupe composé de gens censés et de bonne volonté peut très facilement s’engager dans un processus conduisant à des décisions absurdes. Entre autres, est évoqué le cas d’une copropriété où, après de nombreux débats, les copropriétaires aboutissent à un consensus qui conduit à l’installation d’un sas de sécurité conçu de manière aberrante.
Cette idée de jurys citoyens n’arrive décidément pas à me convaincre. J’y vois cependant un avantage, et je vous rejoins sur ce point : l’obligation faite à tous de devoir consacrer du temps à la « politique ». Car le temps, c’est bien ce qui manque le plus dans nos sociétés modernes : du temps pour lire, du temps pour s’informer, du temps pour réfléchir, pour penser (sans compter le temps pour créer, pour aimer, pour voyager...). Regardez nos deux hôtes : DS nous a avoué récemment ne pas avoir une minute à lui, et Judith est à deux doigts de quitter le chalet.
Beaucoup de nos concitoyens ont peu de temps : l’ouvrier avec le boulot-métro-dodo, le cadre branché « overbooké ». Quant en plus des escrocs vendent à leur insu le peu de temps de cerveau disponible qui leur reste... Je pense par exemple que si beaucoup arrivent à supporter les embouteillages, c’est en partie parce que c’est le seul moment qu’ils peuvent passer dans un espace qui leur appartient et où leur cerveau est libre (même si l’arrivée des téléphones portables à quelque peu modifié ce schéma).
Le Temps, avec l’Espace, sont de mon point de vue les deux seuls vrais luxes qui restent dans notre monde moderne.
Patrice
mais je pense qu’on est vraiment entré dans la campagne électorale.
J’ai entendu ce soir Jean Lebrun se faire interrompre son émission par l’Internationale, chantée en fond de salle, à l’occasion de son émission avec Alain Juppé.
Dialogue impossible. Ils ont chanté plutôt que poser des questions. Je n’avais encore jamais vu cela chez Jean Lebrun, qui permet souvent de vrais débats de fond.
Son concept, journalistes en campagne, est en train de se faire prendre dans les rêts de la campagne... électorale.
Car il est évident que ces "jurys", quelle que soient leur forme et leurs compétences, devront être constitutionnalisés.
Ben non, il n’est pas "évident"... En quoi est-ce évident ? Ce qui est évident c’est que le Conseil des Ministre aborde chaque semaine des questions couvertes par le secret défense et que par conséquent, il est certain que la proposition de Mme Royal une fois de plus n’a pas la moindre portée pratique, n’est absoluement pas applicable.
Vous aurez noté que le terme "évident" fait partie des mots qu’elle a martelé. Or rien n’est évident en politique. Tout nécessite une explication et une pédagogie.
Vous aurez noté que les questions des deux journalistes ont principalement porté sur les propositions de Ségolène Royale. C’est comme ça qu’on fabrique de toutes pièces des "évidences" médiatiques alors qu’en réalité elles ne méritent pas un pareil éclairage. L’esquelles "évidences" s’effondrent dès lors qu’on signale des faits concrets, par exemple, comme l’a fait Fabius, que s’agissant de l’encadrement à dimention militaire, avec nos 48 000 primo-délinquants par ans, il n’est même pas envisageable de les envoyer dans un pays lointain en mission humanitaire encadré par des pompiers et des gendarmes.
S’agissant de la 6ème République, Monsieur Shneidermann, celle de Montebourg. Les jurys populaires, n’ont rien à voire là dedan, c’est une question périphérique par rapport à la mise en place d’une République primo-ministériel. Par certains côtés, c’est même contradictoire : on ne met pas la décision politique à portée d’un buletin de vote comme le proposait Montebourg, en privant des instances de pouvoir ou de contre pouvoir de la légitimité du suffrage universel au profit d’un coup de dé ou d’une lotterie.
Est-ce que ça c’est assez claire ou alors vous préférez fabriquer des "évidences" à l’unisson de vos collègues ?
Ben, je crois que constitutionnaliser des jurys citoyens, si on veut les mettre en place, relève effectivement de l’évidence : la Constitution contient les règles régissant la vie politique et la prise de décision. Vu le rôle de ces jurys populaires, il faudrait effectivement sans doute en passer par là pour leur donner une réalité, et surtout, une légitimité.
Même si je suis profondément contre. D’ailleurs, je sais que c’est considéré comme un gros mot, mais il y a des propos plus haut qui ressortent d’une pensée profondément populiste. Ce n’est pas un mot que je lâche comme ça, pour moi, ce n’est pas l’Insulte suprême, c’est juste un mot qui décrit une certaine réalité. Or, selon moi, la défiance des élus fondée sur leur non-ressemblance avec les représentés relève du pur populisme. Lorsque l’on donne mandat à un élu, ce qui compte n’est pas qui il est, s’il me ressemble ou non, ou même, s’il appartient au même parti politique. Ce qui compte, c’est que les idées qu’il défend sont celles que je veux voir défendues. C’est qu’il agisse pour l’intérêt général, tel que je le conçois. Après, franchement, qu’il soit un homme noir, protestant, artisan, vieux, alors que je suis une femme blanche juive, étudiante et jeune, je m’en contrefous royalement (sans jeu de mots).
C’est pour cela que je ne comprends pas qu’une assemblée de citoyens pas plus que le Parlement, doive ressembler à la population française, en âge, sexe, profession, origine, ...
Ca sous-tend l’idée que seul un ouvrier peut défendre au mieux les intérêts des ouvriers, un homo, les droit des homos, etc. Or, d’abord, c’est faux (rappelons nous des menaces d’outing d’act up contre les députés homos qui avaient participé aux manifs anti Pacs), et ensuite, je ne crois pas qu’il faille que chaque catégorie de la population se fasse représenter pour défendre cet intérêt catégoriel. C’est l’intérêt général qui est en jeu. Ce qui compte, c’est donc l’idée que l’on se fait, avant tout, du Bien commun et des moyens de s’en approcher.
Ce qui devient de plus en plus drole c ’est que le refrain entonne par la pensee dominante sur SR pendant tout l’ete change on chantonnait : elle a pas d idees , pas de programme ou comme un certain LF " son programe c’est voici " et la aujourd hui elle a trop d’idees donc elles sont par principe inapplicables ... Du debat avec les deux autres candidats en tout cas c’est elle qui suscite les reactions ; quelles sont les idees de DSK et de LF ??
Je crois depuis le debut que cette candidate est un vrai tsunami pour la france , elle derange , elle nettoie la politique et cela ne peut se terminer que par un VI republique , elle n ’a à mon avis qu’un concurrent c’est F Bayrou qui lui aussi a un role de tsunami a jouer
J’ignore ce que vous désignez précisément par la pensée dominante. En ce qui me concerne, l’expression de la pensée dominante, c’est cette "une" du nouvel obs intitulé "Et si c’était elle ?" avec pour seul argumentaire les sondages et l’analyse de la personalité de la dame. Et ça ne fait pas un programme. Et ça n’a pas changé. On peut prendre les propositions saillantes les unes après les autres. L’encadrement militaire, la syndicalisation obligatoire, la séparation dans les classes de la fonction disciplinaire et pédagogique, l’inversion de la hierarchie des normes (contrat à la place de loi), la régionalisation de la politique d’immigration et les visas saisonniers. Rien de tout dcelà n’est applicable, Paul et Virginie. Et votre réaction face aux critiques est conforme à celle des royalistes depuis le début. Elle consiste à ne pas répondre sur le fond. C’est beaucoup plus facile quand personne ne pose de questions. Le résultat attendu, c’est de la colère de la part de ceux qui ne sont pas d’accord et qu’on prive de débat.
Tout ça ne forme pas un programme, c’est du pipeau. Voire un mensonge. Au cours du débat, SR s’est appuyé sur une résolution de la fédération de Paris pour défendre son jury populaire, celle-ci n’a rien à voire avec un tirage au sort.
Et puis il y a les grandes orientations : la définition même de la France comprise comme l’ensemble des régions, le rôle de la famille, chargée exclusivement de fixer des interdits (vous pouvez chercher, dès qu’il est question de famille, il n’y a que ça), et enfin le populisme. Le populisme, ça consiste à faire comme si le peuple était une entité indifférenciée et victime. C’est en gros la définition de Labicca, c’est la conception du peuple de SR : il suffit de tirer au sort : ceux qui ne sont pas représentatifs, voire pas concernés, et ils sont forcément les meilleurs.
Tout ça, c’est une série de dérives. Je crois que la presse y a sa part. Le travail d’un journaliste devrait consister à interroger de telles déclarations et les confronter au faits. Ce n’est pas le cas. Les journalistes, trop souvent, se contentent de retranscrire les paroles des uns et des autres en les choisissant avec soin. On a une espèce de "démocratie hors sol" qui se développe.
« Dans les jours qui viennent, le BBB, qui s’autoproclame à l’instant même jury-citoyen-tiré-au-sort-d’évaluation »
Vous avez une drôle de notion du tirage au sort.
Et pour votre liste de questions à explorer, vous pouvez rajouter quelques problèmes très terre à terre : les jurys sont-ils indemnisés (on suppose par défaut que c’est une occupation fortement chronophage), où se réunissent-ils, quelle est la durée de leur mandat, peuvent-ils être révoqués, leurs travaux de contrôle sont-ils eux-même contrôlés, par qui et comment, s’ils ont un pouvoir de sanction, y a-t-il des recours et lesquels et enfin, pour faire plaisir à David, seront-il filmés (dans l’exercice de leurs mandat, pas dans la piscine).
La démocratie participative existe ?
J’habite Rennes et je me suis décidé à participer au comité de quartier mis en place par la ville et encadré par la loi.
Résultat : j’ai quitté cette instance encadré par l’élu de quartier, quelques retraités et des fonctionnaires. Pourquoi : l’élu contôle et les fonctionnaires exécutent.
Une citation d’un démagogue populiste bien connu :
« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie. »
Montesquieu - Esprit des lois
Vous évoquez l’entrée dans le débat socialiste de la VIème République. Je n’ai absolument pas entendu cela lors du débat sur LCP. Fabius proposait clairement que les avancées institutionnelles proposées dans le projet PS soient soumises à référendum dès septembre 2007. Royal est restée très silencieuse là-dessus.
Pendant le débat socialiste, au cours duquel une bonne partie (au moins 24%) des militants proposaient la VIème République, que disait Royal : Plus fondamental, à mon sens, que la querelle régime présidentiel ou primo-ministériel qui a, certes, son importance ainsi que le rééquilibrage des pouvoirs du Parlement et, plus largement, de nos institutions mais, quelle que soit la formule que nous retiendrons au final, la priorité est aujourd’hui à une transformation très profonde de nos représentations, de notre état d’esprit, de nos manières d’être et de nos façons de faire pour reconstruire avec les citoyens une relation en phase avec leurs inquiétudes et leurs attentes (’Le désordre démocratique’, sur desirsdavenir.org, 6 avril 2006) Bref, les institutions n’ont pas d’importance. Royal n’a pas défendu la VIème devant les socialistes au moment où il y avait discussion au PS.
Dans quelles conditions Royal évoquent-elles sa proposition de jury citoyen ? un de ces proches est très clair dans le monde : "On ne discute pas toujours très en amont parce qu’elle entretient un lien étroit avec les sondages, analyse un membre de son équipe. Lorsqu’elle a pris connaissance de celui du Cevipof, dans lequel 60 % des Français jugent les responsables politiques "plutôt corrompus", elle a choisi aussitôt d’y faire écho avec les jurys citoyens."
Nous comprenons de suite qu’il ne s’agit pas d’une réflexion par rapport à la VIème République mais principalement de coller à l’opinion, pis à un sentiment, destructeur de la République (élu = corruption), exprimé dans un sondage alors qu’il n’était, jadis, que du ressort des extrèmes.
Royal parle de crise morale ou de personne et non de crise institutionnelle, de règle du jeu démocratique.
De plus, sa pré-campagne présidentielle se construit contre son parti (de nombreuses déclarations le montrent). Elle se fabrique une image d’héroïne du peuple, qui elle-seule l’entend (les autres en auraient peur). Sa personne est l’incarnation du changement. Nous sommes bien dans une dérive présidentialiste du régime. La VIème, de Montebourg ou de Mélenchon en 86, souhaite axée la politique non sur la personne ou la morale mais sur des propositions et un programme parfaitement décrit au citoyen. A cela s’ajoute la nécessaire émancipation politique des masses ; d’où l’importance des comptes-rendus de mandat, des ateliers de lecture de loi,...
D’un côté nous avons la Vème République quasi monarchique exacerbée par la stratégie de Royal (personnification du débat) et de l’autre la VIème République parlementaire basée sur le débat d’idées et des programmes issus de parti.
Pouvoirs Exécutif, Législatif, Judiciaire, ... ajoutons le pouvoir Médiatique
et le cinquième pouvoir qui manquait, Citoyen, Associatif, (sans oublier les Chômeurs et Précaires jamais représentés).
avec les outils nécessaires : Jurys, Conférences de consensus, Class Action, Conférences de l’emploi (associant chômeurs), obligation d’appartenance syndicale, etc...
Si l’exécutif et le législatif émanent bien d’un vote, les autres sont désignés ou s’auto-proclament.
Mais dans l’exécutif local, des exceptions, les patrons des EPCI, tels DSK ou Le Braouzec (communautés de communes), pour qui personne ne votent, mais qui remodèlent sans contrôle tout un paysage local. Faire apparaître les EPCI dans le système électoral.
Dans l’exécutif local, des patrons de Conseils généraux qui règnent en véritables potentats, leurs assemblées plénières étant de pure forme. Rappelons qu’un Conseil général règle la vie quotidienne, PMI, naissances, RMI, APA, aides sociales. Quelle évaluation des politiques publiques gérée par les citoyens ?
Sans parler des organismes paritaires qui ne représentent pas grand monde et que personne ne contrôle.
Je voudrais juste rappeler qu’il existe des organismes de contrôle et d’évaluation (dans une moindre mesure) des politiques publiques : la Cour des comptes les chambres régionales des comptes et la cour de discipline budgétaire et financière. Je me demande toujours pourquoi leurs rapports ne sont pas beaucoup plus médiatisés. Il s’agit là d’un corps de fonctionnaires dévoués au contrôle de l’utilisation de l’argent public. Ils sont formés pour cela. Ils disposent de moyens d’investigation. Ils mettent en avant les imperfections, les illégalités, les détournements dans la gestion des fonds publics. Ils nous informent sur "où va nos impôts ?"
Ils devraient être essentiels et beaucoup plus écoutés. J’ignore pourquoi ce n’est pas le cas. Mais ça me semble un premier pas d’évaluation des politiques (après, ce n’est qu’économique et juridique, et donc, ça ne répond pas aux questions fondamentales de la crise de la représentation, mais ça n’est pas inutile et malheureusement sous-exploité).
n’a pas de pouvoir de sanction.
Elle évalue les comptes publics, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Comment vérifier qu’on a bien respecté les critères sociaux, qu’on a bien appliqué l’égalité entre tous d’une ville à l’autre, par exemple, une aide sociale, qui fait l’évaluation ? quelques rares inspecteurs sociaux.
En général, quand on évalue en France, on regarde la conformité à la comptabilité publique ou la conformité entre les décisions d’un conseil et l’affectation comptable des moyens.
Quand évalue-t-on l’impact de la politique et son efficacité, l’effet dans la vie des gens, le chiffrage des gens exclus du système, les abus, le respect des consignes, etc., etc.
Très rarement et sur quelques dispositifs.
Une réaction sur le site désirs d’avenir de Ségolène Royal, de la part de quelqu’un qui a l’air de connaître le sujet (c’est pas comme moi) :
"Trésorier Principal en retraite, j’ai vécu pendant plus de trente ans ce qu’était l’impunité dont jouissent les maires en matière financière ; les détournements de fonds, les fausses factures, les dépassements de crédits budgétaires...etc, étaient bien relevés par les Chambres régionales des Comptes (deux ou trois ans après les faits évidemment) mais le seul responsable désigné par les CRC est toujours le Receveur Municipal (moi en l’occurence) souvent débordé par le nombre des factures à contrôler et contraint à procéder par sondages. J’ai donc souvent dû faire jouer mon assurance personnelle pour des fautes commises par les maires. La commission de discipline budgétaire destinée à sanctionner les maires existe bien officiellement (lois de décentralisation de 1982)mais dans les faits elle n’a pratiquement jamais sanctionné aucun élu ! Si les rapports des Chambres Régionales des Comptes doivent bien être lus au conseil municipal, cette formalité est le plus souvent éludée par les maires.
Alors vivent les jurys citoyens s’ils doivent dénoncer ce qui est régulièrement occulté.
Bien cordialement"
Non, puisque l’objectif, c’est de former ces citoyens tirés au sort pour que justement, ils comprennent les enjeux des politiques (pas les hommes, les actions) qu’ils devront évaluer.
Qu’est-ce qu’un concept-vernis ?
Mais qui forme à quoi, quand et où, pour quoi faire ? Si ceux qui forment les évaluateurs sont nommés par les évalués, excusez-moi, mais ça ne correspond à l’idée que je me fais d’un pouvoir de contrôle... puisque le pouvoir contrôle son propre contrôle.
D’autre part, former prend du temps. Ce qui signifie qu’on ne peut pas former un panel de tirés au sort pour une réunion, et en changer pour la suivante. Donc, que ce panel sera tiré au sort pour un laps de temps conséquent - 6 mois, 1 an ? Alors, qu’on le veuille ou non, le citoyen devient homme de pouvoir. Et il n’y a AUCUNE raison pour qu’il vive cette situation autrement qu’un élu républicain.
Un tiré au sort est un homme de pouvoir comme un autre (la légitimité en moins).
Un élu est un citoyen comme un autre (le pouvoir et ses abus en plus).
Vous expérimentez tous les jours par ce blog l’approfondissement d’un sujet, rappelez-vous le dialogue sur les DRM, on n’y comprenait rien au début, puis à force de lire Patrice, et les sites référents, peu à peu, on s’est fait une opinion.
Je pense qu’en suivant ce types d’audiences, on s’aguerrit et on devient capable de donner son avis, sur un principe, une tendance, bref on peut cadrer la marge de manoeuvre des élus, et analyser ensuite si les lois votées ont respecté la marge de manoeuvre donnée.
En ce moment, on apprend que les élus ont été invités par Suez à la finale de la coupe du monde de foot, à la veille du vote sur EDF. Ceci est la partie visible du lobbying. On peut imaginer d’autres pressions. Est-ce normal que seuls les lobbyistes puissent avoir cet impact sur les élus et pas les citoyens ?
Ce qui répond en partie à la question d’un autre bloggeur sur le pouvoir des entreprises, il est là ce pouvoir, dans le lobbying, et malheureusement, les élus ne sont pas "protégés" par des Jurys citoyens capables d’exercer une pression sur les principes et le cahier des charges jusqu’à l’évaluation finale.
La Cour des Comptes, et les Chambres régionales n’ont pas véritablement de pouvoir de sanction, sauf lorsqu’ils statuent sur une gestion de fait (autrement dit, le maniement de fonds publics en dehors des règles de la comptabilité publique). Dans ce cas, souvent, cette gestion de fait se double d’une infraction pénale. Et ces instances peuvent alors saisir le Parquet. C’est par l’intermédiaire des chambres régionales des comptes que les délits relatifs aux marchés publics de l’eau à Grenoble ont été révélés et Carignon condamné, par exemple.
N’importe quel citoyen peut aller sur le site et lire les rapports relatifs à sa commune, son département, sa région.
Il ne s’agit pas que d’un contrôle purement budgétaire. Les contrôles des comptes visent aussi - mais cette vision n’est pas unanimement partagée - à véritablement évaluer l’opportunité de telle ou telle décision, pas forcément d’un point de vue purement économique. C’est encore plus vrai de la Cour des Comptes, qui effectue de véritables audits des hôpitaux publics, par exemple.
Sinon, il est clair qu’il y a un vrai déficit dans la culture de l’évaluation en France.
Mais ce serait bien que les gens s’intéressent également aux outils, même insuffisants, déjà existants.
Les chômeurs et précaires sont représentés. Ce sont des citoyens comme les autres et ils ont le droit d’exercer leur devoir civique en mettant leur enveloppe dans l’urne.
Votre construction est absurde : par définition dans une démocratie représentative, telle que la république française, le pouvoir des citoyens est exercé par ses représentants.
Vouloir un pouvoir citoyen, cest passer dans la démocratie directe pure (ce qui aurait le mérite de la nouveauté, ça n’a jamais été fait à l’échelle d’un pays). A ce moment là les pouvoirs exécutifs et législatifs sont des Gentils Organisateurs de la consultation du pouvoir citoyen.
En outre vouloir un cinquième pouvoir associatif, c’est donner un poids plus important à ceux qui ont un engagement, une appartenance, ce qui représenterait une rupture fondamentale dans la notion de citoyenneté. L’exercice de la citoyenneté est égalitaire, un citoyen a une voix et le peuple est la somme des individus. Si on donne des voix à des associations, le vote d’un citoyen aura plus de poids que celui de son voisin non associatif. C’est pas une revendication extrêmement originale, ça fait certes belle lurette que diverses organisations réclament une "représentativité" plus grande, permettant au gentil militant de peser plus lourd que la masse silencieuse qui fait chier à pas voter comme il faut.
En outre vous avez oublié dans votre énumération le pouvoir économique ; sa réalité est pourtant bien palpable et sa nature non démocratique ne fait pas débat.
Les Conférences pour l’Emploi n’associent pas les chômeurs et les précaires. J’en sais quelque chose pour avoir participé à l’"autre conférence", sous Martine Aubry, qui avait refusé d’associer les associations et les précaires à sa conférence.
Mon idée d’un Pouvoir Citoyen consisterait simplement à l’associer avec les moyens cités, jurys, etc.
D’accord avec vous pour réfléchir à la part respective des citoyens et des associations. Je ne parle donc pas de démocratie directe, même si avec les outils réseau, on pourrait gérer beaucoup plus en direct les avis des citoyens.
Mais va pour la démocratie participative. Comme je l’ai dit, les citoyens finalement sont peu représentés, sur le judiciaire par exemple. Ils sont mal représentés, par rapport aux EPCI par exemple. Les élus ne les écoutent plus beaucoup entre deux échéances (cf. Chirac, les pdts de Conseils généraux)
C’est pourquoi je souhaite que les citoyens apparaissent dans la fonction de contrôle et de suivi des politiques publiques.
>>rt-d’évaluation de la candidate Royal, souhaite que Royal précise la composition, les affectations exactes, les compétences, les limites du pouvoir de sanction, de cette proposition de "jurys de citoyens tirés au sort".
Je parie que quand elle précisera le truc, ça n’aura plus rien d’un jury de citoyens tirés aux sort, mais plutôt un ravalement de facade du concept d’ "opposition" et de "participation des citoyens au niveau local.
Bref, tout existe déjà, et si ça ne roule pas c’est que les citoyens ne s’impliquent pas et que l’opposition fait plus de petite phrase que de travail de fond (qqsoit la majorité).
Un pavé gratuit, mal ficelé, qui en fait existe déjà mais dont l’annonce affiche un semblant de renouveau. Du marketing sur rien
Pour le coup, je vous rejoins en partie. Ce genre de propositions a tout au moins le mérite de susciter le débat, et de le placer sur un terrain sur lequel il est difficile d’emmener les gens naturellement. Il n’est pas évident de faire naître de l’intérêt pour les questions constitutionnelles, il me semble d’ailleurs que le référendum sur le quinquennat avait fait un score minable. Et puis surtout, pour le coup, personne ne s’était intéressé véritablement au fond de la question. Les politiques parlaient, personne ne les écoutait.
Alors, si au moins, cette proposition, que pourtant je trouve dangereuse, pose la question de la crise de la représentation (qui elle, est certaine), si elle permet aux autres de se prononcer sur leurs solutions à eux, et qu’elles soient entendues, que l’on débatte véritablement de ce qu’est une démocratie, du rôle du peuple, de son pouvoir, des contre-pouvoirs éventuels, franchement, il est certain qu’on pourra remercier SR d’avoir lancé le débat.
Allez, je lui accorde au moins cette qualité : elle déplace souvent le débat vers des contrées presque inconnues et par ses propositions tout au moins surprenantes, elle suscite l’intérêt pour ces questions.
Oui, DS, vous pointez bien l’aspect réforme de fond. Si cela les chatouille, eux qui avec la LOLF se font les champions du contrôle des administrations, c’est qu’ils aiment bien contrôler mais moins l’être.
Moi dans mon métier, à chaque séminaire, après chaque intervention, j’ai des documents que je fais remplir à mes clients. Leurs réponses m’évaluent, évaluent l’équipe.
Et je ne le prends pas mal, même quand c’est critique. Car cela veut dire que je vais pouvoir améliorer ma prochaine intervention.
Je considère que quelqu’un qui se plaint est quelqu’un qui m’aime, parce qu’il veut que je m’améliore. Et je préfère qu’il me dise pourquoi, plutôt qu’il s’en aille voir ailleurs et me laisse tomber.
Les élus qui veulent être réélus ne devraient pas avoir peur de ce suivi, qui leur permettrait de réajuster au fur et à mesure.
Maintenant, une des questions importantes, c’est comment évaluer un homme politique, quand les décisions, la dynamique ne dépend pas que de lui. Sur quels critères jugera-t-on qu’il est ou pas efficace ? Le simple fait de se poser la question va contraindre tout un chacun à être plus précis sur ses objectifs.
Qu’est-ce qu’un bon objectif ? Un but dont on sait dès le départ sur quels indicateurs de satisfaction il sera évalué, donc quelque chose de précis, réaliste, respectueux et mesurable... qui fasse préciser dès le départ au Jury : "Je serai satisfait si...".
Ce que j’aime avec Ségo, c’est qu’elle fixe des objectifs de ce type, elle ne se contente pas de généralités. On la critique pour cela car cela change des habitudes, mais en fait la Ségo est orientée objectifs, toujours très proche d’actions concrètes.
Un exemple de critères :
Non pas je serai satisfait s’il y a une carte scolaire,
mais je serai satisfait si le résultat de la carte scolaire est une réelle
mixité dans les écoles.
Non
pas je serai satisfait si on supprime la discrimination, mais je serai
satisfait si dans les entreprises, on trouve la même répartition sociale
(origines) que dans la société et ce à tous les niveaux hiérarchiques.
C’est justement cela qu’on demande à un élu, agir, décider, réaliser et quand cela dépend de lui réussir, sinon être assez malin pour trouver la bonne méthode pour mettre tout le monde d’accord.
Euh... elle l’a déjà fait dès lundi dernier :
Ségolène Royal a défendu, lundi 23 octobre, sa proposition d’une "surveillance populaire" des élus par des "citoyens tirés au sort", qui a déclenché un tollé jusque que dans sa propre formation, le Parti socialiste."Il ne s’agit pas d’un mouvement de défiance à l’égard des élus mais bien au contraire de savoir comment une participation populaire peut aider les élus à accomplir leur mandat", a dit la présidentiable socialiste sur RTL.
"Pour essayer d’associer ceux qui se sentent déconnectés des affaires publiques, on va les chercher : on leur propose de venir participer à des jurys de citoyens qui comparent les promesses avec les résultats", a-t-elle expliqué.
Ségolène Royal s’est défendu de proposer une sorte de tribunal populaire assorti de "sanctions". "Ce n’est pas du tout le cas", a-t-elle dit. "On est dans des stratégies gagnant-gagnant qui permettent d’éclairer la décision publique parce que les citoyens ont envie de pouvoir participer entre deux élections. Elles n’ont pas de pouvoir de sanction, ces commissions, elles ont un pouvoir d’évaluation, de réflexion sur les politiques publiques."
SR commence déjà à faire machine arrière au sujet des sanctions
Elle assure toutefois que "le dernier mot restera toujours au politique". "Il n’est pas question de surveiller ou de destituer qui que ce soit. Simplement, avec les jurys citoyens, l’avis du public aura été donné", remarque Ségolène Royal, candidate à l’investiture socialiste pour la présidentielle.
ZIG ZAG ZIG ZAG
Et maintenant : "le chèque syndical !"
"Si on avait testé le CPE par un jury de 150 jeunes, on aurait vu très rapidement que cette réforme n’allait jamais être acceptée par les Français".
"Sur les grands sujets nationaux, on organise en amont des jurys citoyens pour que le peuple donne son avis, avant l’examen de ces sujets en Conseil des ministres"
"Pourquoi ne pas proposer à chaque salarié qui signe un contrat de travail d’adhérer à un syndicat ? Ou alors la solution du chèque syndical, dont la cotisation est prise en charge par l’Etat"
"Les gens ne s’intéressent à la politique que si la politique s’intéresse à eux. On n’est jamais déçu avec la démocratie participative. Peut-être le mot jury a-t-il fait peur, par référence au jury d’assises. Mais je pense qu’il ne faut pas reculer sur ce point. Il y a bien des jurys de prix littéraires".
Je vois pas de machine arrière juste une précision. Il est biensur logique, normal, que ces jurys ne sanctionnent pas, du moins dans l’ultime sanction, la déstitution. Il faut réfléchir, sur qui est évalué, de quelle manière, de quels moyens de coercitions disposent ces évaluateurs de politique publique, à qui rendent ils compte, et soumette t il leur avis les plus impliquant dans une hiérarchie d’avis à construire elle aussi.
Sans doute puisqu’il y a nouveau pouvoir, il faut encadrer strictement celui-ci, pour qu’il se ressemble sur l’ensemble du territoire, et en qualité et en quantité. Il faut aussi prévoir d’instaurer dès la création des consultations impératives auxquelles les services administratifs et les collectivités territoriales devront se soumettre et ce à intervalle fixe et prédéfini, pour éviter les problèmes de perte de courrier, de manque de temps et autres qui peuvent exister... Travailler avec ce qui existe aussi déjà comme les cours des comptes. Limiter les pouvoirs d’investigation aussi, et c’est un gros problème, jusqu’où enquéter lorsque ce job est provisoire, lorsqu’on peut avoir accès à des informations privilégiées. etc.
On ne gouverne pas la France comme un village de 200 habitants.
Je ne crois pas que les arbres à palabres soient adaptés à notre contexte. La complexité des sujets, l’investissement nécessaire pour en comprendre les enjeux sont tels que je ne vois pas comment cela pourrait être organisé.
La généralisation du "C’est mon choix" ne me semble pas être progrès.
Tout à fait d’accord.
J’ai moi-même, il y a deux jours (sur le post précédent), tenté de soulever les "dangers cachés" que recèlent le recours irréfléchi et faussement évident à l’appellation "populiste". Je me réfèrais notamment à l’ouvrage d’Annie Collovald (voir lien). après coup, je ne suis pas sur d’avoir été compris (par défaut de clarté peut-être ?)
En tout cas, je ne peux qu’inciter tous ceux qui souhaiteraient prendre le "temps du recul et de la réflexion", et à qui un peu de sociologie ne fait pas peur, de lire ce livre qui traite du FN, mais qui selon moi à une portée beaucoup plus générale (concernant l’activité des commentateurs politiques, journalistes ou intellectuels).
évidemment, pour pouvoir recevoir ce genre de réflexions qui remettent en cause l’évidence et la transparence de mots tels que "populisme", il faut être prêt à accepter une certaine dose de "dévoilement sociologique" et à faire une sorte de rupture non seulement avec le sens commun mais aussi avec le langage commun.
En ce qui concerne les limites du pouvoir de sanction, SR est claire :
"des jurys de citoyens qui évalueraient les politiques publiques"..."non pas dans un sens de sanction, mais pour améliorer les choses."
(www.desirsdavenir.org/index.php ?c=actualites&actu=230)
Je ne comprend pas pourquoi on s’énerve avec ça : Il s’agit juste de constituer des petits groupes d’observation, avec un rôle purement consultatif ...
Ségo reine de la provoc ? ( Ne pas le dire à ses adversaires : c’est drôle de les voir plonger à chaque occasion )